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Writer's pictureSylvain Lupari

ENTREVUE: RAINBOW SERPENT

Frank Specht nous parle de l'album Stranger et de l'univers de Rainbow Serpent

S&S: Bonjour Gerd et Frank, j'espère que ça va bien. Au nom des lecteurs de Synth&Sequences, je vous remercie pour votre temps et pour cette interview. Ma 1ère question sera un long préambule….

Je vais mettre les choses au clair tout de suite, j'aime beaucoup Stranger. Je trouve que c'est un bel album, certes différent du Berlin School tortueux qui a fait la renommée de Rainbow Serpent, c'est le moins que l'on puisse dire puisque je connais votre musique (depuis 2005 et The 8th Nerve) et de ce que j'ai lu concernant vos autres albums, mais c'est un album mélodieux. Ainsi, la première question qui m'interpelle est : qu'est-ce qui a motivé Rainbow Serpent à unir sa musique à la voix de la chanteuse allemande Isgaard ? Car contrairement à vos précédents albums, dont Live @ Liphook en 2007, cette fois Isgaard chante vraiment des chansons, alors qu'Eva-Maria Kagermann y soufflait d'agréables vocalises oniriques.

Frank Specht: Le désir d'un album contenant des chansons était déjà là et aussi inspiré par la voix d'Eva-Maria Kagermann sur l'album "Live @ Liphook". A la recherche d'un chanteur, notre premier choix s'est porté sur Isgaard, dont nous connaissions les chansons de l'album "Zeitgeist" de Schiller. Nous lui avons écrit pour lui parler de notre idée, mais sans avoir de pistes concrètes. Elle a aimé notre musique précédente, qu'elle connaissait de notre page MySpace, et a spontanément accepté.


S&S: Dans un précédent courriel, Gerd m'a dit que c'était un rêve de longue date pour Rainbow Serpent de travailler avec une chanteuse. Qu'est-ce qui vous a poussé à le faire?

Frank Specht: Nous sommes tous les deux fans de Lisa Gerrard. En tant que musiciens, nous voulons toujours évoluer et nous pensons que la voix humaine ne peut être remplacée par aucun instrument. La musique gagne ainsi une dimension supplémentaire.


S&S: Rainbow Serpent était-il vraiment rendu à ce point dans sa carrière?

Frank Specht: Le point culminant de notre carrière? Seuls nos fans peuvent répondre à cette question. Pour nous, chaque nouvel album est un point culminant.


S&S: Ne pensez-vous pas que vos fans vont être déçus ou ennuyés par cette nouvelle approche musicale? Après tout, des artistes comme Tangerine Dream et Jean Michel Jarre se sont cassés les dents après une telle tentative.

Frank Specht: Nous faisons notre musique d'abord et avant tout pour nous-mêmes. Nous avons toujours essayé de développer notre propre style et n'avons jamais voulu être une copie de Tangerine Dream, Klaus Schulze ou quelqu'un d'autre. Nous savions déjà que certains fans seraient déçus si nous sortions un album avec des voix. D'un autre côté, nous pensons que nous allons gagner de nouveaux fans. Ce CD ne signifie pas que nous allons désormais sortir uniquement des albums avec des voix. A l'avenir nous continuerons à publier des albums purement instrumentaux.


S&S: Est-ce une démarche commerciale ou créative qui a poussé Gerd Wienekamp et Frank Specht à entreprendre un tel virage?

Frank Specht: Définitivement un objectif créatif. Si ce changement mène aussi à un succès commercial, alors nous en serons très heureux. Surtout que le succès commercial signifie que la musique atteint plus de gens et que ces gens aiment cette musique.


S&S: Comment l'étincelle s'est-elle allumée? Quand avez-vous ressenti le besoin d'entreprendre un tel virage?

Frank Specht: L'idée est née dans notre pub local et a été influencée par "The Silver Tree" de Lisa Gerrard et ses chansons dans le film "Gladiator".


S&S: D'où connaissez-vous Isgaard et comment s'est passée la collaboration entre vous trois? La communication était-elle facile à faire ou bien était-ce laborieux de faire de la place à sa voix qui, par moments, couvre vos rythmes comme le faisaient les strates de vos synthés?

Frank Specht: Gerd a établi le contact. Et quand nous avons réalisé, après la première rencontre, que nous nous entendions bien, la coopération a été très détendue. Cependant, nous avons dû aborder la musique différemment que d'habitude, pour faire de la place à la voix d'Isgaard.


