“Gert Emmens réussit encore à charmer avec son son de synthé unique et ses rythmes flottants qui tissent de splendides peintures musicales”
1 Wandering Between Floating Worlds 12:00 2 Revolution 28:35 3 Why it was Better to Stay Inside Until Dawn... 18:36 4 Signs from the Underground 11:47 Groove Unlimited – GR-241
(CD 71:40) (Cosmic Berlin and Netherlands School)
Gert Emmens est devenu un visage familier dans le royaume de la MÉ. Son nom, ainsi que celui de Ron Boots, nous vient tout de suite à l'esprit lorsque l'on parle de figures dominantes dans le domaine de la Netherlands School. Et ses albums sont loyalement attendus par les fans de la Berlin School. Le prix de cette gloire est que la critique est devenue plus exigeante, dont moi, au fil de ses nombreux albums. Le problème avec Gert est que ces albums affichent cette sonorité unique à ses synthés et à cette masse d'air sonique qu'il extirpe de ses instruments avec une fascinante poésie électronique depuis Wanderer of Time en 2003. Les rythmes ambiants, les rythmes flottants font parties aussi de cette signature. Près de 25 albums plus loin et 15 ans plus tard, ce défi qu'il a de continuellement lever la barre toujours un peu plus haute peut devenir pesant sur sa créativité. Il y a eu des moments où je me perdais dans ses constellations sonores et que mettais en doute son sens de la créativité tant chaque album soutire ses racines du précédent. Mais il y avait toujours un petit quelque chose que me ramenait à la raison, à la maison. Ses solos très poétiques, ses arrangements puisés dans l'huile de la nostalgie et surtout ses imparables mouvements dans ses algorithmes de rythmes sont autant de facteurs de séduction qui me commandaient d'entendre une partie de sa collection à chaque fois, ou presque, que je recevais un nouvel album. Comme ici où j'ai jeté une oreille The Nearest Faraway Place. Et ajouter à cela le fait qu'il ajoute depuis une couple d’années à ses structures, toujours complexes et alambiquées, des vraies percussions et une guitare électrique, nous avons là un cocktail qui ne peut qu'être explosif mais aussi fait dans l'inattendu. Inspiré des œuvres de Roger Dean, STORIES FROM FLOATING WORLDS 1 (The Turbulent Years) est à l'image de sa superbe pochette peinte par Liu Zishan et propose 4 longs titres avec une musique, comme c'est souvent le cas dans l'univers Emmens, qui fait flotter littéralement les rythmes et nos sens.
Wandering Between Floating Worlds débute par une explosion qui libère une masse de brises caverneuses. Au travers ces brises et des nappes d’une chorale chthonienne, un piano émiette sa méditation alors que des bruits suspects, certains organiques, envahissent les ambiances. Des bruits percussifs, des effets de crotales et des nappes apocalyptiques jettent une aura d'inquiétude sur les 4 premières minutes du titre. Et sorti de ce néant où les sons naissent, un mouvement de séquences sculpte ces rythmes mollasses et ambiants si confortables à la signature Emmens. Ce rythme ondule avec des sauts fluides afin de tracer ces mouvements zigzagants des rythmes ambiants. Les synthés sifflent des harmonies célestes alors que ce rythme lance quelques nuances afin de modifier légèrement cette structure qui sautille maintenant avec une ombre plus scintillante. Doux et flottant, Wandering Between Floating Worlds arbore avec brio le sens de son titre alors qu'il avance vers sa finale qui est teintée de ces solos qui charment comme ceux de Vangelis. Complexes et alambiquées? Absolument! Mais pas avec ce titre. Revolution pas contre nous en met plein les oreilles! Au travers d’explosions et de leurs échos feutrés, un premier mouvement du séquenceur établit une structure qui se dandine innocemment. Des effets d'explosions et des larmes de synthé très allongées peinturent le décor. Et Gert Emmens ne perd pas de temps! Dès la 2ième minute franchie, il ajoute une autre ligne de