“Un brillant coup de génie. Point!”
1 Ethnicolor 11:40 2 Diva 7:35 3 Zoolook 3:42 4 Wooloomooloo 3:18 5 Zoolookologie 3:50 6 Blah-Blah Cafe 3:20 7 Ethnicolor II 3:53 Dreyfus Records 824 750-2
(CD 37:18) (Ethnic and world e-music)
Avec ZOOLOOK, Jean-Michel Jarre transcendait le monde merveilleux de la Musique Électronique pour démontrer que son potentiel exponentiel était toujours à l'état fœtal. Plus qu'avant-gardiste, l'utilisation massive d'échantillonnages de voix, on parle ici de 25 formes de langages qui ont été découpé et recollé afin de servir de bases de rythmes autant que d'ambiances, a dépassé tout ce qui a jamais été fait et a surpris toute l'industrie de la musique en 1984. Et si je me souviens bien, même son père, qui est le célèbre compositeur de musique de film Maurice Jarre, a été très impressionné par cette nouvelle étape de l'art pour les oreilles. Ainsi, pour réaliser sa fresque sonique expérimentale, Jarre a multiplié les échantillonnages de différentes voix humaines enregistrés au cours de ses nombreux voyages dans les quatre coins de la planète. Et pour humaniser cette musique, Jarre s’entoure d’un vrai groupe et brise sa coquille de solitude pour faire émerger une nouvelle folie musicale qui le conduira à de gigantesques concerts en plein air où des millions d'œil et d'oreilles seront marqués à jamais par cet étrange Français.
Les premières lignes de Ethnicolor sonnent comme des barrissements d'éléphants électroniques et m'amènent au paradis des mangeurs de tons. Des sons de mammouth rugissent parmi les voix déformées d'un dialecte remodelé où la voix merveilleuse de Laurie Anderson apaise l'inquiétude dans cet océan de tutt. Flottant et ondulant, ce premier mouvement ambiosonique se faufile entre ces effets vocaux et des coups de percussions dramatiques éparses. Ces percussions résonnent dans une phase semi ambiante et semi rythmique dont l'intensité augmente continuellement, jusqu'à s'accrocher à une ligne de rythme croissante qui hoquette de ses voix organiques alors que la basse ronfle. Elle crache son venin lorsque le rythme devient de violence statique et que les voix chevrotent. Était-ce les premiers pas du hip-hop? En tous cas, ce rythme prend son énergie sous les morsures de la basse et les coups de percussions. La batterie de Yogi Horton est vicieuse et chaque frappe brise le rythme avec force sur un tempo organique saccadé et nerveux alimenté par une basse vicieuse de Marcus Miller. Ethnicolor change pour une troisième peau qui s'engouffre dans un tourbillon, donnant naissance à un solide rock électronique aussi entraînant que ces effets orchestraux qui volent à la vitesse du temps. Ce sont 12 minutes de pure magie et un chef-d'œuvre qui vaut à lui seul l'achat de ZOOLOOK. J'ai lu quelque part que Diva, tout comme Blah Blah Café soit dit en passant, provient des sessions d'enregistrements de l'album Musique pour Supermarché. Ces trois premières minutes baignent littéralement dans les ambiance d'une grotte où l'eau tombe du plafond. Ces gouttes d'eau, les cliquetis d'une horloge sans heures et des voix enfantines deviennent les complices des étranges murmures de Mme Anderson. Le rythme qui vient est un croisement entre un Funk expérimental et un Hip-Hop futuriste dont le charme principal réside dans ces couches de voix hallucinantes de Laurie Anderson. La basse et la batterie, de même que la guitare discrète d'Adrian Belew, et les échantillonnages de voix s'occupent de rendre le rythme lourd et, au final, plutôt entraînant. C'est un morceau de musique fait pour une diva avant-gardiste. Et cela convient très bien à Laurie Anderson.
La pièce-titre est sauvage! Je ne connais personne qui n'aime pas ce rythme vicieux qui se fait marteler par de puissantes percussions. Entre du rock et de la musique de danse, Zoolook est ce genre de titre qui accroche tout de go, même si les hymnes de danses modernes ne sont pas notre tasse de thé. La texture et la section rythmique sont hallucinantes avec cette technique de DJ qui jeu avec sa platine afin de créer ces tshack-tshack-tshack ...Du Kraftwerk sur dope! Et cela arrachera la peinture de vos murs. Zoolookologie est la même veine. C'est le hit commercial de cet album et le jeu de la basse et des percussions est tout simplement entraînant. Ces deux titres ont connu d'intéressants remixes et version allongées. Blah-Blah Café qui est un autre titre animé avec une ligne de basse qui fait sauter ses accords avec la complicité des percussions. Ici comme partout dans ZOOLOOK, le rythme a cette dimension improbable qui séduit autant que nous entraîne à faire danser nos pieds. Les arrangements et les échantillonnages de voix, et aussi de café qui coule dans un verre, sont brillants à un point tel qu'on ne sait même pas si c'est effectivement le synthé qui numérise ses harmonies. Parfois, ses solos sont uniques et reconnaissables. Wooloomooloo et Ethnicolor II sont deux autres titres courts où les ambiances se mêlent à ces effets électroniques et ces structures de rythmes construites sur des effets vocaux. Et Ethnicolor II a très peu à voir avec le superbe Ethnicolor.
ZOOLOOK est un chef-d'œuvre d'audace! Après 3 albums où il a réinventé la MÉ cosmique en le rendant plus mélodieuse et plus vivante, Jean-Michel Jarre ressent le besoin de faire les choses différemment. Et ce changement est significatif, car il a ouvert les portes à un nouveau type de MÉ où la techno et la musique spatiale pouvait maintenant unir leurs différences. C'est la naissance d'une techno plus intelligente et plus progressive qui engendrera plusieurs formes des années plus loin. De toute évidence, les fans de la première époque ont été déçus. Moi-même, j'ai paniqué lorsque j'ai entendu les rythmes de danse. Sauf que Jean-Michel Jarre à été brillant en construisant une texture sonore qui irradiait de ses mille feux après chaque écoute, mettant au défi notre système hi-fi, en tout cas le mien, où la découverte de chaque nouveau mystère sonore amplifiait cette joie de redécouvrir ce ZOOLOOK, année après année.
Sylvain Lupari (19/01/10) *****
SynthSequences.com
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