“Voici un album exotique vivant où les percussions enchantent dans leurs rôles qui façonnent de sauvages rythmes de danses locales”
1 Atlas 7:52
2 River Luccus 7:34
3 Thar 14:10
4 Blue Desert 5:28
5 Fez 5:53
6 Nouadibhou 12:47
Independant Release
(DDL 53:43)
(World EM)
Les amateurs de MÉ de styles progressives et/ou Berlin School ainsi que ses dérivés ont parfois les oreilles tièdes. On aime bien ces longues structures aux odeurs d'improvisations où les rythmes décousus par des séquences intuitives croisent des atmosphères d'éther bleuté qui nous amènent aux portes des rêves transitoires. Donc lorsque l'on apprend qu'une des valeurs sures veut nous amener aux frontières de la World Music, on a les oreilles qui grimacent. Et pourtant on ne devrait pas. DESERT DAWN est un album aux délicates incantations musicales berbères où les rythmes claniques tourbillonnent dans les échos des tam-tams aux peaux extrêmement tendues. Des rythmes de soie qui ne versent pas dans la techno ni ne l'effleure, donnant une musicalité exotique qui chante à travers les couches de synthés et de leurs siffles hybrides aux charmes des chaudes nuits arabiques.
Atlas nous invite dans les nouvelles fragrances musicales de Javi Canovas avec de délicats arpèges qui rêvassent sur un embryon rythmique animé par une ligne de basse incertaine et des percussions Tablas. Très harmonieux l'intro flotte dans des vapeurs oniriques avant d'être percuté par de solides percussions, frappées par des mains endiablées, et par une ligne de basse aux accords ronflants. Cette combinaison structure un envoûtant hip-hop arabique où enchante un synthé aux souffles charmeurs de serpents. Enflammé, Atlas offre un bon mélange de percussions aux tonalités éclectiques qui me rappelle un peu les ambiances rythmiques de Jean-Michel Jarre et de sa fameuse nuit égyptienne avec des percussions plus claquantes et une structure légèrement stroboscopique qui mord des ambiances claniques plus éthérées. River Luccus plombe nos oreilles avec un furieux rythme de folklore Antillais qui tournoie avec ivresse sur les souffles de synthé aux charmes des déserts de Gobi. Cette fusion de la World Music de DESERT DAWN atteint son apogée sur River Luccus avec une polka effrénée qui nous met le feu aux pieds sur des harmonies qui chantent à contre-courant. Délicieux et très entraînant! Thar propose ensuite une intro très méditative avec des notes d'une harpe chimérique qui errent dans des vents musicaux portés par la chaleur des déserts de Magreb. On y entend bien des tam-tams claniques tenter d'éveiller le rythme, mais les lourdes couches de synthé en masquent les pâles reflets rythmiques. Et c'est peu à peu que Thar embrasse les courbes d'une lascive danse clanique avec des tam-tams plus nourries et des accords de sitar qui aromatisent une danse bédouine enveloppée dans les suaves chaleurs d'un synthé aux mélodieux souffles arabiques qui ne peut contenir la lourdeur rythmique qu'embrasse Thar un peu après sa dixième minute.
Blue Desert amorce la deuxième partie de cette incursion de Javi Canovas dans les rythmes du monde avec une approche plus légère. Des notes carillonnées et des percussions Tablas tintent en harmonies, tissant un rythme finement brodé dans des filets entrecroisés que des flûtes arabiques caressent de douces harmonies tribales. J'aime bien Fez, alors qu'initialement il me laissait de glace. Son rythme est lourd et ronflant, comme sur Atlas, mais avec une enveloppe harmonique plus aérée où un piano y court et danse de ses notes de xylophone sous les souffles des flûtes qui n'ont pas quitté les tranquilles ambiances de la pièce-titre. C'est tout gentil et léger. Et les orchestrations sauvent la mise d'un titre qui serait fade sans cela. Nouadibhou est ce qu'il y a de plus près des territoires de MÉ conventionnelle avec sa délicate intro poétique où des poussières d'étoiles flottent dans de cosmiques vents d'éther. Les couches de synthé y ondoient paresseusement, libérant des souffles flûtés sur une dune cinématographique où traînent quelques battements de percussions égarées et des chapelets de séquences abrasives qui perdent tout sens du rythme dans ces intenses vapeurs d'iodes. Le rythme s'éveille vers la cinquième minute. Arqué sur des percussions aux timbres creux et des graffitis d'un xylophone aux tonalités d'enclume, il balance son tempo furtif comme une jambe pendant dans le vide, faisant chanter les flûtes de Babylone. Ce rythme aux premières apparences furtif épouse une tangente nettement plus bruyante avec une avalanche de percussions claniques qui font résonner leurs peaux carillonnées dans une langoureuse approche de valse tribale, là où chantent toujours ces flûtes charmeuses de serpents.
Comme quoi que l'on puisse être différent et rester bon! C'est ce qui me vient à l'esprit en écoutant ce dernier effort de Javi Canovas dont cette étonnante incursion dans les sphères arabiques s'écoute avec une facilité déconcertante. Sans embrasser les sentiers d'une musique techno aux rythmes troublants de la Turquie, DESERT DAWN est un vivant album exotique où les percussions enchantent dans leurs rôles prédominant sur les séquences, moulant des rythmes de danses locales endiablées. Les synthés sont discrets, certes! Ils tissent des harmonies berbères où les flûtes Arabes fouettent les brises cosmiques et les poussières des dunes, créant l'équilibre idéal pour un album aux charmes des mille-et-une nuits arabiques.
Sylvain Lupari (26/02/13) *****
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