“Il y a des bouts de cacophonie, mais si vous voulez entendre de la MÉ créative et audacieuse, c'est une des belles surprises cette année”
1 Letter for Vangelis 18:56
2 El Ultimo Canto del mar Sobre la Tierra 27:59
3 Radiolarios 10:06
4 Frío Oscuridad 6:21
5 Ce y los planos paralelos 13:32
(DDL 76:54)
(Progressive EM)
CUENTOS FANTASTICOS est le tout premier album que j'ai entendu du label Argentin Cyclical Dreams. Un beau petit label qui excite mes oreilles depuis une couple de semaines où j'ai encore du rattrapage à faire avec la surprenante compilation Gemstones. Les dirigeants m'ont plutôt orienté vers l'album Footprints de mon ami Michael Bruckner. Une excellente décision qui m’a permis de découvrir encore plus ce conte du musicien Francisco Nicosia, un étonnant musicien qui mène deux carrières de front; soit avec Klauss 921 où tous les styles se retrouvent dans une ambiance de Jazz progressif et en solo où encore une fois tous les genres sont unis dans une vision qui flirtent avec le Berlin School et le progressif électronique Italien.
Letter for Vangelis est un superbe titre qui dit ce que ça veut dire! Dans une ouverture où rayonnent les sourds éclats d'un Gong, des larmes et des ondes de synthé unissent leurs différences dans un aura métallique-industriel rempli de clin d'œil à Blade Runner. Une splendide, mais une splendide séquence émerge de la grande gueule remplie de réverbérations un peu avant la 3ième minute. Son mouvement ascendant est mirifique avec ce petit accroc qui le rend si merveilleusement imparfait dans son escalade aidée par une série de deux claquements percussifs. La séquence s'imprègne dans ce décor qui s'imbibe de ces nappes de synthé aux effets de brume chloro-morphique et qui s'arrime aussi à des percussions sobres dont le bouquet de métal rime bien avec cette sensation contemporaine qui tient le tout ensemble. Les brumes sortent leurs filets de voix chthoniennes tandis que le synthé lance d'excellents solos réminiscences des tonalités uniques au magicien Grec. La structure connait un premier moment d'hésitation qui nous amène vers la phase ambiante de Letter for Vangelis, autour des 10 minutes. Une phase en quelque sorte psychédélique où les univers de Aphrodite's Child et ceux des premiers albums plus acoustiques de Vangelis flirtent avec ces notes de clavier errantes dans le temps que Blade Runner se retransforme pour conclure ce premier titre-béton de CUENTOS FANTASTICOS. C'est aussi dans une ambiance apocalyptique que El Ultimo Canto del mar Sobre la Tierra éclot. La large membrane coquillière se déchirant dans un lourd fracas infernal, on dirait le big bang, nous en met plein les oreilles pour ses 4 premières minutes. Le néant n'y est pas, car des ondes Martenot se lamentent entre les énormes wooshh et waashh déferlant comme des vagues et leurs sédiments sous-marins dans un ciel qui semble aspirer tout, incluant tous. Cette longue phase atmosphérique, et ses éléments cinématographiques, se termine dans une onde de chaleur, initiant ce beau mouvement Berlin School qui galope sourdement sous les multiples ondes et leurs couleurs irisées. Le synthé rempli nos oreilles de ces solos avec leurs parfums latinos qui roucoulent comme deux oiseaux chanteurs et leurs envolés acrobatiques. Des tintements sur des sabots de bois servent d'éléments percussifs avec une précision métronomique sur le schéma répétitif du séquenceur qui reprend habilement son ascendant en sortant un ion pour le remplacer par un autre. Mais peu importe, El Ultimo Canto del mar Sobre la Tierra fait usage du synthé comme étant le dernier chant de la mer sur Terre jusqu'à la 17ième minute. Là où l'attend une pléthore d'éléments percussifs qui en ralentie sa marche entêtée. Nous atteignons une courte phase rythmique ambiante qui fait penser à du bon Tangerine Dream des années Logos dans une sorte de génocide de ce chant qui s'éteint dans les astres, comme dans les désastres. Un exercice récurrent dans cet album de Francisco Nicosia.
C'est avec l'impression de redécouvrir le fabuleux Entends-tu les chiens Aboyer de Vangelis que Radiolarios et Frío Oscuridad posent délicatement ces larmes perlées entre mes oreilles. En fait, plus le temps passe et plus l'impression d'entendre un remix de cette savoureuse sérénade, qui est plus électronique ici, s'enracine avec l'ouverture de Radiolarios, incluant ces délicats moments qui donnèrent tant de frissons. Vous vous rappelez de ces étoiles pleurantes? Il y en a plein ici. Elles ne sont pas à la même place, mais elles y sont. Stimulées par des larmes métalliques de ce qui semble être une guitare, elles naissent et meurent comme ces larmes qui n'atteignent jamais les ridules de notre bouche. Quel beau titre! Les effets de guitare, roulant en boucles, sont aussi apparent dans l'ouverture de Frío Oscuridad qui est un intense titre aussi ambiant que Radiolarios. Cette ouverture est d'une froideur d'un bleue intensif avec des gouttes de glace irradiant une obscure froidure où se cache en contrepartie des beautés soniques proportionnelles à ce titre-phare dans la discographie de Vangelis. Ce y los Planos Paralelos est ce titre qui demande plusieurs écoutes, à tout le moins sa deuxième partie. Son rythme gambadant d'innocence en son ouverture nous arrache un sourire. Zigzagant comme voulant à tout prix éviter les multiples effets percussifs qui l'entoure, ce rythme est aussitôt cerné par des mélodies chantonnant comme un canard enrhumé par un synthé qui projette ses ombres musicaux dans une fascinante démarche artistique qui frôle constamment l'indiscipline dans les harmonies et la texture du rythme. Une indiscipline qui vire en une cacophonie autour de la 7ième minute où une symphonie sur l'art de comment faire de l'anti-musique qui ne donne plus le goût de réentendre ma musique étend ses plus abominables tentacules dans mes oreilles. Dommage, c'est une atroce finale pour un si grand album!
Mais si vous voulez entendre de la très bonne musique créative, audacieuse dont les élans de folie nous trimbale dans un univers de MÉ à la fois complexe et harmonieuse, ce CUENTOS FANTASTICOS est une des très belles surprises de 2020.
Sylvain Lupari (29/10/20) ****¼*
Disponible au Cyclical Dreams Bandcamp
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