“Analog Overdose est un régal pour les amateurs de Berlin School analogue avec des mouvements remplis de parfum très Ashra”
1 Analog Moods 8:44
2 emanoN 1:07
3 Und wir gehen in den Club...6:43
4 Sentimental Moods 11:26
5 Seilbahn zu den Sternen 4:58
6 Echo Gods 10:18
7 First Contact 12:32
8 Analog Overdose (Live/Petrus Church, Berlin March 30th, 2001) 23:57
(CD 79:46) (V.F.)
(Berlin School)
Quelle surprenante collaboration que celle-ci. Un pionnier de la musique électronique genre Berlin School en Mario Schonwalder, et un jeune loup qui affectionne les rythmes un peu plus techno en Thomas Fanger. Le résultat est au-delà des attentes. ANALOG OVERDOSE est une festivité pour la MÉ vintage. C'est près de 80 minutes de douce MÉ où des ambiances vaporeuses côtoient des rythmes légèrement technoïdes. Fanger & Schönwälder offre un superbe album à la dimension de leurs talents. Et croyez-moi, ils en ont. Et pour cette première collaboration, le duo ne s'offre rien de moins que Lutz Ulbrich à la guitare, ajoutant ainsi l'esprit et les rythmes bouclés de Ashra sur une œuvre aux dimensions de la Berlin School vintage. On penserait à une réincarnation d'Ashra Temple dans la peau de Tangerine Dream et Klaus Schulze. Que demander de plus? Que ce soit bon? Mais ce l'est et même plus!
C'est dans une ambiance tordue que s'ouvre Analog Moods. Des pulsations légèrement faibles secouent des lignes de synthés aux torsades imprégnées de sombres vibrations rauques et gutturales. Sublimes, ces synthés étendent leurs nappes enveloppantes qui se déplacent comme des fantômes d'éther, créant un monde fantomatique où l'irréel s'accouple aux cliquetis de cymbales pour se fondre en une douce hypnose cérébrale. Une ligne de séquences aux limpides accords nerveux papillonne autour de ce cortège dont les lignes de synthé fredonnent comme une chorale de spectres prisonnière des brumes irisées, alors que le rythme de Analog Moods décolle avec des pulsations plus soutenues dont les sourds battements battent la cadence sous les souples agilités des séquences aux va-et-vient ancrés avec plus de vélocité. Cette structure de rythme statique, encerclée par ces séquences nerveuses, accentue l'ivresse d'une hypnose musicale que des souffles de Mellotron flûté bercent au-delà du très ambiant emanoN. Avec Und wir gehen in den Club, nous plongeons dans les ambiances de dance club qui s'inscrivent dans la lignée de Sauce Hollandaise de Ashra. Le rythme est enjoué avec un genre de disco groove avec une guitare qui lance ses boucles harmoniques sur un tempo où pulsations minimalistes, claquements de mains virtuelles et cliquetis des cymbales forment les bases d'une structure légèrement sautillante. Écoutez et délectez-vous des effets sonores qui serpentent et s'incrustent dans les rythmes. C'est un habile mélange de jungle et Urban Groove intimiste où la guitare d'Ulbrich apporte une touche très Ashra à une musique enjouée et dynamique qui apporte l'énergie au corps et le rythme aux pieds. Comment décrire Sentimental Moods? Imaginez un homme rongé par son passé qui arpente une colline dont il ne voit jamais la cime. L'ascension est ardue et sa tête est pleine de souvenirs, tantôt des heureux et d'autres un peu moins. C'est ce genre de spirale ascensionnelle qu'est Sentimental Moods. Sur une structure de séquences qui rappelle étrangement le mélancolique univers de Robert Schroeder, Sentimental Moods peine à jongler avec son rythme dont les pulsations furtives hésitent à forger un rythme soutenu qui est envahit par de denses brumes aussi irisées que nébuleuses où des voiles orchestrales et des murmures absents tissent une toile harmonique irréelle. Les atmosphères sont sublimes et Fanger&Schönwälder sculptent un incroyable mouvement, digne des meilleurs moments hypnotiques de Robert Schroeder et Klaus Schulze sur des séquences qui évoluent lentement. Des séquences aux soubresauts ténébreux qui moulent un rythme rêveur sous des synthés aux nappes éthérées dont les variances se fondent en une nébuleuse symbiose mélodieuse où traînent des accords et des tonalités biscornues égarés. C'est un superbe titre et un classique en devenir du répertoire de Fanger/Schönwälder. Avec ses fins tam-tams lunaires, Seilbahn zu den Sternen surfent sur la tranquillité ambiosphérique de Sentimental Moods. Quoique le tempo soit légèrement plus animé, l'enveloppe musicale reste très morphique et nébuleuse avec de belles nappes aux parfums de violons brumeux qui enveloppent de fins riffs chevrotants de guitare roucoulant en boucles, nourrissant cette étrange procession spectrale dont la tangente bifurque vers un monde insolite où pulsent des bruissements métalliques, caquètent d'étranges tonalités et ululent des soupirs de métal chanteur.
