“C'est un merveilleux et fascinant voyage musical dans les territoires de la teutronica et une hypnotique New Berlin School”
1 Eindhoven 25:45 2 Liphook 12:15 3 Los Angeles 14:45 4 Frankfurt 10:27 5 Berlin 50:58 Manikin | MRCD7097
(DVD/DDL 115:00)
(Teutronica, Berlin School)
Je l'ai déjà écrit et le répète encore: assister à un concert de MÉ est faire preuve d'un acte héroïque contre l'endormitoire. Cette superbe musique qui est l'équivalent d'une coulée de lave sous les arches d'un arc-en-ciel trouve toute sa richesse sous les yeux clos des rêveurs diurnes. Certes il y a des rythmes. Des rythmes brodés dans des séquenceurs où les protagonistes sont aussi excités que les mannequins de chez Macy's. En fait ce qui sauve la mise lors de ces concerts est la qualité de la musique. Et à ce niveau, Fanger & Schönwälder nous sert un cours 101 sur la MÉ dont les parfums analogues ravivent ces fous souvenirs de nos années d'illusions artificielles.
ANALOG OVERDOSE- The Road Movie est un film-documentaire sur la tournée internationale entreprise par le duo en septembre 2007 jusqu’en août 2008. Une tournée qui les a promenés de L.A. à Berlin en passant par l'Angleterre où Thomas Fanger et Mario Schönwälder éblouissaient moult oreilles sur une MÉ écoutée religieusement par un public pris en otage par des rythmes et ambiances qui coulent sous les panoramas organiques de toiles savamment brossés par des laves psychédéliques. Hormis la musique et les effets visuels, les prises de vue très pénétrantes nous offrent un petit cours sur l'art électronique avec des close-ups qui révèlent des secrets et qui assouvissent toute la curiosité d'un néophyte tel que moi sur les fonctionnements des synthés et séquenceurs.
C'est au l'E-Live de 2008 à Eindhoven que cette aventure audio-visuelle débute. Dans un environnement sobre, très intimiste, et agrémenté de dessins du genre Spirographe qui se fondent à l'écran dans de savoureuses étreintes psychédélicosmiques, le rythme de Eindhoven émerge délicatement des cercles morphiques et des flûtes dormitives pour épouser les formes d'un groove cosmique. Le rythme, d'abord lent et incertain, devient langoureux et augmente une cadence envoûtante sous les souffles harmoniques des synthés aux arômes de Tangerine Dream de sa période Ricochet. Ce Lounge lunaire égare son rythme lascif dans des errances atmosphériques avant de reprendre son moule hypnotique qui bat d'une vie suggestive dans un dense voile de brume bleue où effets sonores organiques et nappes éclectiques enrobent une approche rythmique d'un genre Électronica avec un zest de Berlin School. Liphook est un petit joyau d'une MÉ qui fait merveilleusement le lien entre la période analogue et celle plus digitale. Le rythme est franc et soutenu. Caressé par des serpentins d'ions séquencés qui brodent dans leurs tracés échoïques un rythme finement saccadé, il fait la courbette devant des nappes de synthé dont les voix éthérées et les souffles Persans ravivent des réminiscences de Klaus Schulze sur Blackdance. Superbe! L'introduction de Los Angeles se fait par une courte vidéo du circuit routier de la ville dont les images défilent dans les fragrances de Tangerine Dream des années Encore. Nous entrons dans une portion plus intimiste du DVD où l'on voit le duo entassé dans un local interpréter un titre moulé sur mesure pour ceux qui ont suivi la tournée Nord Américaine du Dream en 1977. Le rythme est forgé dans de bonnes pulsations séquencées qui oscillent parmi des cliquetis de cymbales. Il suit une tangente qui zigzague sur une autoroute musicale bourrée d'obstacles et éclairée de filaments synthétisés aux tonalités fantomatiques. Ce rythme doté de deux entités distinctes qui s'entrecroisent dans des nappes de synthé brumeuses et symphoniques sert de toile de fond à un diaporama musical où l'on voit le duo errer dans les rues de L.A. et explorer les déserts californiens. Les friands de MÉ analogue des années vintage vont adorer et useront ce segment de ANALOG OVERDOSE- The Road Movie.
Et plus on avance dans le DVD et plus nos oreilles se délectent, alors que nos yeux apprécient les découvertes tout en oubliant le manque d'artifices pompeux des concerts à grands déploiements. La performance de Frankfurt est basée sur les mêmes préceptes que L.A.; petit local, images d’une activité urbaine et approche musicale très Dreamienne avec une nuée de Mellotron qui recouvre un lourd rythme hypnotique et soutenu. Les séquences sont superbes. Elles sautent et palpitent d'une façon orgiaque sur une structure rythmique que l'on peine à décrire tant la faune de percussions, séquences et pulsations est aussi dense que diversifiée. Ces éléments rythmiques pilonnent une structure intense que Klaus Hoffmann-Hoock recouvre de son manteau de brume harmonique et morphique tissé dans la magie du Memotron. Et la finale…Berlin est la pièce charnière ici, tant par sa longue structure musicale que son emplacement; une piscine vidée de son eau. Les prises de vue éloignées en mettent plein la vue avec une panoplie de dessins et effets lumineux qui tapissent les murs intérieurs d'un aquarium en béton qui restitue un décor futuriste. Et la musique épouse ces reflets modernistes avec une savoureuse intro où des gouttes de rythmes résonnent dans le vide d'une piscine dénudée de son élément aqueux. L'ambiance est postmoderne avec ces cliquetis qui cliquètent une structure langoureuse où les notes qui tombent résonnent dans le néant, alors qu'insidieusement un lent down-tempo morphique installe le canevas de son rythme hypnotique. Ce rythme lent évolue en subtils segments, accentuant délicatement une cadence qui s'extirpe de son down-tempo lunaire dont les battements hypnotiques et les quelques errances ambiosphériques s'ébattent dans une superbe faune musicale organique, pour épouser une tangente plus groovy et exploser dans une finale herculéenne avec des séquences houleuses qui nous rappellent la dualité rythmique, harmonique et électronique de Thomas Fanger et Mario Schönwälder. Un dualisme qui est la force motrice et créatrice d'une MÉ qui fait habillement le pont entre l'Électronica et les charmes hypnotiques de la Berlin School.
De l'Électronica, du teutronica, des down-tempo morphiques et une MÉ qui ne renie pas ses racines de la Berlin School, ANALOG OVERDOSE- The Road Movie est une superbe et fascinante aventure exploratrice d'une musique qui semble sortir d'une contemporaine sorcellerie artistique. Bien qu'une trop grande catégorie de concerts de MÉ soit l'équivalent d'une performance de musique de chambre pour auditoire invitée, Fanger & Schönwälder offrent la possibilité à tous ses fans, et autres amants d'une musique imaginative, de visualiser et entendre une très belle collection de concerts intimistes où la musique transcende les paramètres des concerts à grands déploiements. Les prises de vue, les effets visuels organiques et psychédéliques ainsi que les décors et emplacements se cimentent en une symbiose artistique qui épouse les fantaisies hallucinatoires d'une musique qui finit toujours par prendre la forme des nôtres. Oui, Fanger & Schönwälder offre un très beau cadeau de Noël à ses fans.
Sylvain Lupari (17/12/12) ****½*
Disponible au Manikin Bandcamp
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