“Une expérience qui vous sortira les tympans de vos oreilles assoiffés de l'entendre à nouveau”
1 Occam's Razor 8:28
2 Glis Glis 8:56
3 Russell's Teapot 27:04
(CD/DDL 44:29)
(Industrial Berlin School)
Faut donner ça à Ron Boots! Il n'a pas son pareil pour sortir un lapin de son chapeau. Et le dernier en lice est ce GLIS GLIS de John Christian, membre du célèbre trio AirSculpture. La dernière fois que j'ai entendu du John Christian était avec le sombre Dark Matters. Par contre on observe sur son site Bandcamp qu'il a produit 3 autres albums depuis, que je n'ai jamais entendu, tout en étant actif au sein de AirSculpture jusqu'au dernier album Metal Adjacent paru en 2019. Il n'est pas faux de penser que la période de confinement mondial ait ralenti les activités de AS, tandis que JC réalisait son album-confinement avec Elastic Stochastic, un album un peu plus expérimental. Un album sur Groove nl signifie une vitrine exceptionnelle pour cet artiste dont le talent dépasse les frontières de son trio. Mais de quoi est fait GLIS GLIS? Hum…Et après une 5ième écoute, si je vous disais que c'est le plus bel album de Berlin School cette année.
Les 2 premiers titres sont de très bons hors-d'œuvres musicaux. Occam's Razor débute avec ces lames de synthé couvertes de métaux qui s'entrechoquent afin de créer une masse tintamarresque métallique d'une froideur à faire crisper mes tympans. Un mouvement ascendant du séquenceur nous en délivre même pas 1 minute plus tard. Puissant et vif, ce rythme oscille sous les résidus radioactifs de ces glaives introductifs, structurant un Berlin School qui fait vibrer ses séquences et fait chanter les cymbales. Monte et descend, avec une colère attaché à sa fureur, le séquenceur invite un complice afin de bien marteler ce rock électronique courant sous une pluie de solos de synthé. Ces percussions changent la donne, déjouant cette rythmique minimaliste et hypnotique avec des frappes bien insérées. Là où le séquenceur articule sa vitesse! Superbe et étourdissant dans ce furieux Berlin School, Occam's Razor n’'offre que du bonheur. La pièce-titre s'amorce aussi dans un tintamarre. Plus industriel cette fois-ci, avec le poids de tout le métal qui se crispe de douleur, il exaspère ma patience dans une fusion de Richard Pinhas et Georges Grunblatt du début des années 80. Mais il y a un aimant qui attire et attise les tympans afin de remarquer comment le rythme s'est finalement créé. Naissant d'un cataclysme sonore, autour de la 3ième minute, il fonce comme un train avec la vitesse et la force de frappe du séquenceur et des percussions. Sa violence et les percussions dansant sur la carapace du séquenceur sont magnétisantes. D’autres effets, à la fois percussifs et sonores, engraissent son dynamisme. On a déjà oublié les 3 premières minutes tant l'effet entrainant, pour les pieds et les oreilles, est à son comble. Deux gros titres avant le plat principal.
Des grésillements venus de l'espace atterrissent sourdement pour repartir aussitôt, faisant grincer le firmament à chaque nouvelle apparition. Des particules tombent lors de ces arabesques bruyantes pour former des sons qui deviennent des notes et finalement des scintillements qui deviennent des bouts harmoniques. Ce manège bruyant teste la calibration de nos haut-parleurs, de même que celle de nos tympans qui commencent à saigner. Un rythme chétif émerge du chaos de Russell's Teapot autour de la 3ième minute pour faire entendre ses premières vibrations. Il vibrionne avec plus d'insistance, formant même un effet d'écho spontané qui reste collé à cet amalgame composé de basse-pulsations, de séquences et de percussions. On dirait que John Christian a invité Klaus Schulze dans ses studios puisque ce rythme respire le côté alambiqué, voire anarchique du Maître Allemand. Le synthé s'invite timidement, comme les percussions je dirais, en créant une mélodie qui roucoule et roule ses airs de façon aussi saccadée que le rythme puisse être spasmodique. Sans être du Berlin School, le rythme reste très séduisant. Le synthé n'est pas en reste en le recouvrant d'illusions de voix, de bouts de mélodies fractionnées ainsi que des danses lascives des années psychédélique. La barrière des 11 minutes instaure un élément de puissance au rythme qui monte et descend dans une texture de Berlin School que les percussions enjolivent autant que ces boucles de synthé qui roucoulent. Le chaos existe toujours, mais il reste drôlement séduisant alors que le rythme domine toujours l'évolution de Russell's Teapot. La 17ième minute amène une phase atmosphérique où le synthé se déchaine dans un pillage culturel qui redonne une nouvelle ardeur à une structure de rythme regénérée par une approche plus expérimentale bien encadrée et bien soutenue par une texture rythmique dont les subdivisions sauvent la base de GLIS GLIS.
Ce dernier album de John Christian a ce mérite d'être original et séduisant avec une forme de chaos contrôlé et dominé par de splendides textures de rythmes. Expérimental, industriel et Berlin School cohabitent avec cohésion tout au long d'un album qui reste cependant assez facile à apprivoiser. Il suffit d'aimer les rythmes et les séquences en mode Berlin School, et le tour est joué. À la fois complexe et mélodieux, GLIS GLIS est une expérience qui risque de vous sortir les tympans de vos oreilles tant ils auront cette soif de réentendre encore et encore…
Sylvain Lupari (21/08/21) ***¾**
Disponible chez Groove nl
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