top of page
Writer's pictureSylvain Lupari

Ian Boddy Modulations III (2023) (FR)

Plus de 3 heures de toutes les palettes de la MÉ jouée sur des synthés modulaires

1 Earth Requiem 19:55

2 Seventh Wave 30:54

3 Subliminal Impulse 26:56

4 Druids Temple 7:16

5 As Far Away As Possible 33:20

6 Capstone 49:04

7 Boddy Love 14:09

(DDL 181:37)

(Experimental, dark ambient, Berlin School)

Des clapotis et des roulements de vague sur une grève désertique sont à l'origine de la longue introduction atmosphérique de Earth Requiem. Une onde de bourdonnements ceinture le moment tout en accentuant sa présence dans une sphère ambiante où résonnent les feutrements percussifs et crissent les spectres de la nuit comme ululent ces vents porteurs de murmures chtoniens. Dans le guide de l'écouteur, Earth Requiem fut composé dans le cadre du Washington Arts Center en mars 2022. Bien que la musique accompagnât une vidéo de photos captées par l'œil très avant-gardiste de Wendy Carroll sur la nature et ses éléments texturaux, il y a une légère essence chtonienne qui se dégage de ses ambiances. Afin de s'adapter aux réalités des photographies de sa complice de vie, Ian Boddy élabore une faune sonore organique qui épouse le montage de ces photos. Si la première partie de Earth Requiem réussit à maintenir une approche éthérée, les bourdonnements grondent de plus en plus autour de la 8ième minute. Tant qu'on pourrait se croire être à l'intérieur d'un volcan qui s'éveille. Des accords percussifs accompagnent la croissance des grondements, créant une toile rythmique chaotique dans un intense passage atmosphérique plutôt cinématographique. De cette turbulence nait une longue finale plus sereine autour de la 12ième minute. Des accords cristallins et des pépiements d'oiseaux ornent des bouts de mélodies évasives qui ondulent dans un passage où le tumulte des sons cherche à sortir de son lit. Ainsi est fait Earth Requiem, ainsi sera fait, dans des contextes différents, les impressionnantes 3 heures de MODULATIONS III!

Longue mosaïque sonore légèrement plus atmosphérique que rythmique, exception faite des bouillants et brillants Capstone et Boddy Love, ce 3ième volet de la série Modulations du musicien-synthésiste Anglais suit ses péripéties lors de différentes prestations données principalement en Angleterre. Offert en format téléchargement, MODULATIONS III vient aussi avec un guide pour l'auditeur qui explique les concepts et la provenance de ses 7 titres. Et il faut aimer le genre ambiant expérimental que procure les infinis possibilités de la musique électronique (MÉ) conçue sur les synthés modulaires. C'est le cœur, la raison d'être de cette collection qui a donné un coup de pied dans le nid de la création de cet imposant univers où la musique vit et respire au rythme de notre imagination. Il faut donc aimer se laisser envelopper par une myriade de sons et d'ambiances de toutes sortes; genre spatiales à terrestres, organiques comme éthérées en passant par ces ambiances étranges qui flirtent avec les univers d'épouvantes. Le lit de ce MODULATIONS III! Il faut aussi prendre le temps pour apprivoiser certaines des structures plus expérimentales de cet album où la majorité des titres sont très longs, donnant ainsi le temps à Boddy de développer des textures sonores qui rendent justice à son savoir-faire et qui défient notre imagination.

Ceux qui se souviennent de l'ouverture de Exiles de King Crimson dans Larks' Tongues in Aspic seront en terrain connu avec celle de Seventh Wave. Enregistré lors du Seventh Wave Electronic Music Festival à Birmingham en novembre 2021, ce très long titre explore les caractéristiques sonores du modulaire. Son introduction fait entendre des ululements nocturnes qui errent entre des ondes de drones et des effets aquatiques texturaux. Des effets scintillants se cachent dans les sillons des ondes creuses qui hurlent en sourdine jusqu'à ce que des solos fassent gémir leurs lamentations autour de 8ième minute. Ces solos de synthé traînent une nostalgie dans leurs arabesques ondulatoires sur une distance de 3 minutes avant que les ambiances cosmiques du titre ne réapparaissent par des poussées de bruines spatiales à la porte des 11 minutes. Des tintements tentent une structure mélodieuse qui perd ses repères dans ces vents poussiéreux où des battements sourds se mettent à résonner. Des arpèges hésitants dansent et galopent sur les vibrations de ces cognements, structurant un rythme harmonique qui va-et-vient sur un flux plus rapide des basses pulsations et des cliquetis cadencés. Ce rythme lourd et résonnant, comme les meilleurs moments de Arc, épuise ses battements et le papillonnement des arpèges dans l'antre d'une phase spectrale animée par les tonalités aigües des ondes Martenot autour de la 20ième minute. Ces tonalités se fondent à celles moins acérées d'un synthé et de ses ombres flottantes dans une finale remplies de ces patchoulis sonores uniques à ce versant psychédélique qui borde les passages atmosphériques de ce MODULATIONS III.