Echo God et First Contact sont les deux autres titres avec Lutz Ulbrich aux guitares. Et on se croirait véritablement être dans un album d'Ashra, surtout avec Echo God qui offre une rythmique comparable à Und wir gehen in den Club mais avec plus de vigueur, jetant ainsi les bases d'un lourd techno organique. Et l'ambiance est à couper le souffle avec ces cerceaux qui sifflent dans l'ombre des solos et des riffs qui roulent en boucles sur un rythme pulsatoire qui n'a rien à envier aux psy-trance de ce monde. Et un superbe solo fantomatique vient ajouter plus de profondeur à un titre qui étonne, tant par sa musicalité que sa ressemblance avec les œuvres d'Ashra ou encore de Manuel Gottsching. First Contact est plus éthéré avec une structure de séquences minimalistes qui tracent un mouvement de va-et-vient, ou de cha-cha ambiant, dont la langueur tournoie sous les assauts d'une guitare aux solos corrosifs et aux riffs bouclés dans une enveloppe harmonieuse. Le rythme s'épanouit avec plus de mordant, alliant la névrose spasmodique dans une spirale plus fluide où chantent des solos devenus plus lunaires. Enregistré en concert, à Berlin le 31 mars 2001, la pièce-titre est dans la plus pure des traditions de la Berlin School avec une longue structure aux lentes évolutions minimalistes. Tout de go, l'intro séraphique est happée par un mouvement de séquences agiles qui tournoie dans des brises d'éther, comme dans Sentimental Moods, voix angéliques en plus. Chevrotant, un peu comme si les boucles de Lutz Ulbrich étaient préenregistrées, le rythme galope avec une frénésie retenue sur une mesure plus fluide. C'est la mesure idéale pour les improvisations et pour y greffer des accords qui enrichissent le vocabulaire musicale de Analog Overdose dont l'ossature rythmique bouge à peine alors que l'enveloppe ambiosphérique est hantée par des souffles de synthé fantomatiques qui respirent les ambiances spectrales du Dream. Et c'est dans ce tourment que les harmonies se dessinent. De brefs solos, des brises de Mellotron fluté et des nappes de synthé flottantes tissent les pans d'une mélodie que seuls les spectres peuvent fredonner alors que les synthés survolent cette ambiance paranormale d'une nuée de stries et strates qui forgent au final des solos absents, discrets et finalement vindicatifs. Et graduellement le tempo gagne en puissance tout en étant maintenu par des hordes de brumes orchestrales, maintenant la puissance implosive de Analog Overdose dans son carcan stationnaire où fusent des solos aux tonalités hybrides émanant de deux synthés aux antipodes de leurs harmonies. C'est du Schulze sur du Tangerine Dream, ou vice-versa, mais c'est avant tout une overdose de MÉ vintage qui n'est en aucun moment létale…mais fortement recommandable.
ANALOG OVERDOSE est bien la seule surdose inoffensive à la santé, quoiqu'une accoutumance puisse se créer d'une façon insidieuse mais le plaisir restera toujours sain. C'est un superbe album qui plaira aux fans de vintage Berlin School à coup sûr. L'atmosphère d'Ashra ou de Gottsching est incroyablement incrustée sur chacun des titres où Lutz Ulbrich étend la musicalité de sa guitare, même que cela déborde sur la pièce-titre, offrant ainsi une profondeur insoupçonnée à une œuvre qui chevauche ainsi les ambiances du mouvement Teutonique à plusieurs tentacules. C'est un festin musical où tous les gourmands de la MÉ analogue sont conviés, de même que ceux qui ont un appétit restreint mais toujours prêt à goûter à quelque chose de plus relevé!
Sylvain Lupari (8 Mars 2007) ****¼*
Disponible au Manikin Bandcamp
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