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Writer's pictureSylvain Lupari

JOHANNES SCHMOELLING: 21 (2021) (FR)

21 coule bien avec ses différences entre rythmes, mélodies sous d'énormes solos

1 Philosophical Robots (& Andreas Merz) 8:28

2 Against the Courtiers (& Kurt Ader) 5:45

3 House of Mirrors (& Jonas Behrens) 6:08

4 Outer Limit (& Lambert Ringlage) 8:11

5 Spun Sugar (& J. Froese) 9:13

6 Escape Plan (& Kurt Ader) 5:59

7 Swordplay (& Robert Waters) 8:34

8 Reflections (& Andreas Merz) 5:47

9 Old Days (& Jonas Behrens) 5:44

(CD 63:49)

(E-Rock, Melodic & New Berlin School)

La carte de visite, 20, avait de quoi attiser la curiosité de milliers de fans de Johannes Schmoelling et de son passage avec Tangerine Dream. Et contrairement à son E.P., 21 fait plus un survol de la mythique carrière en solo de Johannes avec de beaux flashes sur ses moments avec le Dream. Étendu sur 9 titres liés à 6 collaborations pour un total de 64 minutes de musique conçues dans l'intimité des relations artistiques entre lui et Andreas Merz, Kurt Ader, Jonas Behrens qui ont tous co-écrit 2 titres, alors que Lambert Ringlage, Jerome Froese et Robert Waters ne sont présents que pour un titre chaque. Avec 6 artistes invités, les autoroutes musicales de 21 ne pouvaient que proposer une plus grande diversité rythmique et de plus grandes visions harmoniques sur autant d'arrangements.

J'entends bien un chat miauler! C'est une introduction en douceur, à la Pink Floyd genre Wish you were Here, qui fait planer Philosophical Robots dans les sphères de la MÉ progressive. Une beau 2 minutes atmosphérique avant que le séquenceur se mette à courir plus vite que le rythme des basses séquences. Eh oui, il trébuche! Et fait entendre un dribblage à la Chris Franke à plus d'un endroit. Le rythme est purement électronique et flirte avec quelques options pour revenir à sa base et à des arrangements de brume orchestrale. Si le rythme charme, la mélodie nous visse à nos écouteurs. Divisée en deux entités dans un pattern qui fait très JS, elle est d'abord sculptée par un clavier et repris par le synthé qui la sifflote afin de bien l'enfoncer dans les oreilles. C'est d'ailleurs après ce sifflotement que le titre plonge dans sa phase atmosphérique pour redevenir comme à son origine. Finalement, le 3ième changement d'orientation l'amène encore plus loin au niveau artistique. C'était la première fois que j'entendais un titre co-signé avec Andreas Merz qui aime expérimenter sur des structures plus Jazz. Reflections est l'autre titre et c'en est un foutu de bon! L'ouverture est pimpante avec une structure de stop-n-go d'où s'échappe à la candide mélodie d'une ligne d'arpèges. Le titre est en constante mutation et prend des directions tout à fait imprévues en gardant une parfaite balance entre son rythme sec, et parfois brutal, ainsi que les mélodies qui sont tantôt innocentes et autre fois arrogantes. Ces deux titres amènent un vent de renouveau dans le concept de 20 et 21. C'est au tour de Kurt Ader de nous proposer deux titres qui ne tirent pas nécessairement dans les mêmes visions que sur Kaleidoscope. Against the Courtiers propose une fascinante texture d'ambiances avec un sabot déambulant dans des brumes nébuleuses. Le synthé multiplie des harmonies évasives aux parfums de Vangelis qui vont de pair avec la progression d'un rythme fantôme et de son compagnon aux harmonies prismatiques. La seconde phase propose un mouvement plus fluide, mais pas pour autant rythmique, du séquenceur conçu pour les harmonies bucoliques du synthé. On retrouve ces ambiances nébuleuses avec Escape Plan, l'autre titre avec KA, qui est une lente procession se déroulant dans un contexte futuriste. J'aime l'effet organique d'un rythme qui se développe, comme ces lignes de piano parfois triste et en d'autres moments intrigantes. Le titre croisse avec son intensité atmosphérique qui ne va pas plus loin qu'une musique de cinéma.