rythme qui rampe avec plus de lourdeur que dans celui de Wandering Between Floating Worlds. Le paysage sonique refoule de brume et d'effets gazéifiant tandis que la cadence accentue la mise à mort des ambiances avec des ions qui volettent et clignotent et des harmonies d'un synthé qui cadre bien avec la vélocité évolutive du rythme. Des riffs de synthé et d'autres séquences ornent l'ascension de Revolution vers des nappes de voix muettes. Même pas 6 minutes plus loin et plus lourde que vive, la musique nous entraîne vers moult délices électroniques que nos oreilles étreignent avec délice. Après une brève pause ambiosphérique, le rythme passe en deuxième vitesse avec un mouvement oscillatoire avec de petites fluctuations saccadées. C'est à cet instant, autour de la 11ième minute, que les percussions débarquent et mitraillent la cadence pour instaurer un rock électronique dynamique et progressif. Il n'y a pas à dire; Gert est très habiles aux fûts. Autre phase ambiosphérique avec des séquences qui scintillent et tournoient dans le velours des nappes chantées et Revolution revient à la charge avec un mouvement du séquenceur têtu qui fonce vers une autre phase de rock avec un Gert qui s'amuse comme un fou à maltraiter ses peaux. Les riffs de clavier, les voix et brumes du Mellotron et le mouvement du séquenceur situent la musique dans les corridors inachevés des années 70, un style assez Tangerine Dream mettons, où seuls les solos de synthé stigmatisent l'emprise de Gert Emmens sur sa musique. Les percussions éteintes et à bout de souffle, le séquenceur diminue la furie dans l'alternance de ses lignes afin de conduire un rythme ambiant qui, encore une fois, cadre très bien avec l'approche mélancolique du synthé. Très bon! C'est un des très bons titres à évolutions complexes que j'ai entendus cette année et je trouve l'effet encore meilleur sans mes écouteurs. Du grand Emmens!
Why it was Better to Stay Inside Until Dawn ...n'est pas vilain non plus. Je dirais même qu'il est plus intense et émotif. Son rythme dérive avec de belles courbes entres les îles flottantes sur le dos d'un séquenceur qui n'a pas peur de multiplier ses lignes de rythmes tout en maintenant le cap sur sa route principale. L'ouverture est un peu longue, on parle ici de près de 6 minutes de brumes et de brouillards gonflés d'effets et de très belles orchestrations, et, malgré une courte phase ambiosphérique, la cadence maintient sa puissance avec un solide mouvement du séquenceur. Par contre l'introduction de Signs from the Underground ne mets pas de temps à ériger sa structure rythmique. 42 secondes après des bruits suspects dans des vents creux, un chapelet de séquences miroite et chante une douce berceuse morphique. Ce fragile mouvement minimaliste traverse un bassin de vents et d'effets long de 2 minutes avec qu'un autre chapelet de séquences donne un plus bel élan à la horde rythmique qui harmonise sa cadence avec une vision tout autant mélodieuse. Le rythme bat de l'aile vivement et stagne dans une mare d'effets où des accords de piano érodent son paysage. Les solos mélancoliques de Gert ajoutent une touche humaine à cette civilisation sans terre alors que tintent toujours ces séquences qui font chanter les étoiles. Signs from the Underground dérive toujours sans toucher Terre, un peu comme une histoire que l'on sait incomplète et dont on attend le second volume avec impatience. Car il y aura bien un volume 2, Gert m'a signifié qu'une trilogie n'est pas à l'agenda, à STORIES FROM FLOATING WORLDS 1 (The Turbulent Years); un solide opus où la romance, la poésie et la mélancolie de Gert Emmens flirtent avec l'irréel autant que le tangible dans cette œuvre où les rythmes se multiplient sans pervertir l'essence d'une MÉ qui colle à merveille avec le thème de son auteur.
Sylvain Lupari (20/11/17) *****
Disponible chez Groove NL
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