“Voici une œuvre remarquable et un genre de compilation où Jarre donne une nouvelle étoffe à sa musique”
1 Ouverture (4:47)
2 Arpégiateur (6:54)
3 Equinoxe IV (7:49)
4 Jonques de Pêcheurs au Crépuscule (9:38)
5 L'orchestre sous la Pluie (1:29)
6 Equinoxe VII (9:55)
7 Orient Express (4:22)
8 Chants Magnétiques I (0:21)
9 Chants Magnétiques III (3:49)
10 Chants Magnétiques IV (6:49)
11 Harpe Laser (3:37)
12 Nuit à Shangaï (7:02)
13 La Dernière Rumba (2:11)
14 Chants Magnétiques II (6:26)
15 Souvenir de Chine (3:54)
Polydor – 811 551-2 (2 CD 78:53)
(French School and easy E-Rock)
En Octobre 1981, Jean-Michel Jarre
devient le premier artiste occidental à jouer en Chine depuis la mort de Mao Zedong. Cela a pris 2 ans de négociations avant que les autorités chinoises acceptent de voir le synthésiste Français débarqué chez eux. Les habitants de Pékin et Shanghai seront les privilégiés. Et près de 150 000 spectateurs ont assisté à cette fascinante fête musicale où Jarre et ses copains donnèrent 5 représentations électriques qui ont sidéré et les Chinois et les autres amateurs du musicien Français avec la sortie d'un splendide double album ainsi que d'une vidéo qui hélas a mal vieillie. LES CONCERTS EN CHINE clôture aussi un premier chapitre, nous ne le savions pas à l'époque, de la grande histoire de Jean-Michel Jarre; soit sa période pleinement analogue et cosmique.
Ouverture part le bal. On dirait une nouvelle adaptation de la deuxième partie de Chants Magnétiques, qui venait tout juste d'être réalisé, avec un rythme plus lent, plus bouclé qui enchante avec une richesse sonore insoupçonnée et des solos aigus d'un synthé aux touches nerveuses. On reconnaît à peine le titre. Arpégiateur, qui fait partie de la liste des titres inédits performés lors de cette mini tournée en Chine, suit avec une vague de pulsations séquencées qui roulent en boucles parmi des percussions et autres éléments percussifs, dont celles qui imitent un crotale secouant sa queue métallique. Bien installé dans sa base rythmique stationnaire, les battements séquencés deviennent enveloppés par des nappes de synthé remplies de tonalités cosmiques ou par des effets dramatiques tel que sirènes circulaires avant de tenter une approche plus Funk qui sautille sous des orchestrations. C'est un très bon titre qui aurait bien fait dans Chants Magnétiques. Les gros wooshh et waashh qui cernent l'introduction d'Equinoxe IV restent moins séduisants que son ouverture rythmique. Une très bonne interprétation un peu plus lente, mais plus en mode rock cosmique que sur l'album notamment avec l'ajout de vrais percussions martelées par Roger Rizzitelli, musicien de Space Art. Après cette pièce, nous avons droit aux premiers échantillonnages Polaroïd du voyage en Chine. Derrière un champs de voix chinoises, un touriste photographie tout ce qui bouge. On peut entendre son film photo s'enrouler dans son appareil-photo aux sons des flashes qui défilent à vive allure. Une harpe ouvre Jonques de Pêcheurs au Crépuscule. Doucement la musique devient une danse mythique chinoise arrangée par l'Orchestre Philarmonique de Pékin mais composée par le musicien français. Des nappes de synthé et des effets cosmiques viennent déposer un linceul électronique sur ce nouveau titre du répertoire de Jean-Michel Jarre qui est plus philharmonique qu'électronique. Mais ça demeure très bon avec des beaux passages émouvants. L'orchestre sous la Pluie est le penchant folklore français avec son parfum de troubadour heureux jouant de l'accordéon sur le bord de la Seine. Ce bref moment dévie sur une fascinante introduction partagée entre le philharmonique et l'électronique d'Equinoxe VII. Il s'agit d'un point fort ici avec cette foule chinoise qui scande et tape des mains d'une façon respectueuse et clandestine. C'est une belle adaptation qui est dans la lignée de l’interprétation d'Equinoxe IV. Cette lenteur nous permet de mieux discerner, et apprécier, le déroulement des effets sonores et la multitude de nappes et le formidable travail du batteur. La finale est ensevelie en sourdine par un chant de fête foraine ou un hymne national… C'est ainsi que se termine le CD1!
Orient Express ouvre le CD2. Cette autre nouvelle composition est dans le genre MÉ très commerciale avec un rythme entraînant et un synthé tisseur de mélodie qui se visse dans le fond de l'oreille. Le public chinois est conquis mais semble tout à fait méduser devant cette partie de ping-pong virtuelle qu'est devenu Chants Magnétiques I. Original et craquant, le titre se fond sur un échantillonnage d'une gare virtuelle et se dirige vers l'étonnante interprétation de Chants Magnétiques III , et finalement vers Chants Magnétiques IV. L'ajout d’une vraie batterie sur ces titres fait toute une différence. Et puis c'est au tour de Harpe Laser qui est plus fascinant de voir que d'entendre. À tout le moins dans LES CONCERTS EN CHINE. Cette courte intrusion dans le monde de l'irréalisme musical est suivie par des échantillonnages de la radio de Pékin qui fait les annonces sur les concerts de Jean-Michel Jarre en Chine. Autre titre inédit, Nuit à Shangaï déroule ses boucles de séquences analogues entre des lignes d'orchestrations saccadées et des morsures des frappes de percussions. L'illusion de mouvement en colère ou de rébellion est notable sur ce titre qui sent l'improvisation et qui est mordillé de bons solos de synthé. Des solos qui nous amène vers La Dernière Rumba. Par la suite, c'est la voix d'un présentateur surexcité présentant Chants Magnétiques II qui donne élan et enthousiaste à une interprétation correcte mais qui manque visiblement de ressources au niveau son et/ou enregistrement. De ce fait, la portion mélodieuse des synthés joue comme en sourdine. Mais peu importe, LES CONCERTS EN CHINE est un superbe album rempli de titres inédits qui sont tous très bons, comme Souvenir de Chine dont les nombreux échantillonnages n'arrivent pas à éteindre la vision très mélancolique de ce slow-tempo. Si pour Jarre cet album signifie le début d’un nouveau volet de sa carrière, pour ses fans c'est aussi le début d'une longue collection des concerts pharaoniques que le producteur du musicien français mettra sur vinyle, CD et pellicules pour le plaisir de nos yeux et oreilles.
LES CONCERTS EN CHINE est un incontournable. Une œuvre remarquable et un genre de compilation où Jean-Michel Jarre donne une nouvelle étoffe à ses pièces, avec le support d'un groupe de musiciens professionnels de qualité en Frederick Rousseau, Dominique Perrier, Pierre Mourey et Roger Rizziteli ainsi que de l'Orchestre Philarmonique de Pékin. Si le son à ses lacunes, le niveau des titres et la complicité entre musiciens arrivent à nuancer ce léger problème. Un souvenir intemporel que j'arrive toujours à écouter avec plaisir quelques 25 ans plus loin mais qui aurait besoin d'une vraie bonne remasterisation. Tant au niveau sonore que visuelle. Un incontournable pour les fans de Jarre et une très belle façon de découvrir tout le talent de ce diplomate de la culture française.
Sylvain Lupari (28/10/2006) *****
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