Subliminal Impulse est tissé dans certaines des fibres de Seventh Wave. Le titre mixe les ambiances supranaturelles comme féeriques dans une orgie de sons propulsé par des poussées d'interférences où s'entremêlent des effets de voix et des crissements radioactifs. Des battements sourds se mettent à progresser autour de la 5ième minute, sculptant un rythme lent qui avance sournoisement. Cette procession subliminale recueille ce que le modulaire a à offrir comme possibilités tonales, dont certains sons qui sonnent comme un langage robotisé. Ian Boddy enroule ce mouvement de belles ondes de synthé plus chaleureuses et musicales, certaines ayant même une vision spectrale de par la nature aigüe de leurs psaumes électroniques. Ainsi défilent des arabesques d'un rose dormant qui se tortillent, se contorsionnent et se défont dans les paroles grossières d'un rythme qui flirte avec une allégorie fanfaronnade. Des effets électroniques bruyants inondent les ambiances autour des 14 minutes, alourdissant cette procession qui boitille maintenant. Le rythme réapparaît après un long passage remplit de ululements spectraux. Sautillant plus mollement, il offre le côté le plus musical de Seventh Wave. Plus court titre de MODULATIONS III, Druids Temple est un titre atmosphérique expérimental que Boddy a enregistré en plein air justement au Druids Temple dans le comté de North Yorkshire. Une vidéo est disponible sur You Tube. Voici le lien, https://www.youtube.com/watch?v=RGiYJfKzpjo Autre très long titre, As Far Away As Possible propose une lente ouverture d'ambiances interstellaires avant d'offrir une structure de rythme bondissante et résonnante autour de sa 15ième minute. De sinueuses lignes d'oscillations moirés et des caquètements organiques parcourent ce rythme semi lent qui nous rapproche des premières œuvres du musicien britannique. Ce passage de plus ou moins 10 minutes est suivi d'une finale atmosphérique plus incitative ici à la méditation.

Le très long Capstone est dans la pure tradition d'un Ian Boddy très méthodique. On dirait un titre enregistré en studio, alors qu'il fut joué au Capstone Theatre de Liverpool en avril dernier. Les vents bourdonnants de son intro se transforment en une danse d'oscillations ondulatoires. Elles valsent dans un néant cosmique jusqu'à ce qu'un rythme entraînant ne les entrainent dans un rock électronique cousu dans une méthode spasmodique. On tape aisément du pied dans ce segment musical d'une 10zaine de minutes où le synthé dessine des arabesques dont le débit saccadé fait penser à du Tomita dans Snowflakes are Dancing. Ondulant comme une menace éteinte, le rythme s'essouffle tranquillement pour laisser fleurir ces percutantes lamentations aiguisées qui complaignent comme des Ondes Martenot. Un très beau passage ambiant rempli de ces orchestrations dont seul Ian Boddy a le secret. Ce moment de sérénité se heurte à un récif de bourdonnements vers la 24ième minute, entrainant Capstone dans une brève turbulence atmosphérique avant que le rythme, plus doux et plus paisible, fasse renaître ses modulations ondulatoires quelques 5 minutes plus loin. Le plus long titre de MODULATIONS III explose à nouveau vers la 33ième minute. Aussi percutant et entrainant que dans sa première mission, le rythme conduit Capstone dans un fougueux rock électronique avant de mettre nos oreilles dans le doux confort des structures ambiantes de Boddy un peu avant la 43ième minute. Ce rythme effréné et la valse des ondulations sont la recette de Boddy Love qui est aussi un clin d'œil à ce majestueux titre de Klaus Schulze.

Intense, dramatique, musical et expérimental! Berlin School, England School, ambiances cosmiques et chtoniennes ! Ohhh…Il y a de la musique au pouce-carré dans cette audacieuse mosaïque de rythmes et d'ambiances qu'est l'imposant MODULATIONS III. Ian Boddy fait l'étalage de son savoir-faire et de sa créativité absolue dans ce coffret de plus de 3 heures d'une MÉ avant-gardiste qui s’apprivoise tout de même assez facilement et où tous les goûts sont aguichés par une palette de styles que le boss de DiN ne fait pas qu'effleurer.

Sylvain Lupari (12/06/23) ****¼*

Disponible au DiN Bandcamp

(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)

227 views0 comments

Recent Posts

See All

Comments


bottom of page