Les saveurs champêtres dans les solos de synthé acuités de Against the Courtiers survolent aussi la timide évolution rythmique de House of Mirrors, composé avec Jonas Behrens, qui continue d'accroitre le pas sous des solos aux teintes plus près des années de Johannes avec le Dream. Des solos qui éveillent une rythmique sonnant comme des dizaines de pas sur un champs de bataille musical avant d'aboutir en un bon é-rock imaginé dans de bons arrangements. Les solos, et leurs teintes pleureuses, sont superbes sur ce titre qui mérite plus que deux écoutes😉.Old Days suit très bien cette complicité entre Schmoelling et Behrens au niveau des harmonies dirigées par un clavier aux arpèges souvent limpides et parfois opalescents avec un bouillon d'ombres. Une première euphonie rythmique précède un rythme soutenu, sautillant sous une harmonie d’un genre bucolique soufflée par un synthé qui accumule ses airs acuités. Érigé sur les variances du séquenceur, Old Days traverse ses phases rythmiques avec une vision parfois prismatique qui finie toujours par tisser ce lien avec la majestuosité des solos de synthé qui sont littéralement le pain et le beurre de Old Days. Nous arrivons dans le cœur de 21 avec Outer Limit, un titre composé avec Lambert que j'attendais avec impatience. Et je n'ai pas été déçu. Après un 80 secondes d'une immersion atmosphérique dominée par des effets de synthé, des cris de chauve-souris mécaniques et bercée par un piano mélancolique, un rythme hésitant laisse tomber sa timidité pour structurer un Berlin School ambiant. Le mouvement ascendant du séquenceur se balance comme un ballant intemporel où se greffent des riffs de clavier, personnifiant ce train fantôme qui ne connait qu'une gare : THE END. Entretemps, des ondes de musique enveloppent ce rythme dans une brume reposante d'où s'échappent les premières distorsions sonores et un filet rythmé qui sonne comme le séquenceur de feu Edgar Froese. On entend aussi sa guitare rugir dans ce firmament qui fait exploser ses percussions. Le rythme n'arrive même pas à nous chuchoter son existence que les solos de synthé remplissent le firmament de Outer Limit. Tout un titre!

Un autre titre que j'attendais était Spun Sugar, écrit avec la collaboration de Jerome Froese. Et là non plus, vous ne serez pas déçu. Superbement musical, l'ouverture me fait penser aux majestueuses mélodies de Shiver me Timbers, un album de Jerome sorti en 2007. La structure propose un séquenceur aussi impatient que dans Philosophical Robots et qui nous rappelle qui nous rappelle l'esprit de 20 et 21 avec des harmonies et parfums du Dream des années Hyperborea. Le chamaillage des percussions et du séquenceur atteint une première phase de mutation après la 4ième minute où Jerome fend nos oreilles de solos de guitare rageurs alors que tranquillement Spun Sugar se dirige vers un bon rock électronique pour se conclure dans une belle ballade cosmique avec des arpèges scintillants et dociles, rappelant ce fragile équilibre émotif de Shiver me Timbers. Oui, un excellent titre libre de toutes attaches qui voyage beaucoup pour ses 9 minutes. Nous avons 2 intros dans une avec Swordplay! Une cinématographique et dramatique avec une intensité tranchée sec et net à la 40ième seconde. Et l'autre tout de suite après avec un séquenceur actif qui fait courir ses ions pour les faire trébucher et dribbler dans une structure de rythme statique où s'accroche un banc de mélodie. Composé avec Robert Waters, Swordplay propose pas loin de 4 mutations sur son parcourt de 8 minutes et plus. Si le débit du séquenceur était vif, il est plus sourd dans la seconde phase du titre qui s'accroche à de bonnes percussions afin de supporter une mélodie tout aussi effacé mais dont les dernières syllabes du synthé nous colle aux tympans. La phase rock donne accès à un synthé qui tisse de beaux solos dans un rock théâtrale dont la grandiloquence s'atténue avec une finale pas encore fixée sur son socle. Voilà un autre titre qui mérite plus que trois écoutes😉!

Il est pas mal plus difficile d'orienter 6 musiciens autour de 9 titres que 3 pour 4 titres. C'est un peu ma conclusion de 21 qui souffre de cette dimension plus hétéroclite autour du projet de Johannes Schmoelling. D'où l'importance de la sélection et de l'ordre des titres! Parce que 21 coule très bien avec ses différences dans les visions des co-auteurs, et entre ses rythmes, ses ambiances et ses mélodies bien cimentés par des solos de synthé toujours au sommet de l'art de la MÉ. Il y a des bons moments qui accrochent instantanément dans cet album, comme il y a des moments plus complexes qui demandent plus qu'une écoute. Mais le cœur est fort! Très fort…

Sylvain Lupari (25/07/21) ****½*

Disponible chez Viktoriapark Records

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