“Des séquences de rythmes créatifs dans les tons de Tangerine Dream des années 80”
1 The Impulses of Everyday Life 8:20
2 Dawn in Industrial Retreat 5:08
3 Secrets of the Old Garden 7:51
4 Gray March 9:14
5 A Trip to your Favorite Landscapes 11:36
6 Cold Morning by the Emerald Lake 11:36
7 The Stability of Time 9:58
8 Return to the Land of a Static Twilight 13:42
(CD(r)/DDL 77:27)
(New Berlin School)
J'ai toujours apprécié la musique électronique (MÉ) faite en Pologne. Il y a eu une belle éclosion qui fut inspirée par la Berlin School avec des musiciens imaginatifs qui ont su apposer une signature créative en détournant le genre vers des horizons plus cosmiques et plus dansables. Mais depuis la pandémie, on entend moins parler de la Pologne et des principaux artisans qui nous ont amené aux frontières de la Poland School. Et ce style n'est pas vraiment au diapason de ce premier album de Jarmodular sur le label Cyclical Dreams. Et ne partez pas sur une fausse piste, malgré le nom d'artiste du musicien-synthésiste Jaromir Ziętek sa musique n'a rien à voir avec celle de Jean-Michel Jarre. RETURN TO THE LAND OF A STATIC TWILIGHT (non, mais quel titre!) propose une MÉ créative construite sur une panoplie de rythmes, statiques comme aussi entraînant qu'un rythme électronique peut être, et de styles diversifiés. Nous sommes plus dans les territoires de la New Berlin School ici. Et peu importe le genre, Jarmodular privilégie un jumelage de percussions électroniques à un séquenceur en mode multilignes de rythme et n'hésite jamais à créer des écarts entre les nuances de rythmes et/ou à faire dribbler ses arpèges cadencés dans de toujours séduisantes structures de rythmes séquencés. La musique est enveloppée dans un environnement musical inspiré par les années Schmoelling de Tangerine Dream. On y entend ces harmonies évanescentes, ces pads de synthé métalliques qui brillent comme du métal transformé en lanières sonores et autres éléments attachés à ces années. Je trouve que le style du musicien polonais est aussi influencé par Robert Schroeder dans cet art de faire fredonner, je dirais même caqueter, certains effets sonores cadencés en séquences, comme ces bouts de rythmes qui surviennent de façon inattendue. Bref, il faut avoir les oreilles aux aguets puisque hormis les multicouches de rythmes, la musique de RETURN TO THE LAND OF A STATIC TWILIGHT regorge d'une multitude de tonalités qui surdimensionnent ses charmes et qui rendent sa découverte plus intéressante. Une autre très bonne parution du label argentin!
C'est pourtant avec une essence très Vangelis, genre Spiral et sa pièce-titre, que The Impulses of Everyday Life nous met les oreilles en appétit. Le son est peut-être moins gras, ça bourdonne tout de même assez lourdement, et moins réverbérant, mais la ligne de basses pulsations qui vibrionne ardemment qui entre dans nos oreilles en allume ce souvenir des années 70. Son axe légèrement circulaire et subtilement ascendant est soutenu par de sobres percussions, arrimant une lenteur à la vivacité du mouvement qui est enveloppé par des pads de synthé aux éclats grésillants. Nous sommes dans la pure tradition de la MÉ ici et ces courtes lamentations acérées du synthé nous rattache à cette belle période du musicien Grec. Dawn in Industrial Retreat met en relief une structure de basses séquences qui roule en boucles, créant un rythme statique qui monte et descend avec un léger décalage dans son entrain minimaliste. Ça donne un séduisant effet de remous boueux à cette structure qui par moments donne l'impression de chevroter. Un sentiment qui va aller en se solidifiant lorsqu'une texture de murmures paniqués se joindra aux éléments d'ambiances du titre. Et parlant ambiances, son décor est constitué de pads de synthé aux tonalités TD, surtout en seconde partie, et d'effets sonores brillant comme des étoiles qui scintillent et/ou trainent une poussière industrielle. Mais le plus gros de ce décor est rempli de ces filaments irisées dont les tonalités incandescentes sont comme des pointes d'une épée cisaillant délicatement le linceul sonore des ambiances du titre. Et ces différents effets ornent la majorité des titres de RETURN TO THE LAND OF A STATIC TWILIGHT. Secrets of the Old Garden propose une structure lente qui est en symbiose avec le sens du titre. Le débit avance sur des pas-de-loup dans une ambiance dominée par des ricanements et des murmures. Une belle nappe de brume recouvre cette fascinante procession qui est parfumée par une belle flûte aussi mystérieuse que délicieuse. La marche de Gray March est quasiment militaire avec une fusion entre les roulements de percussions et des battements du séquenceur. Une autre structure du séquenceur se greffe à ce rythme pour faire dribbler ses ions sauteurs, donnant ainsi plus de profondeur à une structure processionnelle dont l'environnement sonore, notamment les pads de synthé, sonne comme du Dream dans le temps de Logos.
