“Nous savons que nous avons affaire à une œuvre majeure par l'attachement que nous développons au fil de sa découverte”
1 Fliegende Schatten - Canon 1 12:44
2 Okkultation 6:57
3 Kernschatten 6:21
4 Streulicht 4:40
5 Finsternislimit - Canon 2 8:38
6 Syzygium 17:25
7 Sunnenvinster - Canon 3 14:20
(CD/DDL 71:08)
(Cinematic tribal EM)
Une belle chorale angélique ouvre les premiers moments de Fliegende Schatten - Canon 1. Une ombre du synthé s'élève. Subdivisant son orientation, elle libère deux lignes contrastantes alors que les chants deviennent plus sibyllins et que tinte en arrière-scène une mélodie pianotée sur des cordes d'harmonies argentées. C'est avec une structure d'ambiances sombres que débute cet album-retour de Frank Makowski, trop longtemps absent de la scène MÉ si vous voulez mon avis. Personnage important s'il en est un, ce musicien d'Unna, Allemagne, est actif depuis près de 30 ans avec un premier album, Cyberland X-Press, produit en 1992. Ce projet solo a été réalisé sous le nom de Tranquillity et s'est bien déroulé avec de très bons albums du genre Berlin School. Ça lui a donné la chance de rencontrer Lambert Ringlage avec qui il a tissé des liens solides menant à la création de Deus Ex Machina en 1996 sur Spheric Music. Il y a eu par la suite l'immense navire musical ['ramp] qu'il a co-fondé avec Stephen Parsick et Lambert Ringlage. La dernière fois que j'ai vu son nom sur un album de ['ramp] c'était avec Doombient.Three - Kalte Sterne en 2008. Et depuis ... le silence. L'année dernière, ses doigts erraient sur un piano électronique et lentement, le fantôme mélodique de ce qui sera Syzygium a pris forme. Mais, Frank Makowski ne voulait pas faire un album de Berlin School, comme avec Tranquility. Offert en CD manufacturé en en téléchargement, CANON DER FINSTERNISSE est un premier album sous son nom et un album-retour impressionnant, mais qui commande quelques écoutes. Même dans son enveloppe tribale de l'ère précambrienne; l'album, le nom et le choix des titres sont inspiré d'une vieille œuvre de l'astronomie écrite par Theodor Egon Ritter von Oppolzer en 1887. Et ce n'est pas dans cette vision que je ressens la musique, à tout le moins ses 6 premiers titres qui vont vous enchanter plus rapidement que le dernier.
Frank Makowski étonne par son choix d'instruments et de sa direction musicale en composant une musique minimaliste attachée à des filaments harmoniques d'un piano, parfois acoustique et en autres moments électriques, et à des effets percussifs qui tintent comme des cailloux lancés dans une grotte. C'est un peu l'ouverture de Fliegende Schatten - Canon 1 que je continue de décrire. Des tintements métalliques dansent sur les cymbales, allumant le désir des percussions de tambouriner un down-tempo morphique enveloppé par des chants de monastères chthoniens. Les percussions sont très bonnes et la dimension du titre atteint une élégance très progressive avec une texture qui renouvelle son désir de charmer à chaque instant. Évoluant sur des frasques sonores dramatiques, comme sur un jeu de batterie cherchant à tirer la musique vers un rythme plus consistant, les 13 minutes de ce titre sont les plus faciles à évaluer, le reste plongeant carrément dans des territoires où la quête du son est aussi enivrante que les découvertes astrologiques. Un titre aux apparences tribales et un autre véritable délice pour les oreilles, Okkultation est très intéressant au niveau des percussions. Pour certains, les ambiances rappelleront la vision de Steve Roach dans Dreamtime Return avec ces effets de réverbérations, qui sont de véritables lassos de sons, et des percussions manuelles tripotées sur de l'argile. Nous restons dans une vision tribale avec les murmures sur un didgeridoo géant dans Kernschatten. Les lamentations sont uniques et se déplacent entre les échos des cavernes qui entourent un mince passage pour laisser circuler les sons. Streulicht est un court titre très méditatif avec des clochettes qui tintent et scintillent dans un panorama ténébreux. Les tintements se fanent peu à peu avec un piano austère et ses lignes de mélodies évasives résonnantes. Ce piano est plus lumineux dans Finsternislimit - Canon 2. Jouant avec ses contrastes, il crée une ambiance sibylline où errent des murmures paranormaux et des fantômes de percussions qui vont, disparaissent et reviennent dans une structure nettement plus méditative. Nous arrivons au cœur de CANON DER FINSTERNISSE avec 2 solides titres qu'il faut écouter avec attention pour en apprécier toute la dimension. La forme de Syzygium me fait penser à du Philip Glass! Des accords de piano hésitent à sortir de la table d'harmonie. Ils errent dans un corridor rempli de froissements métalliques avant de forcer une mélodie méditative qui se répercute sous forme de canon musical. Par moment intense, notamment après le point des 10 minutes, comme évasif, ce piano émiette ses notes dans un décor peint d'éléments percussifs avant de s'accorder avec les vents de poussières et de particules sonores dans la seconde partie de Syzygium. Sunnenvinster - Canon 3 termine cet album retour de Frank Makowski avec 14 minutes de tranquillité où les effets sonores, comme ces murmures qui me font penser à du Tangerine Dream période Kiew Mission dans Exit, réhabilitent cette œuvre très ambiante qui prend ainsi une autre proportion avant d'atteindre une finale tout en voix avec une chorale chthonienne plus intense.
On sait que nous avons affaire à une œuvre majeure par l'attachement que l'on développe au fil de sa découverte. Audacieux, progressif et étonnement musical, CANON DER FINSTERNISSE est ce genre d'album qui amène une nouvelle tranche de charme à chaque écoute, jusqu'au moment où nos oreilles resteront captives afin d'en apprécier son concept et sa dimension après ses derniers souffles. Retour assez impressionnant Frank!
Sylvain Lupari (29/11/19) *****
Disponible au Frank Makowski Bandcamp
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