S&S: Qui a écrit les textes et comment s'est déroulée l'expérience de mettre des mots sur votre musique? Car, malgré le chant qui jaillit ici et là, il y a de très belles musiques derrière Stranger. Alors, comment s'est faite la transition musique et mots?

Frank Specht: Comme nous ne sommes pas des écrivains, nous avons laissé cette partie entièrement à Isgaard. Elle et son producteur Jens Lück ont très vite eu un feeling pour notre musique. Certains titres n'étaient pas initialement prévus comme des titres vocaux. Isgaard et Jens nous ont surpris positivement avec les voix.


S&S: D'où vient cette inspiration ethnique qui enveloppe vos albums? Sur Stranger, on sent une attirance pour les rythmes arabes alors que sur The 8th Nerve et Liphook ce sont plutôt des rythmes indiens?

Frank Specht: L'inspiration pour ces morceaux est venue du film "Gladiator" et aussi de l'album "Passion" de Peter Gabriel. Nous aimons des choses comme l'instrument duduk et les influences orientales et nous voulions depuis longtemps faire quelque chose dans cette direction.


S&S: Donc, je présume que Beyond New World est fortement inspirée par Enya?

Frank Specht: Non, pas Enya ! "Beyond New Worlds" était en fait prévu comme un morceau instrumental basé sur Jean-Michel Jarre. Comme Isgaard a été séduite par cette musique, elle a simplement essayé d'y mettre des voix. Nous étions tellement ravis du résultat que nous avons dû publier la version vocale sur l'album.


S&S: En parlant d'influences, quelles sont les plus grandes influences de Gerd Wienekamp et Frank Specht?

Frank Specht: Les influences précédentes venaient de Klaus Schulze. Il est le lien entre nous deux. Au fil des années, nous avons développé une préférence pour de nombreux autres genres.

Gerd Wienekamp: En travaillant avec Isgaard j'ai de nouveau écouté la musique populaire. Je suis très exalté par certains groupes comme Bad for Lashes, Hurts et Delphic. Cela reflète aussi mon amour de la vieille musique pop des années 80 (par exemple Heaven17, DAF,Frankie Goes To Hollywood,OMD,Yello).


S&S: Si je demandais à chacun d'entre vous quels sont vos 5 meilleurs albums, films et livres ?

Gerd Wienekamp:

Pink Floyd "Division Bell" and "Wish yo where here"

Klaus Schulze: "X"

Bad for Lashes "Two Suns"

Peter Gabriel "Passion"

5 meilleurs films

Gladiator

2001

Planet of the Apes

The Time Machine

Sweet November with Charlize Theron

Nick Hornby "High Fidelity"

Frank Goosen "Radio Heimat" and "So viel Zeit"


Frank Specht:

5 meilleurs albums

Pink Floyd "The Wall"

Peter Gabriel "Passion"

Mike Oldfield "Amarok"

Klaus Schulze "Audentity"

Isao Tomita "The Planets"

5 meilleurs films

Gladiator

Lord of the Rings

Avatar

The Time Machine

The Prestige

5 meilleurs livres

Contact

Songs of Distant Earth

2001

2010

et tout de Stanislaw Lem


S&S: Si je te disais que certaines chansons de Stranger (Beyond New Worlds, Wide Open Spaces, Rub Al-Chali, Stranger et Beautiful Child) s'éloignent du répertoire très berlinois du groupe pour embrasser une tangente New Age, même du genre Easy Listening. Comment réagissez-vous ?

Frank Specht: Nous ne faisons plus de pur Berlin School comme tel. Nous avons toujours essayé de combiner différentes influences dans notre musique. Ainsi, nous ne pensons généralement pas en tiroirs. Chacun doit décider par lui-même, dans quel tiroir nous classer.


S&S: Comment définissez-vous la musique de Stranger? Berlin School, New Age ou simplement musique électronique?

Frank Specht: Juste de la musique électronique! Les influences que nous avons sur cet album sont trop diverses pour être spécifiées dans un seul genre. C'est juste le mélange Rainbow Serpent.


S&S: Est-ce que Stranger a plus de diffusion radio ou de visibilité commerciale avec Isgaard dans le groupe maintenant?

Frank Specht: Absolument. Nous prévoyons deux ou trois mixes de titres pour la radio.


S&S: Comment ses fans à elle ont réagi à cette association ? Après tout, sa direction musicale est aussi fortement différente de la vôtre!

