“Un bel album de folk ambiant très poétique avec des parfums de l'Occident et de l'Orient tissés dans des panoramas assez sombres”
1 The Unreachable Lands I Sunsail 2:01
2 The Unreachable Lands II Song of the Camel 3:45
3 The Unreachable Lands III Water Village 6:55
4 The Unreachable Lands IV Hermitage 5:58
5 Burnt Offerings 11:30
6 Veldt Hypnosis 8:02
7 Fossils 6:14
8 Seven Coronas 7:19
9 Lorenz 6:30
10 Lines to Infinity 10:33
Bonus Tracks
11 Water Village (ambient remix) 8:09
12 Burnt Offerings (ambient remix) 9:38
13 Song of the Camel (ambient deconstruction) 6:28
(DDL 133:14)
(Ambient Folk)
Bien que très loin du style de musique ambiante usuelle, la musique de Forrest Fang revêt un cachet unique avec cette fusion de Folk ambiant à des parfums d'Orient. Autant à l'aise avec une panoplie d'instruments acoustiques orientales (sur The Unreachable Lands la Luth Turc, les violons chinois et les percussions Indonésiennes dominent ambiances, rythmes et harmonies) qu'avec des instruments électroniques, le musicien et synthésiste sino-américain aime dessiner ces brises et ces vents des synthés afin de tisser des paysages harmoniques et soniques qui donnent encore plus de couleurs, plus de reliefs à une musique ambiante délicatement secouée par des approches de ballade ancrées dans le Folk américain. Le résultat est toujours assez séduisant. Scindé en deux parties, LETTERS TO THE FARTHEST STAR reste un album méditatif et mélancolique. Si The Unreachable Lands propose des rythmes de la musique du monde à des ambiances tétanisantes ponctuées d'interludes harmonieuses et entraînantes, le reste de l'album nous plonge dans le sombre univers de Forest Fang où de ténébreuses ambiances avalent des rythmes aussi évanescents que les mélodies qui les ornent. Au final, il en résulte à un album très poétique où les deux pôles de Forrest Fang se côtoient sans jamais vraiment se fusionner.
Ça débute tranquillement. Une onde de vents s'élève pour balayer les horizons de couleurs irisées où les chants d'un bleu brillant se perd dans de sourdes et sombres réverbérations. La quadrilogie de The Unreachable Lands détache sa première partie avec des notes d'une guitare pensive qui sort des vents de Unsail. Forrest Fang nous conduit dès lors vers un rythme lent. Vers la ballade d'un genre Bayou de Song of the Camel. On roule du cou. C'est délicatement entraînant. Les percussions moulent un délicat mouvement de transe spirituelle alors que la ligne de basse sculpte un genre de blues très tribale et que les flûtes dégagent des harmonies festives nappées d'un parfum d'Orient. Les sombres vents reviennent pour orner les ambiances de Water Village d'un étanche voile sibyllin. Les deux premières minutes sont ténébreuses. Elles sont le sombre prélude à une structure de rythme aussi suave et lascive que dans Song of the Camel, la ligne de basse et vicieusement entraînante, qu'un violon chinois recouvre d'un linceul ambiant. C'est du pur Folk ambiant à la Loggins & Messina. C'est un point de référence qui me vient comme ça et que je trouve assez pertinent. D'ailleurs la musique de Forrest Fang est un sublime mélange de Folk américain et de Folk oriental que des parfums de MÉ embaument d'une reposante aura méditative. Hermitage conclut la saga The Unreachable Lands avec une approche pensive où le violon, on dirait une harmonica, pleure dans les sanglots d'un piano. C'est tendre et très mélancolique. C'est un petit fil qui nous conduit à l'autre versant de LETTERS TO THE FARTHEST STAR.
Burnt Offerings échange son introduction nouée dans des vents creux pour un rythme toujours aussi lent et folklorique. Une ballade ambiante qui se perd dans les vents de son intro et fragmente ses accords acoustiques dans la turbulence des vents synthétisés. Veldt Hypnosis nous amène dans les territoires un peu plus électroniques de Forrest Fang. Une nuée d'ondes de synthé aux lignes ondoyantes et aux chants sibyllins forgent une étrange mélodie ambiante dont le chant spectral secoue des cordes remplies de clochettes. Le rythme qui éclot provient de deux lignes de percussions. Une est fluide avec de coups vifs qui sculptent la marche électronique d'un iule avec des castagnettes à la place des pieds. Et l'autre est lourde et pesante avec des tonnerres de tambourinements qui forgent un ciel rageur et tapageur. Les deux lignes réduisent dans un état de quasi-absence une délicate mélodie puisée dans les multiples clochettes. Une mélodie qui perce cette orage de tam-tams, dont seuls les coups fluides et vifs ont su résister à l'usure des 8 minutes de Veldt Hypnosis. L'effet dans un salon est tout simplement renversant. Les ambiances sont lourdes et toujours menaçantes, comme le très ambiant Fossils et ses accords de six-cordes qui cherchent ses harmonies dans des vents hurleurs. Une discrète ligne de séquences sculpte le rythme ambiant de Seven Coronas qui ascensionne des paysages soniques très méditatifs avec des larmes de violons qui coulent sur les harmonies des carillons. C'est triste et le violon est assez poignant. Lorenz propose une nuit d'étoiles filantes dont les sillons dans le noir firmament tissent des harmonies égarées dans d'obscurs et denses vents aussi noirs que creux. Nous sommes dans de l'ambiant sombre et très enveloppant, comme le gant d'une nuit noire. Et c'est encore plus vrai avec Lines to Infinity et ses accords de guitare qui grattent une mélodie qui cherche toujours sa forme dans d'épaisses strates de synthé aux couleurs aussi obscures que ces longs passages à travers les grottes sans lumières des déserts américains. Nous avons droit à 3 titres en bonus si on achète la version téléchargeable de l'album. Et je dois dire que ce n'est pas juste du remplissage! Le remix en version ambiante de Water Village est très bon. On dirait plus que nous sommes dans des déserts californiens du temps des cowboys avec un rythme nettement plus lascif. Nous percevons encore mieux les très discrètes harmonies de l'harmonica ici et ça donne au titre une belle approche de western lugubre, quasiment apocalyptique. Je préfère mieux cette version de Burnt Offerings où tout est nettement mieux nuancé, notamment le jeu des percussions qui sont plus lourdes et plus détaillées. On plonge littéralement dans les œuvres des déserts californiens de Steve Roach. Très bon! Par contre, j'aime mieux la version originale de Song of the Camel. Ici, dans sa version déconstruction, on peine à retrouver son essence.
J'ai bien aimé LETTERS TO THE FARTHEST STAR. Forrest Fang y est résolument moins arythmique que sur Unbound, même que parfois il fait preuve d'une bonne dose de violence sauvage qui équivaut à une horde de chevaux piétinant des nids de fourmis. Il y a beaucoup d'ambiances et de profondeurs, tant dans les phases ambiantes que les rythmes. Et ces petites interludes mélodieuses qui vont et viennent ajoutent encore plus de charmes à un album qui malgré tout demande une bonne dose de curiosité à ceux qui ne connaissent ni ne s'intéressent au genre. Pour les autres, vous allez adorer. Mais en tout temps, la découverte de Forrest Fang devrait rester à votre agenda.
Sylvain Lupari (20/03/15) ***½**
Disponible au Projekt Records Bandcamp
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