A Trip to your Favorite Landscapes propose deux structures de rythme, une qui galope et l'autre qui bat avec une texture de percussions manuelles, sous ce brouillard incandescent dont la couleur métallique est toujours rattachée aux années Schmoelling de TD. Le clavier disperse des accords qui chevrotent, parfois ils caquètent dans un langage informatique, sur la nervosité du rythme ainsi que de courtes lignes d'arpèges dont l'approche de mélodie cadencée monte et descend, contrairement à l'effet statique du rythme. Un léger mouvement de staccato aide à mieux propulser le rythme qui s'active toujours sur le débit très articulé de ces percussions sonnant comme des mains qui tapotent sur des percussions du type bongos. C'est dans une atmosphère de Dark Ambient industriel que Cold Morning by the Emerald Lake fait entendre cette structure de rythme qui sautille et gambade en donnant l'impression de fredonner sur un air d'arbalète. Les éclats métalliques qui ceinturent la structure et les nappes de brume gothique sont à l'origine de cet aspect ténébreux industriel, tandis que le séquenceur dévoile une autre dimension dans l'art de faire dribbler ses arpèges sauteurs dont les deux lignes roulent en boucles dans une ambiance qui lance ces crachins sonores des années Hyperborea. Bien que le séquenceur structure un bon rythme de Berlin School ascendant, The Stability of Time nous amène à un autre niveau avec une texture de Jazz mélodieux sur un maillage du séquenceur, actif à faire dribbler ses ions sauteurs, et des percussions dont la vieille tonalité de cacane détonne avec la mélodie d'un piano aux notes fluides. Return to the Land of a Static Twilight me fait penser à du bon Peter Baumann, époque Trans Harmonic Nights. Sa structure est conçue comme celle de Gray March, mais avec des roulements plus rapides des percussions alors que le séquenceur tisse une ligne de rythme classique qui est en mode ascension. Cela donne une structure légèrement spasmodique qui convulse en sourdine sous les roulements des percussions qui ont l'ascendant sur le rythme de la longue pièce-titre. Une ligne d'arpèges fait rouler une mélodie dans un axe de spirale séquencée. Cette ligne et les percussions progressent en affichant plus de vélocité à mesure que les secondes s'évadent alors que le synthé injecte cette brume gothique avec un soupçon de voix chtoniennes, rappelant la dimension très Tangerine Dream des années Schmoelling dans ce RETURN TO THE LAND OF A STATIC TWILIGHT de Jarmodular. Et comme toujours, les dirigeants du label Cyclical Dreams ont le don de surprendre et de sortir un lapin de leur chapeau!
Sylvain Lupari (22/11/22) *****
Disponible au Cyclical Dreams Bandcamp
(NB : Les mots en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)
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