Frank Specht: Les réactions de ses fans ont été très positives. Isgaard elle-même sert une variété de styles allant du classique au pop (en pensant à son projet "Schiller" et ses albums solo).


S&S: Stranger, est un beau mélange d'EM cosmique (Beyond New Worlds qui est à cheval entre les zones Oxygène et Métamorphoses de Jarre), de MÉ complexe du genre Berlin School (Intense et Elements) très mélodieux (Gateway et Memory Leaves) et des chansons plus accessibles dans la veine d'Enya et Sarah Brightman. Est-ce que Rainbow Serpent se cherche, est-ce la direction musicale que vous allez utiliser à partir de maintenant?

Frank Specht: Définitivement non! Nous ne savons pas au début d'un album où le voyage va nous mener. Car derrière l'album "Stranger" il n'y avait pas de concept, nous voulions juste explorer les styles vocaux d'Isgaard. Ainsi, plus par hasard, un CD très varié a été créé avec un large spectre. Il est impossible de prédire dans quelle direction le prochain CD nous mènera. La coopération avec Isgaard continuera si des pistes vocales sont nécessaires.


S&S: Stranger est le 13ème album de Rainbow Serpent. Avec du recul, comment analysez-vous le chemin parcouru par le groupe? Gerd Wienekamp et Frank Specht sont-ils satisfaits de l'évolution de Rainbow Serpent?

Frank Specht: On n'est jamais satisfait. La satisfaction signifierait un arrêt mais nous voulons évoluer sur chaque CD. Quand un musicien parle d'évolution c'est quelque chose de bien différent de ce que le fan perçoit.


S&S: Est-ce que Rainbow Serpent atteint le but que vous vous êtes fixés tous les deux?

Frank Specht: Non! Atteindre un objectif signifie que nous pouvons commencer à nous coucher. Mais nous avons encore tellement d'idées que nous n'attendons plus que de composer le prochain album. Pour nous, la route est le but!


S&S: Que pouvons-nous attendre de Rainbow Serpent prochainement?

Frank Specht: En ce moment nous sommes toujours occupés avec la promotion de "Stranger". Il n'y a pas de plans concrets pour un nouvel album existant. Des performances en direct avec Isgaard sont possibles.


S&S: Donc tu penses que donner des concerts avec Isgaard pourrait être quelque chose de possible?

Frank Specht: Absolument. Cependant, une performance avec Isgaard est un peu plus compliquée que le cadre habituel des groupes purement électroniques de notre petite scène. Le simple fait de répéter avec des voix demande plus d'efforts que la musique instrumentale.


S&S: J'ai découvert la musique de Rainbow Serpent avec le 8th Nerve. Depuis, il y a eu Live @ Liphook 2007 et Elektrik Cowboys (avec Keller Schonwalder). Chaque album emprunte une tangente différente mais respire toujours des rythmes complexes et vivifiés. Sur Stranger, cet étrange mélange complexe entre rythmes et mélodies est toujours présent. Comment pouvez-vous expliquer cette dualité dans Rainbow Serpent?

Frank Specht: Cela est dû à nos influences. Alors que Frank est dominé par la musique de film et les morceaux mélodiques, Gerd aime les pads et les percussions complexes. Mais ça a toujours été comme ça : nous entendons des musiques très différentes et les combinons dans notre propre musique. Cela montre sûrement que chacun de nous préfère une direction particulière sur nos albums solo (Sebastian im Traum, et Kontakt).


S&S: Vos précédents albums, avant votre association avec Manikin, sont épuisés. Dans le cadre de la renaissance de Rainbow Serpent, est-ce que les anciens albums vont voir la lumière du jour, un de ces jours?

Frank Specht: La renaissance ? Nous n'avons jamais été morts! ;-)

Nous nous sommes simplement livrés à une longue pause créative. Pendant cette période, nous avons essayé beaucoup de nouveaux équipements et nous nous sommes familiarisés avec de nouvelles techniques. Certains anciens albums ont été réédités par Syngate. Actuellement, ce sont les albums "Voyager", "Sequel to Voyager", "Sebastian im Traum" et bien d'autres. Il est tout à fait possible que d'autres albums soient réédités. Nous ne pouvons pas dire ce qu'il en sera et ce qui se passera.


Entrevue réalisée par Sylvain Lupari en décembre 2010

Photo est la courtoisie de Sylvain Mazars

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