“Du très bon Gert Emmens avec sa signature habituelle qui reste toujours aussi invitante”
1 Secrets of the Wasteland 16:25
2 The Danger of Mesmerizing Nostalgia 14:05
3 On the Edge of Nowhere 12:13
4 Nowhere to Hide 12:16
5 Overlooked Consequences of Near-Death Experiences 16:35
6 At the End of the Track 5:34
(CD/DDL 77:11)
(Ambient Berlin School)
Il me semble l'avoir déjà écrit, mais je vais le faire à nouveau; Gert Emmens est comme ce vieux copain qui vient nous voir une fois par année. Chacune de ses visites est marquée d'une bonne histoire, quasiment toujours la même, qu'on aime réentendre. Ça réconforte et il a une façon de la raconter qui fait que cette histoire reste toujours bonne à entendre. ON THE EDGE OF NOWHERE est une nouvelle histoire. Pas que ce soit un album concept! Le titre et la pochette de l'album sont inspirés par une photo prise lors des séances quotidiennes de jogging que Gert effectue dans un tranquille parcourt dominé par des petits cours d'eau et des étangs. Mais ces rythmes mous sur des séquences métamorphiques, ces ambiances brumeuses et ces solos de synthé ont tous cette sensation d'avoir déjà été entendu sur les précédents albums du synthésiste Néerlandais.
Après une brève et nébuleuse introduction, Secrets of the Wasteland prend vie avec un rythme mou qui monte et descend dans l'éclat d'une autre ligne de rythme conçue dans le miroitement stationnaire d'arpèges papillonnant et scintillant vivement. Des pads de clavier nasillards se déposent sur ce rythme biphasé ayant une délicate sonorité métallique, alors que des solos de synthé y roucoulent avec cette tonalité de trompette enrhumée qui est unique à l'univers Emmens. Les percussions électroniques s'arriment aux pads un peu avant la 3ième minute, donnant un tonus cadencé à ce rythme conçu pour recevoir sa dose de solos charmeurs soufflés avec la dextérité d'un saxophoniste. L'enveloppe musicale est très riche sur cette structure de rythme flottant qui perd la majorité de ses attributs, sauf la ligne de séquences ascendante, un peu après la 5ième minute. Des nappes anesthésiantes accueillent cette première mutation de Secrets of the Wasteland qui entre dans sa phase de transition avec des ondes et des ombres nimbées de radiations réverbérantes. Des ululements évasifs se font alors entendre, un peu avant qu'une ligne de basse-séquences sorte de ce brouillard près de 4 minutes plus loin. Cette ligne est drue. Compacte avec des ions serrés un à l'autre, elle délie un mouvement plus spasmodique qui semble courir après son souffle dans une soyeuse mise en scène remplie de brume orchestrale. Une autre ligne s'invite, creusant son nid à l'ombre des spasmes pour redéfinir son modèle ascensionnel. Des nappes de voix et des cliquetis percussifs ajoutent à ce nouvel élan rythmique qui reste toujours flottant, même avec un léger renouveau de dynamisme. Ainsi est fait Secrets of the Wasteland et ainsi seront faites les autres structures de ON THE EDGE OF NOWHERE, à peu de choses près.
Le séquenceur dans The Danger of Mesmerizing Nostalgia est imprégné d'une fascinante nostalgie mise encore plus à l'évidence avec les solos de synthé geignards. Initialement moins sombre, la séquence de rythme est avalée par une 2ième qui amène ce teint morose aux rythmes évolutifs de Gert Emmens. Jouant sur ces nuances, le rythme explore ces deux phases pour finalement évoluer vers un rythme plus animé dans un splendide refuge pour les nombreux solos de synthé. Après une phase atmosphérique, The Danger of Mesmerizing Nostalgia renaît avec un rythme lumineux et surtout avec une approche Jazzée au niveau des solos de synthé. Le séquenceur évolue ici en mode tant rythmique qu'harmonique pour finalement épouser une très belle structure flottante qui nous amène à une finale ambiante. Après 80 secondes d'une introduction qui dépeint à merveille la pochette de ON THE EDGE OF NOWHERE, la pièce-titre couche une première ligne de séquences sautillante qui est vite imitée par une ligne de basse-séquences. Ce jumelage confectionne une belle cohésion dans une vision d'une ombre marchant furtivement sous des lignes de synthé qui forment des boucles pour un rythme secondaire. De fil en aiguille, On the Edge of Nowhere se transforme en un bon rock électronique progressif lorsque Gert se met à jouer de la batterie et que les solos de synthé pleuvent avec l'habilité de très bons jazzmen. Nowhere to Hide offre aussi une structure saccadée, plus en forme d’un train que d'un joggeur, qui évolue avec intensité. Le rythme est soutenu par un alliage de séquences et d'accords tombant sèchement dans des riffs de clavier harmoniques. La structure devient plus fluide après la 5ième minute, courant librement dans un décor surréaliste que Gert a dû prendre dans un de ses cauchemars. J'aime cette sensation d'entendre une longe nappe d'orgue, donnant cette apparence légèrement chtonienne à un très bon Berlin School qui s'éteint 4 minutes avant la finale sans avoir reçu sa dose de solos. L'ouverture de Overlooked Consequences of Near-Death Expériences est aussi nébuleuse que celles qui nous introduisaient au mystique univers de Tangerine Dream du temps de Phaedra. Une ligne de séquences molles et rêveuses en sort pour faire traîner ses ions oscillatoires entre les multiples lamentations d'un synthé morose. Des lamentations qui s'étirent en de fines pointes de mélodies pleurnicheuses dans une 1ière partie qui reste sous le signe du mysticisme et du mystère. Le mouvement alternant du séquenceur devient plus souple et ondule farouchement jusqu'à cette courte phase de transition, autour de la 8ième minute, où Overlooked Consequences of Near-Death Expériences en émerge avec sa séquence en deux temps dans cette brume lunaire où les senteurs d'éther plombent les rythmes de l'ami Gert. Et si vous aimez ses séquences, At the End of the Track est spécialement conçu à cet effet où on peut admirer l'habilité de Gert Emmens au séquenceur. Des séquences, juste des séquences!
Légèrement complexe et facilement apprivoisable, ON THE EDGE OF NOWHERE est une belle visite de notre ami Gert Emmens qui nous raconte une autre de ses histoires connues avec des modifications à peine senties. Des surprises, il y en a peu! On s'en fout puisqu'il est tellement bon raconteur qu'on ne voit jamais les minutes passées et que chaque bouts d'histoire oubliées retrouvent le chemin de notre attention à la prochaine écoute. C'est de cette façon qu'on attrape la piqure Emmens!
Sylvain Lupari (24/02/22) *****
Disponible chez Groove NL
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