GOD: Bonjour Ian Boddy. Pearl est une rétrospective de 30 ans de carrières étalées sur 2 CD. Comment avez-vous abordé la conception et la sélection des 28 titres de Pearl?
IAN BODDY: Eh bien, 30 ans semblaient être le parfait moment pour faire un survol de ma carrière et tenter de présenter mon énorme catalogue de musique en un agréable format condensé. Il était plus qu’évident que je devais faire des miracles pour présenter le tout sur un seul CD, donc il a été décidé très tôt que cela serait un album double. Il était alors clair qu'un disque devrait couvrir ma musique réalisée sur mon catalogue DiN qui a dominé ma production pendant les 10 dernières années, ou à peu près. L’autre album a donc été consacré à mes premières œuvres, celles d’avant DiN, bien que j'ai voulu aussi inclure un peu de mes œuvres dites de ‘‘Library Music’’ pour DeWolfe ainsi que non design sonore. Avec le CD Inner DiN j'ai pu inclure une pièce de chacun de mes albums solos ainsi que mes projets de collaborations. Avec Outer DiN j’avais seulement de la place pour mon travail en solo. En choisissant les titres j’ai tenté de choisir certains de mes favoris, mais aussi des titres qui se chevaucheraient bien sur le mix continu que j’avais planifié et qui étaient représentatifs du l’époque où ils ont été réalisés.
GOD: Votre discographie est immense (26 albums studios et 11 ‘’Library Music’’), il y a certainement des titres que vos fans auraient aimé entendre sur Pearl. Lors de la sélection, avez-vous consulté des amis, des fans ou vous êtes-vous simplement fié à votre instinct?
IAN BODDY: Eh bien, j’ai organisé un concours pour un peu de plaisir, demandant aux gens de deviner un titre qui serait inclut sur Pearl et j’ai reçu beaucoup de belles réponses. Les détails et les gagnants sont inscrits ici : http: // www.din.org.uk/din/node/291 Cependant en travaillant fondamentalement dans les paramètres dont j’ai fait mention lors de la question 1, j'ai utilisé mon instinct pour créer deux longs mixes continus.
GOD: Comment on fait un survol de 30 ans de carrière? Lorsque vous faites une rétrospective de votre carrière musicale, qu’est-ce que vous retenez le plus?
IAN BODDY: Pour moi personnellement ce sont des souvenirs de toutes les bonnes périodes que j’ai connues, des superbes personnes rencontrées et du plaisir que j'ai eu à jouer en concert. C'est une chose très personnelle puisqu’évidemment la musique a dominé ma vie pendant 30 ans. Pour l'auditeur j'espère juste qu’à la base, Pearl soit juste un album double d’une très agréable de musique électronique.
GOD: Qu’est-ce que de la ‘’Library Music’’ et quels sont les titres de ce catalogue que l’on retrouve sur Pearl?
IAN BODDY: ‘‘Library Music’’ est une musique qui est commanditée par un éditeur spécialisé, ou la société de ‘‘Library Music’’comme DeWolfe, qui est destiné à des fins d'utilisation comme à la TV, la radio, des films et des annonces. J'ai tendance à travailler sur un thème comme l'espace, la nature, la mer, ce genre de chose et ensuite ces disques sont envoyés dans le monde entier aux sociétés de film, des studios de TV et des maisons de production. Les compagnies choisissent alors d’utiliser cette musique dans leurs productions et s'ils le font je reçois des redevances. Ces CD ne sont pas destinés au grand public quoique DeWolfe m’ait gentiment autorisé à en vendre sur une base très limitée. J'ai 11 albums et plus de 300 titres publiés par eux, ainsi j'ai pensé qu'il était approprié d’inclure quelques titres sur Pearl puisqu’ils représentent une grande part de ma production musical au cours des années. Les 3 titres inclus sur Outer DiN sont; Who Controls Who, Metropolis & Living Planet. Il y a un lien direct sur le site DeWolfe pour toute ma musique que j'ai faite pour eux; http://tinyurl.com/47j7obo
GOD: Chaque titre sur Pearl s’enchevêtre avec une étonnante complicité sonore pour la différence des époques. Est-ce que les titres sur Pearl suivent un ordre chronologique et ont-ils été remasterisé?
IAN BODDY: Non ils ne suivent un ordre chronologique car je les ai placés pour faire un bon équilibre pour la longueur de chaque album. Mais il y a des titres qui vont aussi loin que 1980 avec ma 1ière cassette; Floating for Images. J’ai fait un peu de mastering, rien de bien drastique mais juste quelque EQ sur les vieux titres et balancer les niveaux de son.
GOD: De 1980 à 2010, Ian Boddy a traversé trois décennies. Comment voyez-vous l’évolution de la MÉ comparé à la vôtre? Est-ce que vous pensez avoir évolué en marge de la MÉ ou vous avez simplement suivi le courant?
