“Rendez-vous est et sera un grand album victime de mauvais timing et qui est et sera le grand oublié de la carrière de Jean-Michel Jarre”
1 First Rendez-Vous 2:54 2 Second Rendez-Vous 10:55 3 Third Rendez-Vous 3:31 4 Fourth Rendez-Vous 3:57 5 Fifth Rendez-Vous 7:41 6 Last Rendez-Vous 6:04
Disques Dreyfus 826 864-2
(CD/Spotify 35:03)
(Orchestral and Cosmic E-Rock)
Après l'incroyable Zoolook, Jean-Michel Jarre fait un pas en arrière pour revenir à un style analogue sur du digital. Si à cette époque l'effet était pompeux et pharaonique, il n'en demeure pas moins que RENDEZ-VOUS est devenu un album qui a souffert de l'érosion du temps. Comme quoi l'analogue ne se falsifie pas! Ce 5ième album studio du synthésiste Français atteint à peine la barre des 34 minutes, mais en revanche la musique vit de ces ambiances stylisées par des collages évocateurs et historiques ainsi que des arrangements orchestraux qui en ont déboussolés plus d'un.
Des pulsations vaporeuses initient les souffles du Premier Rendez-Vous. Des notes flottent avec une discrète harmonie sur un mouvement atonique. Des strates synthétisées entrecroisent leurs étreintes avec des nappes de mellotron aux essences violonées, oscillant et se berçant dans un néant glacial avec toute la sérénité placide d'un sombre cosmos. Ce Premier Rendez-Vous n'est qu'une mise en scène pour introduire la pièce épique de RENDEZ-VOUS, Deuxième Rendez-Vous où des synthés aux sirènes rotatives et aiguës secouent cette froide mer de tranquillité spatiale. Une deuxième ligne identique prend forme et concoure à ce mouvement bicéphale riche qui progresse avec lourdeur sur de bons arrangements orchestraux et d'intenses chœurs juvéniles, ajoutant une dimension austère à une musique pourtant explosive. La musique épouse une marche processionnelle avec des pendules sonores qui se balancent dans la rage des orchestrations dont les saccades militaires laissent leurs lourdes empreintes dans mes oreilles. Au sommet de son art, Jean-Michel Jarre fait virevolter ses lames de synthés parmi des effets analogues qui décoraient les ambiances cosmiques de ses 3 premiers albums. Il les fait tournoyer à travers de furieux solos, des couloirs musicaux aux identités impaires et sa fameuse harpe laser qui se mesure à la vétusté des cordes de violons. Ce titre était de la dynamite compressée et un classique de plus aux coffres du musicien Lyonnais. C'est la harpe laser qui initie Troisième Rendez-Vous. Sa première note étend un rayon de bourdonnements. Une à une, ces notes tombent et leurs résonances stimulent une mélodie fantôme d'une tristesse implacable.
Quatrième Rendez-Vous est le premier titre de la Face B, et c'est l'hymne électronique de cet été 86. La musique débute avec de lointains effets sonores aux tonalités de criquets éructant. Géniaux, ces effets se fondent à des percussions et de délicieux effets de tonalités de queues de crotales. Leurs claquements d'acier soutiennent un rythme légèrement pulsatif qui est en croissance sur cette ligne de rythme ascensionnelle. Les synthés éparpillent de superbes harmonies qui épousent cette structure de rythme accrocheuse, tissant même une fascinante symbiose qui fait tout le charme de Quatrième Rendez-Vous. Un peu d'ambiances et le rythme revient avec ces cris de sirènes que j'ai entendus plus tôt et cette candide mélodie qui tourne en boucles dans mes souvenirs. C'est bon et entraînant. D'accord ou pas, Quatrième Rendez-Vous a marqué le marché mondial avec ce mélange incestueux des rythmes et refrains bonbons, naïfs et innocents, teintés par un étonnant jeu de percussions et de superbes effets percussifs. C'est un titre dont on ne compte plus les remixes et reprises et qui s'inscrit dans les grands classiques de Jarre. Au même titre qu'Oxygene IV. Cinquième Rendez-Vous est un fascinant carrousel rempli de lignes zigzagant comme des âmes ivres parfumées par des chants de spectres. Un chœur de névrosés et des harmonies semi complètes tournoient dans un beau collage d'échantillonnage provenant d'un des premiers disques de Jean-Michel Jarre, Musique pour Supermarché. La musique plonge dans une phase plus ambiant-cosmique, s'alliant à une genre de schizophrénie musicale qui démontre toute l'ingéniosité du synthésiste Français à façonner des mélodies et rythmes fragmentés dans des structures qui semblent improvisées. Dernier Rendez-Vous est un titre qui devait marquer l'histoire et qui l'a marqué mais d'une toute autre façon. Dédié à l'astronaute Ronald McNair, il devait être la première pièce musicale à être enregistrée entre l'espace et la terre. Malencontreusement la navette Challenger explosait au départ, reléguant cet ambition projet aux calendes grecques. C'est un beau titre touchant, imprégné d'une douce et amère mélancolie dont le doux rythme pulse sur les battements de la vie et les ambiances respirent par un saxophone soufflant une mélodie enrobée d'un synthé aux couches effacées.
Le problème de RENDEZ-VOUS est qu'il soit apparu après Zoolook. L'approche philarmonique semble être la nouvelle étape de Jean-Michel Jarre. Sauf que le contraste entre ces deux albums, tant au niveau du son que de la créativité artistique, est trop frappant pour éviter le terme frappant! Il n'est pas mauvais comme tel, c'est une question de timing! Car après Zoolook, RENDEZ-VOUS semble anémique et atonique alors que c'est tout le contraire. Riche, mélodieux et enveloppant! C'est un excellent album, orné d'un méga-hit qui malheureusement lutte toujours contre l'emprise des ans. Dommage, car c'est le grand oublié de la carrière du musicien de Lyons.
Sylvain Lupari (18/11/2006) *****
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