“Lorsque le rock cosmique, le Düsseldorf techno et le Berlin School se côtoient, cela donne un superbe album; Earshot”
1 Cosmic (Pre Earshot Mix) 10:32
2 Earshot Part One 11:12
3 Earshot Part Two 6:33
4 Earshot Part Three 8:30
5 Mopho Me Babe (Post Earshot Mix) 9:33
(EP/CD 46:19)
(A blend of cosmic, Düsseldorf and Berlin School)
Fanger & Schönwälder! Ou l'art de revisiter les routes aux multiples dichotomies de la Berlin School des années vintage. Chaque nouvel album, ou concert, amène le duo vers de nouveaux sommets où l'on se demande quand finira-t-il par plafonner. Et ça ne sera pas avec EARSHOT. Présenté en deux volets; un mini concert de 26 minutes au festival E-Live de 2012 et des sessions de studio durant l'hiver dernier, EARSHOT démontre l'art de l'excellence du célèbre duo à fouiller les vieilles ambiances des années analogues et les refaçonner dans des rythmes plus près du techno que ceux plus tranquilles, même si ça reste toujours assez hypnotiques, des années vintage. C'est un combat des styles entre Thomas Fanger et Mario Schönwälder où le médiateur n'est nul autre que le célèbre guitariste et joueur de Mellotron Cosmic Klaus Hoffmann-Hoock.
Débutons par le concert. La pièce-titre est divisée en trois parties distinctes où les rythmes suivent une tangente ascensionnelles. Earshot Part One infiltre nos oreilles avec de denses ondes morphiques qui révèlent une suave faune organique. Un délicat mouvement de rythme étend des séquences sautillantes qui gambadent dans d'éclatants cerceaux soniques. Les ambiances sont tapissées de brumes mellotronnées et de lamentations de synthés dont les torsades spectrales moulent des solos flâneurs errant sur un rythme qui étend ses pas de loup avec plus de vigueur. Tout passe par les oreilles avec Earshot Part One. On y entend des percussions de crotales, des riffs et des solos d'une guitare très discrète planés parmi les roses d'ambiances joliment sculptées qui tranquillement étouffent un rythme qui a toujours palpité de douceur. Earshot Part Two offre un rythme plus accentué où dansent des brumes irisées et chantent des charmes flûtés d'un Mellotron aux odes pastorales. Les deux frontières du Berlin School s'affrontent sur cette structure de rythme un brin technoïde qui respire la contrariété en la présence d'épaisses brumes de Mellotron, de flûtes évasives et de menaçantes réverbérations qui en étouffent le débit et le rende ainsi morphique sur un canevas musical de pastel. Un vocodeur à la Kraftwerk nous initie au rythme ondulant comme un anaconda sur acide de Earshot Part Three. Cette fois-ci le trio nous enfonce dans les rythmes teutoniques de l'école de Düsseldorf avec les fragrances Krautrock de Mythos et les rythmes robotiques de Kraftwerk. Percussions platoniques, voix cybernétiques, séquences noires, fiévreuses et oscillatrices; le rythme coule comme un zombie affamé sous des nuages bleus. Nous sommes dans une phase de dance music pour mort-vivants désarticulés dont les spasmes mous oscillent avec violence dans une ambiance électronique rongée par des solos de guitares fuyants et des ondes de synthés plus électroniques qu'harmoniques. C'est différent et ça surprend tout en restant très près du répertoire de Thomas Fanger.
La portion studio de EARSHOT est à jeter par terre. Cosmic (Pre Earshot Mix) est un titre noir qui ondule avec pesanteur de ses nappes de synthé pulsatrices. Le beat est lourd. Il se tortille comme un torrent de décibels trappés dans un long tube rempli d'eau. Si les nappes de synthé qui roulent en boucles en forgent la base, les percussions qui l'arriment lui donnent un crescendo nuancé qui estampille notre ouïe parmi des bruits de clochettes et d'enclumes égarés. Plein de bruits émanent de cette fureur cosmique que la guitare de Cosmic Hoffmann assaisonne de solos juteux et de riffs sauvages qui perdent leurs musicalités dans les brumes vaporeuses d'un Mellotron qui n'a rien oublié de son rôle de forgeur d'ambiances morphiques. C'est très bon. L'un des bons titres de MÉ rythmée que j'ai entendu cette année. Mopho Me Babe (Post Earshot Mix) est tout en contraste et présente une approche plus indécise avec des séquences basses qui pulsent et sautillent avec ténacité, offrant une structure de rythme que l'on pourrait comparer avec une marche sautillante, parfois stationnaire. Ce qui retient l'attention est ce Mellotron flûté dont les fragrances harmonieuses rappellent Bali Sunrise, un classique de Mind Over Matter. Le rythme est doux et les harmonies envahissantes, comme une belle mélodie électronique estivale.
Lorsque le rock cosmique, le techno de la Düsseldorf et le Berlin School vintage s'accouplent, cela donne un irrésistible mélange où les styles convergeant marinent dans les visions de tous et chacun. Cela donne EARSHOT, un superbe album d'une MÉ qui chevauche à merveille les différents styles de ses compositeurs dans une superbe symbiose électronique où l'art de la conception, de l'écriture respire de ses harmonies. Et que cela serait donc agréable que Fanger & Schönwälder devienne Fanger, Schönwälder et Hoffmann-Hoock. Il me semble que tout ce talent mérite la pertinence.
Sylvain Lupari (08/08/13) *****
Disponible au Manikin Bandcamp
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