“À date, c'est le meilleur d'Indra dans cette série de titres oubliés quelque part ur le comptoir du temps”
1 The Rise and Fall of Nubia 17:41 2 Milliman 14:27 3 Get Ready 16:26 4 Homage 26:53 Indra Music (CD/DDL 75:29) (Berlin School, Roumanian School)
La série Archives progressant dans le temps et plus on arrive autour des œuvres qui ont propulsées la musique d'Indra hors de la Roumanie. EMERALD TWO est le premier album de cette série à proposer 4 longs romans soniques dont le plus court est de 15 minutes. The Rise and Fall of Nubia amorce donc ce voyage prometteur avec une nuée de woosh et de particules cosmiques qui enveloppent la naissance d'une structure érigée sur des séquences qui s'entrechoquent et dont l'écho des tintements forme une ligne de rythme ambiant. Des effets, comme des gaz électroniques, pimentent cette structure qui dérive dans le néant à la recherche d'une ossature rythmique plus soutenue tandis que certains woosh se transforment en solos migrateurs. Des pulsations répétées se forment autour de la 5ième minute, forçant un rythme pulsatoire morphique qui séduira une autre ligne de séquences aux abords des 8 minutes, ainsi que des percussions électroniques du genre Tablas tribal. Lascif, ce rythme magnétise notre ouïe avec ses fines nuances et ses lignes de synthé qui cachent des murmures astraux. Et ces murmures deviennent des chants de méditation arabique, plongeant The Rise and Fall of Nubia dans une finale contemplative. Ce premier titre de EMERALD TWO nous plonge délicieusement dans ces longues structures minimalistes qu'Indra aimait explorer à cause de cette immense possibilité de les détourner, de leur donner une autre direction et, surtout, de les décorer avec des mélodies et effets qui atteignent ce pinacle de séduction vers le dernier quart du titre. Et c'est exactement la même recette ici, à quelques nuances près. Indra ajoute ici des éléments un brin psybient, pour l'époque, et certainement psychotronique sur une musique qui resplendit toujours les charmes de Klaus Schulze mais cette fois-ci en tandem avec Pete Namlook, notamment à cause des fortes essences cosmiques.
L'introduction de Milliman nous plonge dans les délices de The Call of Shiva 1 avec des séquences qui virevoltent et tintent dans des effets de gaz cosmique. Bien qu'ambiant, le mouvement est délicieusement subjuguant. Nos sens volètent avec la légèreté du rythme et on remarque à peine ces percussions qui tambourinent comme des centaines de pas perdus. Les ambiances finissent par tisser des courbes d'harmonies en même temps que le rythme agrippe une approche de techno pour zombies sur champignons magiques avec une ligne de basses pulsations qui fait osciller des accords avec des séquences aux échos organiques. Les basses pulsations clopinent à l'ombre de bons solos de synthé très aériens et de bons effets électroniques, accentuant plus cette perception qu'Indra composait bel et bien des structures plus progressives que celles auquel il nous avait habitué à cette époque. Le rythme devient littéralement entraînant et Milliman progresse délicieusement à la mesure de nos pieds agités avant d'être enseveli par un passage ambiosonique truffé d'effets électroniques. Un petit passage de 2 minutes, quoique des poussières de battements subsistent, avant que le titre reprenne sa droiture rythmique dans une figure anarchique de percussions rebelles. Un très bon titre qui aurait facilement trouvé sa niche sur le duo d'albums The Call of Shiva. Get Ready n'est pas en reste! Les vents opalescents font danser des tintements et des séquences qui volètent, vont et viennent dans des nappes de synthé tissées dans une salve de violons qui ajoutent une touche quelque peu dramatique avec ses nuances graves. Une ligne de pulsations séquencées s'élèvent pour pilonner un rythme linéaire qui sautille dans de soyeux arrangements orchestraux. Des cliquetis métalliques s'invitent à cette danse sautillante, amenant d'autres percussions électroniques alors que les ambiances, chargées du plomb des violons, tissent un horizon moiré. Indra marine très bien sa structure en gonflant son élément de rythme par de bonnes percussions aux teintes et aux tons différents. Et comme dans chacune des 4 phases de EMERALD TWO, Get Ready dévie vers un océan de tons dans une ambiance méditative d'environ 90 secondes avant que le rythme ne renaissance et ne reparte, par brefs phases interposées, avec plus de vigueur au niveau d'un très beau jeu de percussions et plus de mordant dans les orchestrations, flirtant même avec l'idée d'une danse cosmique troublée par un superbe jeu des percussions. Oups...Je l'avais déjà mentionné! Homage est le plus long titre de EMERALD TWO. C'est un titre qui demande quelques écoutes avant d'être apprécié à sa pleine mesure. Des nappes de synthé volent comme de gros bourdons menaçants et des séquences tracent un rodéo cosmique avant que des percussions, aux tonalités assez contrastantes, ne se sauvent avec ces ambiances afin de créer une structure de rythme assez entraînante pour son ossature minimaliste. Les effets des synthés sont très réussis et ajoutent un soupçon d'irréalisme à une approche de rythme qui débloque vers un bon down-tempo caressé par une nuée de brises caverneuses. Le rythme revient dans une autre phase. Plus nerveux, il emporte ces séquences qui se faisaient discrètes en ouverture. Et les percussions réapparaissent, certaines vêtues de tons de sabots, comme par magie, insufflant un rythme soutenu qui se démène dans une tempête d'effets électroniques. Et c'est ainsi que se dérouleront les 27 minutes de Homage; entre phases de rythme et d'ambiance qui à chaque nouvelle éclosion augmente l'intensité des deux entités.
On entre dans les plus belles années d'Indra et ce EMERALD TWO en est une preuve indéniable. Des longues structures minimalistes où rythmes et moments de contemplativité se complaisent, se métamorphosent et se régénèrent dans des ambiances qui sont aux portes du psychédélisme. C'est sans doute la seule raison qui explique les absences de Milliman et Get Ready dans le double volet de The Call of Shiva. Oui, Indra est vraiment le Klaus Schulze de la Roumanie...
Sylvain Lupari (7 Juillet 2016) ****½*
Disponible au Indra Bandcamp
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