“On dévore chaque titre les oreilles grandes ouvertes!”
1 Deep Blue 4:18
2 Evening Falls Over Neo-Tokyo 4:47
3 Exploring the Catacombs of Paris 10:07
4 The Stakeout 6:49
5 Racing DeLoreans 2:24
6 Stardust 5:13
7 Conjuration 5:58
8 The Sinking of Zealandia 8:31
9 Lonely Roads 5:49
10 Rio-Berlin 5:35
(DDL/CD-R 59:35)
(Dark ambient Berlin School)
Gustavo Jobim a donné un coup de barre à sa carrière de musicien en partageant quelques-unes de ses performances et sessions d'enregistrement sur sa chaine YouTube en début 2019. Les albums Inverno 2 (2019) et 44 Minutes of Your Attention (2020) ont d'ailleurs été inspiré par ces sessions. C'est dans cette foulée que Portal Between Two Worlds, aussi sur Cyclical Dreams, et Brain Records ont été produit l'an dernier. Cette projection sur YouTube a permis au musicien brésilien de constater que son auditoire prisait généralement les titres plus courts et plus accrocheurs. C'est ainsi que naquit ce DEEP BLUE, un surprenant album qui démontre que Gustavo est autant à l'aise dans de longues structures de musique d'ambiances ténébreuses que dans de courts titres animés d'une vision mélodieuse et de rythmes entraînants. En fait, l'album est une sélection des meilleurs et plus accessibles titres réalisés pour YouTube ces dernières années et dont on peut vois la conception en cliquant sur ce lien.
Et l'album commence d'une surprenante façon! Sur un rythme électronique aussi sobre que vieillot, la pièce-titre nous fait entendre une belle mélodie avec des arpèges chantant sur un genre de rumba auquel il manque quelques pas. C'est très bien et ça sonne comme ces vielles ballades de danse sociales que Jean-Michel Jarre laissait sur le fil du temps afin de compléter ses 3 premiers albums. Evening Falls Over Neo-Tokyo est un titre à caractère dystopique. Son enveloppe est aussi sombre que la vision d'un mourant regardant la ville se remplir de smog sous les néons. Le sombre et lent mouvement cogite sur une masse ambiante qui se meut lentement tout en étant ficelé à des bourdonnements iridescents. Dans une couleur mélodieuse moins allumée que dans Deep Blue, les arpèges font miroiter une mélodie atrabilaire. L'ouverture cosmique de Exploring the Catacombs of Paris se transforme peu à peu en un voyage astral qui s'arrête sur une longue brise de bourdonnements. Un point qui nous ramène dans ces territoires de musique électronique (MÉ) ténébreuse avec un petit côté pastoral de par les murmures emmurés dans les murs noircis par le carbone de la cathédrale. Jouant de finesse, Gustavo réussit à faire crisser les spectres qui sont des témoins silencieux de cette incendie alors que tout autour nos oreilles peuvent entendre les tisons crépiter avec une fascinante lueur musicale. On peut d'ailleurs entendre la chaleur des flammes éteintes bouillonnée dans l’enceinte de la cathédrale dans une finale où la colère des fantômes s'entend avec violence. Ce titre démontre cette capacité du musicien-synthésiste brésilien à créer un lien entre sa musique et sa vision qui se connecte aisément à celles de son auditoire. Ce phénomène s'applique aussi sur la structure rampante de The Stakeout qui est en symbiose avec le sens de son titre. Vampirique, elle étend une ombre mouvante dont les ondulations forgent un rythme ambiant. La texture de basse dans les boucles crapahutées insuffle une ambiance fantomatique qui flirte avec les zones lucifériennes de la signature usuelle des œuvres de Jobim. Les effets percussifs, un genre de tapement successif, créent une ambiance d'excitation, comme de tension c'est selon, où l'art de la surveillance peut parfois donner des sueurs froides, comme un haut débit de pulsations cardiaques. Les airs aériens du synthé ajoutent à cette sensation de guerre des nerfs qui surveillent ceux qui épient malicieusement les autres.
Racing DeLoreans est un titre très animé, comme une course surréelle dans un paysage de jeu vidéo. C'est un rock électronique déjanté avec des percussions d'usage et des riffs de clavier. Le son des synthé est divin ici avec un style qui n'est pas sans rappeler les audaces de Larry Fast dans Synergy. C'est avec des airs de rossignol électronique roulant en boucles que Stardust s'arrime à nos oreilles. Si cette approche mélodieuse reste minimaliste, à quelques nuances près, son linceul sonore se remplit de réverbérations dont l'écho structure des battements ambiants. Des poussières d'étoiles et des ondes de synthé spectrales complètent le décor alors qu'une ligne de basse qui mord les ambiances ajoute une dimension dramatique à ce titre qui rend notre esprit léger. On écoute les nappes de synthé coulées et roulées comme la noire symphonie du Fantôme de l'Opéra et on se doute bien à quoi Conjuration peut bien correspondre. Excellente musique pour film d'horreur! The Sinking of Zealandia ne perd pas de temps pour nous projeter dans une ambiance sordide avec une machine qui respire en projetant des souffles pulsatoires. La texture est plus industrielle que gothique, même si de longs filaments s'extirpent en émettant de sordides airs atypiques qui se figent dans un panorama de fin du monde et que certaines tonalités rappellent celles de Tangerine Dream au niveau des harmonies ambiantes du synthé. Lonely Roads est un titre du genre pensif. Ses arpèges illuminent un corridor glauque d'une mélodie pour âme en peine. Nous sommes dans une texture d'ambiances ténébreuses avec un côté mélodieux du synthé qui est parfumé des ondes musicales de Redshift. Rio-Berlin termine ce fascinant et surprenant album avec un fougueux rock électronique qui surfe sur du bon Berlin School enrobé de très bon solos de synthé.
Que donne un Gustavo Jobim plus accessible? Un résultat plus séduisant que surprenant avec de courts titres qui n'enlèvent rien à la profondeur et aux visions musicales du claviériste brésilien. Disponible maintenant autant en format téléchargeable qu'en format CD-R, DEEP BLUE est à la hauteur de ce que nous sommes en droit d'attendre d'un musicien d'une telle dimension. On dévore chaque titre les oreilles grandes ouvertes!
Sylvain Lupari (14/07/22) *****
Disponible au Cyclical Dreams Bandcamp
Comentários