IAN BODDY: Eh bien la MÉ a évoluée énormément depuis 1980. De bien des façons, elle est partie d'un type de musique obscure au courant dominant comme en font foi toute la culture de danse et ses plusieurs dont beaucoup sont essentiellement de la musique électronique. Ensuite il y a la musique omniprésente que nous entendons à la TV et dans les films qui est encore très près de ce que nous appellerions la musique électronique. Cependant il y a toujours une niche pour ce que nous pourrions appeler la musique électronique classique crée dans les années 70 dans le style de Tangerine Dream et Klaus Schulze etc. Cependant c'est maintenant une très, très petite niche et ça ne nous amène pas vraiment loin. Je pense qu’avec DiN, depuis 1999, j'ai essayé de pousser les frontières de mon héritage pour la MÉ classique. J’ai ainsi réalisé à la fois une musique très près du style de ces premiers artistes allemands avec certaines de mes propres réalisations et aussi certainement avec les réalisations d'ARC. Cependant j'ai aussi travaillé avec beaucoup de musiciens qui sont à l'extérieur de cette petite niche comme Markus Reuter, Chris Carter, Robert Rich, Nigel Mullaney, etc où j'ai délibérément tenté de mêler ensemble mes racines de la MÉ classique aux styles contemporains de MÉ plus modernes. Pour moi c'est un voyage fascinant et j'aime essayer ces expériences. C’est ce qui m’a aidé à rester à la fine pointe de l'actualité musicale toutes ces années, je ne pouvais pas juste produire en série le même style de musique indéfiniment.
GOD: Est-ce qu’il y a des éléments clés qui ont transformé votre approche créative à chacune des décennies?
IAN BODDY: Eh bien de toute évidence la MÉ est fortement liée à l’évolution des technologies. Donc certainement que ça eue une certaine influence, bien que j'utilise toujours beaucoup de vieux synthés analogues avec les quels j’ai débuté. Mais vraiment c’est difficile de pointer exactement les éléments clés spécifiques, peut-être bien que ma décision consciente au milieu des années 90 et plus avec DiN de travailler avec d'autres musiciens ait été une grande influence. Une fois que vous commencez à travailler avec d'autres musiciens, il s’ouvre un nouveau monde plein d'influences et d’idées.
GOD: Outer DiN présente un Ian Boddy très mélodieux avec des synthés poignants et des rythmes plus près du synth pop que la période d’Inner DiN. Avant la création de DiN, vous sentiez-vous étouffer dans un style mélodieux et synth pop?
IAN BODDY: Bien que cela soit sur généralisé de dire que j’étais plus mélodieux à l’époque d’Inner Din que sur Outer DiN, je peux comprendre pourquoi certaines personnes le perçoivent ainsi. J’ai toujours aimé la mélodie et c’est en général et sans contredit plus commerciale que la musique purement abstraite. En y repensant, je pense que lorsque j’ai commencé à faire de la ‘‘Library Music’’ pour DeWolfe, j'ai pu être aussi mélodique que j’aimais pour eux me libérant quelque peu pour explorer une voie plus expérimentale avec la réalisation de DiN, quoiqu’il y ait autant de musique mélodieuse sur ce label.
GOD: Vous chantez sur Living in a Ritual. Est-ce qu’Ian Boddy a songé à se diriger carrément vers le synh pop ou même vers le rock? Comment avez-vous aimé cette expérience et pourquoi avoir arrêté là?
IAN BODDY: Ce n'était pas moi qui chante, croyez-moi vous ne voulez pas m’entendre chanter :-). C’était un chanteur de Heavy Rock nommé Brian Ross, il est le ‘‘leader’’ du groupe Blitzkreig et je l’ai avais aidé pour quelques titres sur l’un de leurs albums. Je travaillais sur cette pièce de l’album Spirits et initialement je voulais juste utiliser un Vocodeur pour la voix, mais ça ne fonctionnait pas vraiment bien. Donc j’ai invité Brian pour ajouter quelques vrais vocaux. C’est le genre de ‘‘ un titre seulement à faire’’, bien que cela semble avoir engrangé un culte après dans quelques clubs de danse allemands et qu’il ait été récemment inclus sur un album de compilation.
GOD: Avec toute sa panoplie de percussions Shrouded est superbe. On retrouve la même approche, quoique moins ambiante, de percussions variées sur Atomicity. Est-ce que Shrouded a initié Dub Atomica?
IAN BODDY: Non ils sont des projets très différents. Shrouded a été enregistré lors de mon premier concert aux USA où je jouais à Philadelphie et utilise une boucle de tambour ralentie et filtrée sur lequel je couche une variété de sons et strates de synthé. Atomicity était le 4ième CD de DiN était une collaboration entre moi et Nigel Mullaney qui avait fait beaucoup de travail de DJ. Il est génial avec les percussions programmées donc son approche a donné une nouvelle dimension aux percussions sur cet album que j'ai pu combiner avec mon séquencement analogue et des textures ambiantes.
