“Signs est une bande sonore d'ambiances lunaires inondées d'éléments qui sont au diapason d'une folie lentement subversive”
1 First Light 17:03 2 Signs 7:28 3 From Beyond 15:13 4 Deceptive Silence 22:59 5 Void 10:31 Emmens/Heij | EH-008
(CD/DDL 72:43) (Ambient cosmic EM)
Un mini concerto de carillons très discrets étend les résonances des cloches dans les lignes de synthé dont les oisives torsades flottent comme les chants métalliques suspendus d'un chœur obscur. Des notes de piano viennent tinter plus fort que les cloches, tissant une sombre mélodie désarticulée dans une dense nuée de chants et de brises synthétisés. First Light arbore fièrement son titre avec une invasion du jour sur les cendres de la nuit. Il y a bien 10 minutés au compteur et toujours First Light flotte comme une menace avec ses lignes translucides qui évitent toute harmonie avec les accords d'un piano toujours égaré dans une opaque toile sibylline. Mais où sont les séquences? Les percussions? On entend bien ici et là des petits piétinements, mais First Light reste ambiant. Très ambiant. Tout comme SIGNS au grand complet. Ce dernier album du duo Emmens & Heij est une intrusion dans le monde de la musique ambiante sombre et noire. Les deux compères délaissent les séquences et percussions pour se concentrer sur l'art de moduler des paysages soniques abstraits inondés d'ambiances qui sont au diapason d'une folie doucement subversive. Le duo Hollandais ne fait pas les choses à moitié. SIGNS est un album immersif où l'auditeur est plongé en pleine obscurité lunaire à la recherche du moindre fil de rythme. Mais il n'y a point de rythme ici. Seulement des ambiances. Mais des ambiances tordues et d'une rare richesse patibulaire où s'enchaînent une multitude de lignes anfractueuses et l'inconfort rôde à chaque parcelle de luminosité.
De fines particules étoilées scintillent dans les souffles très cosmiques de la pièce-titre. Des souffles, ou de lentes élucubrations agonisantes, qui se recouvrent d'une rauque tonalité de didgeridoo flottent comme les ombres de navettes spatiales qui ont laissés des traces fantômes. Nous sommes littéralement au cœur d'une obscurité cosmique avec des souffles noirs qui aspirent notre subconscient et dont la seule vie est soufflée par des harmonies très songeuses éparpillées ici et là par des vestiges de piano ou de guitare. Ici, et dans un Void un peu plus musical, c'est une guitare et ses riffs solitaires qui traînent une mélancolie dans un vide astral alors que From Beyond, tout comme First Light, éparpillent 4 notes en série d'un piano très méditatif qui perd ses larmes dans l'oubli. La première partie offre un paysage sonique des plus perturbants avec de lentes vagues de synthé qui chamboulent les délicates harmonies d'un piano égaré dans tant de souffles, de brises et de voix mêmes aussi soporifiques que ténébreux. L'approche est aussi sombre et dérangeante que dans First Light, même si les deux titres se ressemblent énormément. Deceptive Silence est un titre très obscur, par moments inconfortable, avec ces étranges pulsations qui battent sous une nuée de stries aux arômes de métal hurlant. L'introduction est très psychotronique avec des tonalités qui forgent une vie irréelle alors que tranquillement le titre perd sa faible ligne de vie dans une tempête de brises lugubres qui hurlent comme des vents se nourrissant de trous vides. Ce long titre plonge l'auditeur dans un trou noir sonique où toutes les formes abstraites prennent vie pour se défaire à mesure que d'autres tonalités, toujours très abstraites, moulent l'insaisissable. Il y a des passages plus éthérés où le calme expose une relative tranquillité avec des ondes de synthé qui valsent et chantent comme des baleines cosmiques, mais toujours Deceptive Silence est rongé de l'intérieur par une riche faune sonique aux décors d'ambiances lunaires érodées par la stérilité. Un décor repris par Void et ses 4 accords de guitare aussi méditatifs que le piano de From Beyond. Un décor aussi fascinant que dérangeant et qui fait tous les charmes de SIGNS; une trame sonore pour ambiances lunaires.
Sylvain Lupari (13 Mai 2014) ***½**
Disponible au Emmens & Heij's Bandcamp
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