“Un petit chef d'oeuvre qui n'a rien à envier aux meilleures oeuvres du style danse tribale”
1 Algae Bloom 8:58
2 Trapped in Amber 9:48
3 Protozoa 9:45
4 Fern Cluster 8:10
5 Luminous and Tangled 9:13
6 Mycelium Dreams 13:50
(CD/DDL 59:47)
(Tribal music)
Je connais Frore pour envoyer entendu ses percussions et ses structures de vents poussiéreux dans ses collaborations avec Shane Morris. Collaboration qui a produit 3 albums, tous sur l'étiquette Spotted Peccary, dont l'excellent Horizon en 2021. Ce premier album solo de Frore sur le label de Portland en Oregon semble d'ailleurs s'inspirer de cette dernière collaboration avec Morris où d'ailleurs des artistes tel que Byron Metclaf et Mark Seelig y étaient invités. Je fais référence à cet album puisqu'une étroite corrélation peut-être établit entre BIOME et Horizon. On y retrouve ces mêmes structures de rythmes tribaux construites sur un fascinant maillage entre des percussions manuelles, une batterie et des séquences. Les ambiances sont pensées autour des éléments qui composent l'essence d'une forêt et de son environnement. Mais la musique va plus loin que cela! Les titres se développent dans de luxuriantes textures atmosphériques avec des lignes de synthé, tantôt sinueuses et par moments circulaires, qui sont gorgées d'effets réverbérants, de noires ondes vibratoires et des effets de chants de gorge. L'album est tout en rythmes! Ils s'installent assez rapidement dans chaque titre par de superbes textures de percussions de tous genres, arrimant des styles tribal ambiant à du rock électronique en passant par de la EDM et même par du Berlin School. Oui, oui! Bref, BIOME est un album étonnant et saisissant dans par son intensité qui jaillit de ses rythmes de feu.
Frore établit déjà la richesse de ses panoramas musicaux avec l'ouverture de Algae Bloom. Des vents bourdonnants et d'autres bordés par de sourdes ululations, des brises de woosshh, des ondes de synthé écarlates et d'immenses nappes de drones grondantes sont parmi les éléments qui ornent une introduction plutôt ésotérique. Le rythme naît d'une forme de trot dont l'écho caoutchouteux résonne entre d'autres frappes de percussions manuelles. Les éléments atmosphérique se contorsionnent et tracent des sillons gorgées de vibrations gutturales, tandis que le rythme prend plus d'assurance en exploitant les tonalités des percussions en argile. Comme première invitation à découvrir son univers en solo, Paul Casper propose un rythme lent et envoûtant, à la limite hypnotique. Un peu comme un genre de transe tribale spirituelle dans un décor sonore assez musical et particulièrement enchanteur où la richesse des textures sonores n'a d'équivalence que l'ensorcellement d'une panoplie de rythmes que le musicien-synthésiste américain ose défier avec panache. D'ailleurs ses textures de percussions aborigènes ne sont pas sans rappeler la profondeur des rythmes tribaux et médicinaux de Byron Metcalf. Les effets gutturaux des ombres et des sinueuses ondes de synthés compactent un firmament sonore d'où cliquètent des ossements d'un shaman exorciseur en ouverture de Trapped in Amber. Le rythme est légèrement plus accentué que celui de Algae Bloom et ira en progressant sous un panorama rempli de ces filaments sonores torsadés dont les tonalités permutent dans leurs lents élans ascensionnels. L'arrivée de solides percussions, genre batterie, donne une savoureuse texture de rock électronique lourd tout en conservant cet unique cachet de transe hypnotique tribale qui jalonne les 6 structures de BIOME. Outre d'autres éléments de percussions, comme des cliquetis métalliques, Paul Casper continu de nourrir nos oreilles avec une riche flore tonale remplie entre autres de ces ululements de loups et de hooo-hooo fantomatiques, de même que des hurlements intrigants et des poussées de voix entendues dans des rafales de bruits blancs. Disons qu'on ne sait plus où donner de l'oreille!
Protozoa propose une structure de rythme soutenu par des effets organiques, genre croassements cadencés. Combiné aux riffs de clavier, le tempo prend une forme spasmodique et frénétique sous une flore sonore toujours tissée dans ces effets de voix et hurlements étouffés qui charment nos oreilles depuis que Algae Bloom les a investi. Fern Cluster offre rien de moins qu'un fascinant mélange de rythme tribal et du Berlin School façon Tangerine Dream dans Flashpoint et/ou Thief. Le croisement entre les percussions et le séquenceur est superbe alors que les ambiances mélangent les saveurs spectrales tribales de l'album à celles plus sombres et chtoniennes du Dream. Luminous and Tangled allonge une structure de rythme qui s'apparente à un mouvement de va-et-vient, comme l'effet d'une hypnotique fronde rythmique. Semi lent mais tout de même bien ancré, ce rythme ondulatoire tourne sous de très beaux chants de flûte. Nous sommes au cœur des hymnes tribaux de Metclaf et Seelig ici. Plus long titre de BIOME, Mycelium Dreams débute avec des cercles de tonalités très rauques, dépassant le stade de chant de gorge, qui se multiplient sans cesse, accompagnant sur une distance de plus ou moins 10 minutes une frénétique danse aborigène. Ce qui sonnent comme des accords de guitare apparaissent à intervalle régulier, donnant un élan harmonique au rythme. Divers sources de bruits organiques, différentes formes de cliquetis acoustiques et des effets chevrotant accompagnent le jeu des percussions qui tambourine une hypnotique transe astrale aussi agitée qu'une structure de EDM tribale sous un firmament auréolé de nappes de synthé aux tonalités très près de Steve Roach. La finale de 3 minutes est la plus longue phase atmosphérique de BIOME, témoignant de toute l'énergie qui se dégage de ce splendide album de Frore. Un incontournable dans le genre, et un petit chef-d'œuvre qui n'a rien à envier aux meilleures œuvres de nature danse tribale de Steve Roach et Byron Metcalf!
Sylvain Lupari (15/06/23) *****
Disponible chez Spotted Peccary Music
(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)
Comments