“Return to the Origin marque le début d'une superbe collaboration entre les rythmes harmonieux de Ruud Heij et les synthés mélancoliques de Gert Emmens”
1 Vortex 17:36
2 Return to the Origin 14:13
3 Solaris 8:34
4 Life in Motion 18:06
5 So Long 12:09
(CD/DDL 70:38)
(Berlin & Netherlands Schools)
C'est dans les profondeurs d'horizons cosmiques que s'amorce cette première collaboration Emmens & Heij. Les 7 premières minutes de Vortex sont dénuées de rythmes. En contrepartie, elles sont riches en textures ambiosphériques avec des couches de synthé bohèmes, qui errent en spectres interstellaires parmi des chuchotements psychiques, et des lignes aux tonalités étoilées qui dérivent parmi des astéroïdes de tonalités biscornues sur des continents invisibles. Différente par rapport aux autres œuvres du genre, la toile sonique de Vortex dépeint une signature artistique qui sera la marque de commerce du duo Hollandais. On sent une présence dérangeante qui se profile sournoisement entre ces entrelacements de lignes de synthés. Une présence métaphasique qui ouvre une brèche et détache une ligne de séquences dont les ions sautent furieusement, moulant un rythme statique qui serpente et oscille dans les labyrinthes de Vortex. Tout se met en place. Le synthé et ses souffles de mellotron caressent un rythme dont la puissance mathématique du séquenceur installe une autre ligne aux séquences plus limpides. Ces ions cabriolent avec plus d'anarchie dans une fluidité qui divise une approche rythmique et qui harmonise tant bien que mal la dualité des rythmes toujours stationnaires, alors que les doux solos de Gert Emmens y flânent de leurs chants stridents. Fortement inspiré par les années Encore et Ricochet de Tangerine Dream, RETURN TO THE ORIGIN étend sa dense couche ambiosphérique sur des rythmes mélodiques et ambiants où les séquenceurs sont modulés dans les frappes de Chris Franke, alors que les synthés recouvrent de leurs uniques couches nasillardes un univers de séduction harmonique où les mélodies lunaires flottent comme des soupirs de mélancolie.
La pièce-titre démarre avec plus de spontanéité. Une ligne de séquences pulse lourdement et écarte un voile de bruines teinté de chants séraphiques. Le rythme est lourd. Nappé d'une onctueuse couche de brume irisée, il ondule avec force dans des corridors sinueux, s'agrippant à des cymbales robotiques afin de ne pas échapper aux vertigineuses spirales horizontales. Les synthés dessinent des acrobaties auditives, empruntant des tons de spectres aux chants toujours aussi acérés. Des chants qui sont devenus la signature de Gert Emmens, autant que les structures polyphasées sont celles de Ruud Heij. Des rythmes qui peu à peu manque d'essence et qui tranquillement s'évaporent afin de conduire Return to the Origin à son port de brume, là où des sirènes interstellaires donnent un concert pour les âmes égarées dans des brumes aspergées de bruines métalliques.
Solaris présente cette approche séquencée unique à Ruud Heij avec des ions qui sautillent et papillonnent dans des entrecroisements symétriques et où les rythmes ne sont jamais banals. C'est une mélodieuse approche séquencée, vivante et entraînante, que Gert Emmens arrose de délicats solos aux timbres d'harmonica. Des solos qui sifflent dans des ambiances cosmiques aux tonalités défiant l'imagination. Life in Motion évolue dans un pattern à la Vortex avant de bomber le rythme avec une structure de séquences qui rappelle l'attaque rythmique de Chris Franke sur Cherokee Lane d'Encore. Les synthés tissent une toile cosmique brumeuse reposante où s'accrochent des solos très musicaux qui défilent paresseusement sur un mouvement de rythme que l'on sent croissant, même si de fragiles notes en verre diluent sa vélocité. C'est un bon morceau qui caresse une certaine approche de rock cosmique progressif, la meilleure façon de décrire l'univers tout en couleur d'Emmens & Heij. So Long conclut RETURN TO THE ORIGIN avec une mystérieuse approche ambiosphérique qui croisse tranquillement avec des nappes de voix flottant sur de sourdes pulsations menaçantes. Une fascinante nappe d'orgue vampirique envahit ce décor d'ambiances qui explose avec une furieuse apparition d'une ligne du séquenceur. Une ligne qui fait danser et alterner ses ions avec frénésie dans un tourbillon sonique d'où volent des lignes aux parfums cosmiques et dont les empreintes se perdent dans cette brume qui parfois siffle des solos mais orne surtout le cosmos de denses nappes morphiques.
RETURN TO THE ORIGIN sonne le coup d'envoi d'une séduisante collaboration entre les rythmes évolutifs et en constante permutation harmonique de Ruud Heij et les synthés aux nappes chthoniennes, aux brumes mélancoliques et aux solos rêveurs de Gert Emmens. Au final, c'est un bel album où les longues structures libèrent des ruades rythmiques liées à un séquenceur aux ions aussi agiles que lourds. Des touches qui se fondent avec une surprenante harmonie dans des fragrances cosmiques et des airs de synthé qui ont le méritent d'apporter une sonorité nouvelle à un genre qui en a grandement besoin. À l'époque, on parlait d'une bouffée d'air frais dans le monde de la MÉ. Ce l'est encore.
Sylvain Lupari (14/10/13) ***½**
Disponible au Gert Emmens & Ruud Heij Bandcamp
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