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Writer's pictureSylvain Lupari

JEAN-MICHEL JARRE: Oxygene (1976) (FR)

“Un immortel, un classique de la MÉ qui année après année attire des nouveaux adeptes vers le genre”

1 Oxygene Part I 7:40 2 Oxygene Part II 8:08 3 Oxygene Part III 2:54 4 Oxygene Part IV 4:14 5 Oxygene Part V 10:23 6 Oxygene Part VI 6:20 Polydor Dreyfus  800 015-2

(CD 39:47)

(Cosmic French School)

En 1976, la Musique Électronique atteint des nouveaux sommets harmonieux. Klaus Schulze produit l'énigmatique Moondawn, Ashra ouvre de nouvelles dimensions avec l'incontournable New Age on Earth, alors que Tangerine Dream séduit encore plus la presse underground, et ses fans, avec le superbe Statosfear. En France, Jean-Michel Jarre travaille méticuleusement sur le même projet, qui a pris racine dans l'ombre de Deserted Palace, depuis bientôt 2 ans. OXYGENE! Très à l'aise avec le synthétiseur EMS VCS3, il crée une banque de sons, d'échantillonnages sonores qui allaient réunir des éléments de la Terre (vagues, cris de sternes, bruits de train, etc.) à un univers intergalactique superbement recréé pour l'époque. Le résultat allait secouer l'univers musical! L'arrivée de OXYGENE est une onde de choc dans les sphères très progressives de ce qu'on appelait déjà le Berlin School dans les années 70. Plus qu'un tournant dans l'histoire de la musique moderne, OXYGENE marque une époque. Au-delà de la netteté de sa sonorité et des effets d'une stéréophonie réinventée et audacieuse, Jarre réussi à souder des mouvements de rock cosmique assez planant à des hymnes commerciaux qui accrochent un nouveau public année après année, et encore aujourd'hui. Même ma Lise, qui ne s'intéresse pas à la musique, a reconnue Oxygene Part IV dès qu'elle l'a entendue. Les rythmes entraînants et les mélodies accrocheuses ont pris d'assaut les stations de radio et de télévision qui ont trouvé un nouvel emblème musicale pour les bulletins de nouvelles, les émissions scientifiques, les bulletins de la météo et bien d'autres choses. Classique intemporel, OXYGENE, de même que Equinoxe, est vite devenu une œuvre de référence pour tester aussi la précision et la qualité sonore des chaînes hi-fi. Tiré à plus de 15 millions d'exemplaires, il est la preuve ultime qu'il y a de la place pour une musique électronique progressive et commerciale.

Timidement les premières notes de OXYGENE flottent dans une ambiance spatiale. Le mouvement est lent avec de belles nappes d'une tonalité encore vierge du synthétiseur et des sons que Jarre a modelé selon son imagination et sa vision musicale d'un cosmos intersidéral. On y est! Juste avec un peu d'imagination, nous dérivons parmi ces étoiles et humons la noirceur du cosmos. Les nappes de synthé signent des tracés zigzagants avec leurs violons chimériques qui nous font valser hors des limites terrestres. Ces nappes philharmoniques font tinter des bulles cosmiques et autres effets sonores d'une autre dimension qui deviendront la source d'originalité du fils de Maurice Jarre. Elles allument de longilignes filaments aigus qui chantent à travers de ce qui semble être des Ondes Martenot. Ces chants d'une autre dimension font lever les poils du dos avec une acuité plus poignante que spectrale. Et nous dérivons paisiblement vers les territoires de Oxygene Part II. Déjà, le ton change! Le ton des accords est menaçant et l'intensité des ambiances galope à dos d'étoiles et pousse le clavier à signer le premier hymne électronique de la collection Jean-Michel Jarre. Cette mélodie rythmique est entraînante et affronte ces wooshh et ces waashh, ainsi que ces percussions qui sortent comme des jets de vapeur nébuleuse, qui sont un mélange de vagues et des brises et qui orneront bien des décors cosmiques au fil des ans. La masse de sons est toujours instable et nous guide vers Oxygene Part III et son niveau d'intensité aussi vibrant qu'austère. Les arpèges résonnent avec un soupçon de frayeur dans son étiolement sonique, alors que le synthé hurle avec une panoplie de spectres qui hululent de leurs voix glaciales.

Qui ne connaît pas Oxygene Part IV? Des tons égarés de la Face A cherchent un chemin de retour avec les ambiances de Oxygene Part IV. Des wooshh et des waashh et des vagues intersidérales reviennent fouler les berges sur une planète éloignée. Et crikkk, Oxygene Part IV prend son envol avec une structure un peu plus vivante que ce qu'on nommerait le down-tempo plus tard et surtout ce maillage de percussions électroniques et de queues de crotales qui soutiennent une véritable mélodie électronique sifflotée par un synthétiseur. C'est le premier succès commercial de Jarre et le premier titre de MÉ moderne à tourner en boucles sur les radios AM, comme un certain Popcorn qui a été popularisé par Hot Butter en 1972. Le rythme est cerné par un fascinant dialogue des synthés et cette voix de Gargouille remplie d'eau. Ce superbe ver-d'oreille se perd dans les dédales de l'énigmatique Oxygene Part V. Énigmatique parce que sa première partie est d'ambiances avec un concerto pour synthé et ses chants perdus dans les immenses solitudes du cosmos. Près de 4 minutes plus tard, le rythme se fait entendre par l'arrivée d'une chorégraphie entre arpèges et oscillations qui se livrent tout un duel en stéréo. Les percussions claquent autour de ces échanges qui finissent par séduire les nouveaux fans peu adeptes des structures ambiantes. Le plaisir auditif est à son comble sur cette structure très relevée et qui témoigne du travail de moine de Jean-Michel Jarre afin de garnir sa banque de sons qui servira à Equinoxe. Ce sont les remous et le vagues d'eau astrale qui ficelle Oxygene Part V à la finale d'OXYGENE; Oxygene Part VI. Une légère surprise ici avec une approche plus terre-à-terre et sa rumba électronique qui est plus près d'ici que du Cosmos.

OXYGENE repousse les frontières de la MÉ en imposant un style tout autant créatif que commercial. Le défi est lancé et donnera plusieurs émules du synthésiste Français ainsi qu'à une génération de musiciens qui allaient démocratiser la Musique Électronique avec une touche qui est à l'image du cinéma de France. C'est la naissance de la French School.

Sylvain Lupari (11/10/06) *****

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