“Du très bon séquenceur avec un plein de réminiscences pour Klaus Schulze, TD et Mario Schonwalder”
1 Early Reflection 17:15
2 Quarz 17:25
3 Reflections 19:40
4 Ant Race 5:40
5 Mirror 3:59
(CD-R/DDL 63:59)
(Berlin School)
REFLECTIONS est passé bien silencieusement pour un album aux rythmes si puissants. C'est avec le projet Filter-Kaffee que j'ai découvert qu'un double de Mario Schönwälder se cachait sous la peau de Frank Rothe. Avec Thomas Köhler il met sur pied Fratoroler et compose ce premier album qui paraît sur le label Allemand SynGate. Un album lourd de ses rythmes dessinés sur de puissantes et ingénieuses séquences. Le duo utilise à peu près les mêmes instruments que Mario Schönwälder, soit le séquenceur Schrittmacher et le clavier Memotron. Il nous propose un puissant premier opus avec des rythmes sauvages et mélodieux qui sillonnent de beaux passages électroniques imprégnés des senteurs d'iode galvanisé des belles années analogues de Klaus Schulze et Tangerine Dream.
Des ondes de synthé éclosent pour s'entremêler dans une faune sonore grisée par le métal pour s'entortiller autour des sonorités de vielle orgue. C'est dans les cendres corrosives de Picture Music que s'ouvre cette nouvelle odyssée musicale proposée par les disciples de Mario Schönwälder. Tantôt suaves, tantôt glaciales ces ondes résonnantes flottent dans une lourde brume mellotronnée comme une étrange valse des spectres. Après 5 minutes d'une intro aux souffles létaux, une puissante séquence émerge et martèle un lourd tempo hypnotique. Des séquences qui retentissent et fuient cette lourde brume sclérosée où couches de synthé résonnantes, stries torsadées aux souffles de sirènes apocalyptiques et souffles spectraux fustigent ce lourd dandinement progressif. Ces accords séquencés se multiplient et trébuchent dans une splendide épopée électronique où effets sonores caustiques et beaux solos spiralés accompagnent cette sauvage chevauchée séquencée. Véritable monument séquencé Early Reflection plonge à rythme ouvert, permutant subtilement son axe rythmique sous ces superbes solos imbibés d'approches mélodieuses pour terminer sa course dans des atmosphères aux sonorités industrielles qui nourrissaient son introduction. Quarz est taillé dans une lente spirale de verre. Comme un carrousel enveloppé d'une brume mystique et tailladée de stries métalliques, le mouvement se déplace avec la lenteur des mouvements fantomatiques pour embrasser du bout de ses voiles une séquence scintillante émergeant de ces limbes corrodantes. Ces accords de verre se multiplient et permutent en un fin ballet de cristal qui tournoie parmi des souffles irisées et une dense brume mellotronnée. Graduellement ce mouvement délicatement saccadé augmente sa cadence sous de lourdes rayures métalliques, dont les tracées ébréchées moulent des cerceaux acuités, et des fines pulsations d'une résonnante ligne de basse. Sans rythmes précis et avec des accords tombant avec plus d'insistance, Quarz continue d'errer dans une longue boucle intemporelle et de virevolter comme un hypnotique manège aux sonorités limpides. C'est comme une perpétuelle danse des temps qui bouge avec tellement de finesse sous une nuée de souffles, de couches et de lignes irisés ainsi que quelques soubresauts qui continuent à nourrir son ambiguïté.
L'écho de fins accords pincés sautille sur de lourdes réverbérations pour ouvrir Reflections. Ils dansent sur une fine ligne flûtée et revêtent des sonorités plus grasses, alors que de lourdes pulsations résonnantes érigent une cadence hésitante. Composé de sonorités diversifiées et fractionné par des rythmes latents, l'intro bouillonne dans une mare de sonorités hétéroclites avant d'embrasser un magnétisant mouvement composé de séquences. Comme un tapis volant, ces séquences ondulent et sautillent dans un univers qui amasse un paquet de réminiscences et tonalités que l'on ne sait où fouiller dans nos souvenirs. Des arômes de TD? Des rythmes et synthés à la Schulze? Toujours est-il que ce long mouvement minimaliste aux fines variations rayonne de séquences qui s'échangent des tonalités sur une longue structure hypnotique nourrie de ces arômes qui ont longtemps flottés sur les premières œuvres de MÉ psychédélicosmiques. Tellement bon que l'on se jette dans les première œuvres de Klaus Schulze! Ant Race est une superbe mélodie électronique avec des séquences qui volent et s'entrecroisent dans une belle chorégraphie acrobatique. Des séquences qui se multiplient et se subdivisent dans un rythme débridé pour danser frénétiquement à l'ombre d'un synthé menaçant dont les ondes et solos sont teintés d'une envoûtante approche aussi mélodique que mélancolique. Mirror clôture ce premier opus de Frank Rothe et Thomas Köhler dans une ambiance vaporeuse. Une lourde brume aux particules irisées en ceinture son ouverture. Il se déplace avec lenteur, comme un gros nuage menaçant sur le point d'exploser, découvrant un doux filet harmonieux qui dérive sur une belle vague céleste. Cette douce mélodie s'échappe pour convertir cette lente intro de Mirror en une finale plus harmonieuse.
J'ai été agréablement surpris par REFLECTIONS! Fratoroler réalise un superbe album qui remue les racines d'un mouvement ayant engendré le Berlin School. C'est un habile mélange d'ambiances et de rythmes. Des rythmes sauvages et hypnotiques dont les subtiles interversions sont enveloppées par des synthés aux couches et solos aussi envoûtants que menaçants. Un très bel album qui n'a qu'un seul point faible; la qualité de sa production. Le montage montre des carences au niveau des finales qui sont brusques et sans atténuations. Ça agace un peu car on a l'impression d'entendre des fichiers MP3 avec des coupures dans la finale des titres. Dommage car c'est un très bel album qui mérite une seconde vie par un meilleur mixage et un montage qui respecterait toute sa profondeur et ses subtilités.
Sylvain Lupari (04/11/11) ***¾**
Disponible au SynGate Bandcamp
Comments