“Une œuvre majeure et intense que même Tangerine Dream n'a jamais égalé depuis le départ de Johannes Schmoelling”
1 Matjora is Still Alive 5:01
2 Zeit (For Stephan) 6:38
3 Kneeplay No. 9 4:00
4 Walking on Wooden Legs 3:58
5 Wuivend Riet Part I 6:20
6 Wuivend Riet Part II 12:49
Erdenklang IRS 971.160
(CD/Spotify 38:46) (V.F.)
(Progressive Berlin School)
Le départ de Johannes Schmoelling a été une onde de choc pour les amateurs de Tangerine Dream. Car depuis qu'il avait joint le duo Franke-Froese, la musique de Tangerine Dream devenait plus accessible et plus mélodieuse sous ses couverts de complexité. Et c'est exactement ce que nous retrouvons sur son premier opus solo. Enseveli sous une faune d'échantillonnages qui multiplie les effets de voix distordues, de bruits iconoclastes provenant autant d'une jungle ou d'un univers d'abstractions et finalement d'un macro-univers organique, WUIVEND RIET est, et de loin, son plus grand album et celui qui se rapproche le plus de ce qu'il faisait avec Tangerine Dream.
Matjora is Still Alive débute avec une intro vaporeuse. Une ligne de basse furtive structure un battement qui répond de son écho. De fascinants effets de voix et une nappe finement saccadée infiltrent cette brumeuse électronique alors que le piano étend une succulente ligne mélodieuse qui fait tout un contraste avec les ambiances que l'on peut tellement interprétées de différentes façons dans ce titre qui deviendra un classique dans le répertoire de l'ex-membre de Tangerine Dream. Zeit (For Stephan) nous met en contact avec la luxuriante faune tonale de WUIVEND RIET. Son ouverture est tissée dans une faune sonore surréaliste où des froissements de métal que l'on mâche forment un séduisant appel à la concentration. Sans rythme précis, mais dans un boléro qui allie son intensité une plus grande floraison tonale, la ligne de basse séquences nous dirige vers un paroxysme qui explose dans un ensorcelant ballet où la belle étend son dernier souffle dans un tumulte percussif. Brillant! Un autre classique qui manquera cruellement de punch lorsqu'interprété en concert. Mais l'important, est de l'avoir ici. On ne s'ennuie pas de Tangerine Dream, même si Kneeplay No. 9 propose une approche nettement plus classique avec un petit penchant pour du Free Jazz. Schmoelling est brillant au piano dans ce titre hyper-mélodieux! La démarche bizarre de Walking on Wooden Legs est tout simplement géniale dans son enveloppe d'échantillonnages de voix bizarres. Cet autre brillant titre nous amène au classique des classiques de Johannes Schmoelling.
Dès que nous entendons les premières lignes de Wuivend Riet, nous savons que nommes en plein territoire des longues explorations musicales de Tangerine Dream. Sur Wuivend Riet Part I, il exploite les sons de la nature avec une assurance percussive qui frise l'ingéniosité d'Hyperborea. Certains effets dans Zeit (For Stephan) nichent ici et nous plongeons dans une jungle surréaliste avec des échantillonnages de batraciens, de singes et d'une généreuse faune aviaire dont un oiseau-moqueur très efficace aiguisent leurs chants sur les symétries des danses spirituelles. Sillonnant les imperfections du sol, une ligne de basse rampe et joint son chant nasard aux coassements des oiseau-moqueurs dans une ambiance enivrante assez difficile à décrire, mais délicieuse à subir. Le rythme boitillant, Wuivend Riet Part I nous amène vers une phase d'ambiances que nous avons connus lors de soirée entre copains où mous essayons certaines drogues dans un champs inondé de criquets. Les voix de nos amis nous semblaient lointaines et étouffées. Exactement comme dans la finale de cette première partie où la vois difforme d'Hans Bosch récite un poème avec une voix venant de l'outre-tombe. Wuivend Riet Part II s'élève avec la magnitude de sa complexité. Intense et dramatique, les synthés soufflent un appel symphonique vers un monde de perditions. Un monde qui croule, qui semble immobile. Dans cette atmosphère dense, ils illuminent avec des chants spirituels qui s'élèvent comme des trompettes de l'espoir. Un dense voile atmosphérique saisit l'ouverture en injectant un climat de menace avec une onde de basse qui étend son tapis brumeux. Des sifflements virginaux poussent des harmonies étouffées par le tumulte des barrissements d’éléphants difformes et de lignes d’un synthé explorant la jungle de son regard giratoire. Des effets de percussions martelées sur un xylophone anime une nervosité toute fragile. Et bang! La 8ième minute nous amènes au point culminant de Wuivend Riet Part II et de ce premier album solo de Johannes Schmoelling, dévoilant des lignes harmonieuses qui entrecroisent leurs différences dans un tumulte percussif d'une intensité à donner la chair de poule. Une œuvre majeure et intense! Une œuvre que même Tangerine Dream n'a jamais égalé depuis le départ de Johannes Schmoelling.
Sylvain Lupari (22/08/04) *****
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