GOD: Sur Outer DiN on sent des nettes influences de Tangerine Dream et de Jean Michel Jarre, notamment au niveau des percussions, alors que sur Inner DiN on sent un Ian Boddy plus innovateur. À partir de quel album et où s’est produit le déclic qui a fait d’Ian Boddy un artiste plus aventureux?
IAN BODDY: Je pense que c’était un album pré-DiN appellé Continuum. C'est un album double de 1996 et un disque d'un événement plutôt unique où on m'a demandé de jouer dans une galerie d'art pendant une exposition d'illustration de SF. Je me suis assis et j’ai joué toute la journée; 7 heures donc je savais que je ne pouvais pas jouer des grandes pièces mélodiques concises. Cela m'a permis d'explorer un espace plus ambiant et textural que j'ai vraiment apprécié et je le vois comme un album phare qui a précédé certaines des choses que j'ai explorées plus loin avec DiN. Il y a un mix de titres de Continuum sur Pearl
GOD: À mesure que Pearl progresse on sent cette tendance à explorer un monde sonore plus sombre et expérimental. Est-ce qu’Arc et Dub Atomica sont des entités de votre personnalité ou des extensions de votre besoin d’explorer ces nouvelles avenues musicales? IAN BODDY: Probablement un peu des deux; Arc est une collaboration avec Mark Shreeve tandis que Dub Atomica Nigel Mullaney comme discuté plus précédemment. Ils sont tous les deux des musiciens très différents avec leurs propres expériences et techniques donc chaque projet vient d'un espace très différent. Bien sûr la cohésion entre les deux est moi-même et je me vois souvent comme un fil conducteur par lequel je peux filtrer ces différents artistes collaborateurs pour faire un album que je veux réaliser pour DiN.
GOD: En 30 ans, vous avez travaillé avec des musiciens aux antipodes musicaux forts contrastant; Mark Shreeve, Markus Reuter, Andy Pickford, Ron Boots, Robert Rich, Chris Carter, Bernhard Wostheinrich et Nigel Mullaney. Comment fait-on pour s’adapter à toutes ses personnalités? Êtes-vous le caméléon de la MÉ, comme Bowie l’est pour le rock?
IAN BODDY: Je ne pas certains de cela, quoique ce soit une description intéressante. Un facteur important est que je suis personnellement ami avec chacun d’eux, on s’entend tous très bien et pouvons travailler facilement ensemble. Cependant ils tous ont des influences différentes et chacun apporte ses propres habiletés et goûts. C’est ce qui rend l’aventure si fascinante quoique vous ne sachiez pas vraiment comment un projet va aboutir avant que vous ne le commenciez et que souvent ça croisse et évolue comme vous progressez et quelquefois cela peut vous amener dans des étapes uniques et fascinantes. Et j’ajouterais que travailler avec ses mecs m’a aidé à garder un œil ouvert sur mon évolution musicale pour une longue période de temps. Si je savais exactement ce que j'allais toujours faire alors ce ne serait plus vraiment amusant désormais.
GOD: Y a-t’il un artiste avec qui vous aimeriez travailler?
IAN BODDY: Bien j'espère commencer 2 nouveaux projets avec Erik Wollo et Steve Roach cette année donc cela va être intéressant. Si j’avais à choisir un musicien ce serait Klaus Schulze, mais pas maintenant, ça serait dans les années 70 et bien sûr j'étais trop jeune alors.
GOD: Sur Outer DiN il y a de superbes moments ambiants et atmosphériques (Never Forever, The Mechanics Of A Thought et Aurora). J’ai remarqué que ce sont des titres où vous êtes en solitaire. Est-ce que l’ambiant et l’atmosphérique est une forme d’art musicale intimiste?
IAN BODDY: Je pense que tu vises probablement juste là, bien qu'il y ait beaucoup de sections ambiantes dans certains de mes projets collaboratifs comme ceux avec Robert Rich. Mais je pense que les exemples que tu donnes sont des pièces où j'essayais de transmettre une émotion ou un sentiment spécifique et sont ainsi plus personnelles et intimes.
GOD: Comment fut 2010 pour Ian Boddy et DiN? Et à quoi peut-on s’attendre en 2011?
IAN BODDY: 2010 fut très occupée et productive. Mes projets de ‘‘Library Music’’ ont bien marchés et d’un point de vue financier c’est très bon. Bien sûr la sortie de Pearl a beaucoup occupé mes pensées et demandé des efforts au cours de cette dernière année. Si je regarde pour 2011, d’un point de vue pratique, je dois équilibrer ce qui est commercialement rentable, comme ma ‘‘Library Music’’, et mes conceptions musicales avec mon approche plus artistique et expérimentale sur DiN. Cependant je continu avec la planification des nouveaux projets tel que I'am continuant avec la planification de nouveaux projets comme mentionné ci-haut avec Steve et Erik et j’annoncerai les nouvelles parutions lorsqu’elles seront sur le point d’être complété.
GOD: Merci Ian et au nom des lecteurs de GOD, une très belle année 2011!
Entrevue réalisée par Sylvain Lupari, alors sur Guts of Darkness, en Janvier 2011
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