“Du très bon Berlin School rétro avec des saveurs modernes font de cet Even Higher Green une autre oeuvre majeure de la MÉ moderne”
1 Penultimation 18:23 2 Inertial Seconds 19:38 3 Greensequent 18:43 4 Astley Return 14:46 5 To the Known Unknowns (Bonus) 10:04 6 Inertial Seconds Slowmix (Bonus) 18:02 Retrochet Records
(CD-r/DDL 99:36) (Berlin School)
On accorde les synthés! On réchauffe les machines en extirpant d'oblongs souffles rauques et en multipliant des effets électroniques qui nourrissent les drones et les grognements tout en dispersant des filets de voix chthoniennes ainsi que des bruits de faunes et de ses petits êtres organiques. C'est de cette façon que Penultimation s'arrime à nos oreilles. Trois minutes d'ambiances métapsychiques qui justifient l'approche ténébreuse du titre. Des carillons tintent et un genre d'halètement industriel saccadé, on dirait un moteur qui fonctionne en brûlant des âmes, s'extirpent de ces ambiances où des voix difformes tentent de freiner la progression d'un rythme, alors qu'un autre éclot de nulle part. Une ligne de séquences étale un galop. Un rodéo électronique qui fuit cette genèse des obscurités avec un très beau rythme électronique dont les douces oscillations, ainsi que leurs délicieux faux pas, sont parfumées de la chaleur des années analogue. Des effets de brume, qui s'évapore au vent, caressent les délicates modulations d'une structure de rythme qui cherche à déborder de son lit alors que des effets électroniques très Tangerine Dream des années Exit et des boucles inondent la tranquille progression minimaliste d'un rythme que des percussions arrivent à faire dérailler un brin ou deux vers sa finale. Il n'y a pas à dire, nous sommes vraiment dans les terres de Higher Green Session. Deux ans plus tard, jour pour jour, Graham Getty et Stephan Whitlan se réunissaient à nouveau, histoire de donner suite à un première session d'improvisation qui allait déboucher en un album très prisé par les fans de MÉ de style Berlin School. Cette fois-ci, le duo fait plus dans l'originalité en collant des titres imprégnés de mysticisme et de double-sens aux 6 structures de EVEN HIGHER GREEN, dont deux titres en bonus, qui au final atteint près de 100 minutes d'une musique où les sempiternelles influences de Tangerine Dream, de même que celles de Klaus Schulze, ne freinent en rien l'éclosion d'un style que le duo Getty/Whitlan maîtrise d'une étonnante cohésion pour un album songé et fait en un après-midi.
L'ouverture de Inertial Seconds exploite un peu les mêmes atmosphères de cet inconfort qui borde les frontières de l'horreur que nous trouvions dans Penultimation. Et pourtant, nous sommes à un autre niveau; celui des cycles des oscillations et de leurs mouvements rotatoires qui tournoient lentement dans une membrane de bruits blancs. Là aussi, le rythme s'extirpe des abysses bruitaux vers la 3ième minute. Il est vif! Appuyé sur un mouvement de séquences où les ions courent en file indienne à l'intérieur d'un cylindre étroit, un peu comme un iule sur l'acide, le mouvement déploie ses boucles de rythmes circulaires qui avancent alors que le cylindre tourne sur lui-même. C'est du rythme électronique pur où nos doigts suivent la cadence et où des cliquetis ajoutent une sensation de vélocité qui est doublement appuyé par l'ajout d'autres séquences. Les solos de synthés qui suivent ce panorama rythmique sortent de la période Tangram. Ce rythme se dissout vers la 10ième minute où une séquence se détache pour entraîner une longue ligne pulsatrice qui sautera de façon syncopée pour un bon 3 minutes, avant que Inertial Seconds ne reprenne sa structure initiale sous la férocité de délicieux solos de synthé qui virevoltent et attaquent comme on entend que trop rarement ces dernières années. Très bon! Sa version plus lente, Inertial Seconds Slowmix, est tout autant délicieuse et fait dans le genre cosmique à la Michael Garrison. Greensequent n'a pas d'ouverture ambiosonique! Le rythme attaque tout de go. Les séquences sont nerveuses et s'agitent dans un mouvement de chassé-croisé ascendant avec des effets qui en décalent les tons. On s'habitue vite à ce mouvement qui devient comme une ombre sensorielle avec une structure de rythme qui se fait plus ambiante à cause de l'amoncellement d'effets et de brume des synthés. Une autre ligne de séquences fait miroiter des ions qui dansent innocemment en contresens dans des ambiances que d'énormes nappes de synthé anesthésiantes rendent plus touffues. Et subtilement, Greensequent change de peau sous de puissants solos tandis que le rythme se morcelle sous l'arrivée d'un flot de séquences dont le débit saccadé compétitionne avec des tambourinements de percussions. Devenu plus harmonique, avec une chatoyante structure de rythme et des nappes de voix séraphiques, Greensequent change toujours de peau et questionne la véracité des fruits de cette session ici, tant tout nous semble aussi habilement orchestré que les meilleurs de Green Desert. Oui! C'est un superbe titre dont la constante évolution semble si en contradiction avec le mot improvisation. Et surtout sans réenregistrement! Graham Getty et Stephan Whitlan sont vraiment sur la même longueur d'ondes. On prend Body Love de Klaus Schulze et on y ajoute un peu plus de cadence et ça donne Astley Return. Mes oreilles sont encore sous le charme! To the Known Unknowns débute avec une sérénade pour piano électronique qui peu à peu étend sa morosité dans des battements sourds dont la marche plus lourde et plus insistante structure un rythme soutenu. Un mouvement de séquences limpides ceinture la mélancolie du piano qui peu à peu disparaît sous ces séquences qui sautillent et gambadent comme les pieds d'un cerf sous une terre de feu, tandis que des solos de synthé remplissent les airs et font disparaître un piano que l'on avait déjà oublié dans les brumes.
Je suis toujours autant séduit que fasciné par ces artistes qui réussissent à jouer et à créer une musique dont les paramètres et les frontières ont été maintes fois exploitées jusqu'à usure depuis plus de 40 ans. Le nom de Graham Getty, et avec raison, ne peut être dissocié de ces artistes qui bon an mal an se réinventent dans ce style qui semble toujours se faner sans pour autant s'éventrer dans les couloirs de nos mémoires. Et c'est pourquoi j'ai trouvé ce EVEN HIGHER GREEN nettement plus réussi que Higher Green Session. Car à force de persévérer à explorer les dédales du temps, Graham Getty, en solo ou en duo, réussit toujours à trouver le filon de l'originalité. Excellent! J'ai déjà hâte au 30 Décembre 2017.
Sylvain Lupari (25/03/16) ****½*
Disponible au Graham Getty Bandcamp
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