“Free System Projekt est sans contredit le groupe le plus proche des ambiances que Tangerine Dream imposaient lors de leurs tournées de 72 à 77”
1 Electronic Supplication 60:43
2 Anointed Waves 11:08
(CD/DDL 71:51) (Berlin School)
C'est toujours un peu audacieux de proposer un long titre non segmenté qui dépasse les 60 minutes. Les lentes introductions, comme les finales qui ne veulent plus finir, ainsi que les ponts qui nous font traverser d'une phase à l'autre sont autant d'éléments démotivants qui souvent découragent ceux qui veulent comprendre notre passion pour la MÉ. Mais ça, Marcel Engels et Ruud Heij s'en foutent royalement. Et avec raison! Free System Projekt est sans doute le groupe le plus près des ambiances que Tangerine Dream imposaient en concerts lors de leurs tournées de 72 à 77. Ambiances taciturnes et chthoniennes qui se développent lentement pour exploser sur des rythmes soigneusement sculptés par des séquenceurs et leurs dynamiques lignes rebelles; voilà de quoi est fait ce BRITISH AILES Vol.1 (le Vol. 2 est attendu prochainement) qui nous arrive cette fois-ci dans un pressage sur CD manufacturé du label Groove nl. Et pour cette occasion, le label Hollandais ajoute un titre en prime provenant des sessions de répétition qui ont précédé le spectacle que FSP donnait le 17 Mai 2008 à Leicester.
Des bruissements d'eau et des poussées de wooshh et de waashh ressortent d'une introduction cousue dans la nébulosité. Electronic Supplication amorce son voyage de 60 minutes avec une lente introduction où nos oreilles sculptent les ténèbres de la Berlin School improvisée. Une lente pulsation émerge autour de la 9ième minute. Son battement sournois dessine une marche flottante dans des pénombres qu'une flûte illumine avec une lueur musicale. Des effets électroniques à la Klaus Schulze, des nappes de violons morphiques et de fredonnements chthoniens s'ajoutent, de même que des parfums de Stratosfear pour un bref moment autour des 15 minutes.
Les premiers mugissements du séquenceur mordent les ambiances dès que l'on glisse dans une cave méphistophélique. Les ions rythmiques sont nerveux et sautillent dans ce désordre d'oscillations qui finit par sculpter un mouvement cohérent et entraînant pour les neurones. Le mouvement est vif et noué de saccades ainsi que de ruades qui s'entrecroisent dans un délicieux ballant nourri de nuances dans les permutations des lignes de rythme. Des nappes de brouillard enveloppent cette fébrilité stationnaire pour se dissiper lorsque des solos de synthé la survole avec des acrobaties aériennes et que des nappes de voix chthoniennes la reconduise dans un gouffre d'air chaud autour des 34 minutes. La seconde phase ambiante d'Electronic Supplication est remplie de ces souffles qui donnaient cette vision sépulcrale à Phaedra et Rubycon. Ce segment sur les forces et faiblesse des rafales de vents souterrains dure à peine 6 minutes avant que deux lignes de séquences bondissantes s'affrontent dans un frénétique combat rythmique qui unifiera ces deux lignes afin de créer un rythme pur et dur nouée dans une série de boucles ascendantes. Des solos de synthé et des harmonies de brume envahissent les courbes du séquenceur qui aime faire alterner la vitesse et le nombre de ses ions sauteurs. Un léger arrêt et quelques battements stationnaires avant que cette phase renaisse avec un léger manque de vigueur et que le rythme perd peu à peu ses ions jusqu'au dernier qui s'évapore dans les brumes. Et c'est dans une finale qui vole des moments déjà connus qu'Electronic Supplication cède sa place à Anointed Waves. Ce titre inédit et jamais interprété en concert est un segment concentré sur les rythmes des séquenceurs lors du spectacle. C'est à mi-chemin entre la vitesse des deux phases de rythme dans Electronic Supplication dans un décor quasi-identique à celui qui se faisait entendre le soir du 17 Mai 2008 à Leicester. Du très bon Free System Projekt ici avec cet album qui voyage dans des brèches temporels afin de nous offrir un festin musical qui se ressource dans ces belles années d'or de la MÉ.
Sylvain Lupari (10/15/19) *****
Disponible chez Groove nl.
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