“Même si extrêmement calme et méditatif, Angel n'en reste pas moins un album très émouvant”
1 Bright Waters 17:02 2 Fairy's Blues 15:34 3 Angel 16:14 4 Fair Wind 16:02 LUNISOLAR: LR009
(CD/DDL 65:17) (Ambient & drones)
Victime du tsunami qui a frappé le nord du Japan en 2011, Juta Takahashi a du reconstruire sa maison et son studio de A à Z. Homme pacifique et méditatif, ce déchaînement de la nature semble avoir profondément bouleversé, on le serait à moins, le compositeur japonais qui offre en ANGEL un album en deux phases. Si la 1ière portion reprend les doux mouvements séraphiques de ses albums précédents, la 2ième moitié nous plonge dans des ambiances apocalyptiques qui trahissent la colère intérieure et l’impuissance de Juta Takahashi. Album d’un déclin et d’une renaissance fusionnant sur la résilience, ANGEL est le cri d’un émouvant déchirement d’une paix intérieure.
De fines particules sonores irradient l’ouverture de Bright Waters qui s’éveille avec toute la luminosité des rayons de synthé laminées d’ondes miroitantes. L’ambiance est sombre et teintée d’une profonde mélancolie que les délicates notes de piano, tombant avec toute l’hésitation des désirs obscurs, parfument d’une superbe aura astrale. Morphiques, les couches de synthé s’étendent comme des gros nuages sombres qui cachent les irisations d’une arc-en-ciel qui se meurt d’obtenir une note de ce piano méditatif. Une note dont l’impact éclabousse le silence des ombres qui se muent en une étrange chorale brumeuse aux délicats souffles obscurs. Bright Waters est un superbe morceau qui a sa place pour les nuits d’insomnie. Fairy's Blues est plus lumineux et s’amorce avec des couches de synthé qui mélange ses souffles de métal acéré, ses brumes bleus et ses voix argentées en une puissante symbiose méditative. Le mouvement est lent et moins musical que Bright Waters avec des bourdonnements plus acuités qui se transforment en chorale spectrale dont les souffles métallisés recouvrent des gongs et accords perdus dans l’oubli. Les couches de synthé qui s’accumulent comme des vagues tourbillonnant sur elles-mêmes ouvrent la pièce-titre qui bouillonne dans un puissant maelström sans fin. Il y a quelque chose d’intensément séraphique dans Angel qui déchire l’ouïe comme les torrents de boue déchiraient les vies. C’est un longiligne torrent de prismes irisés où la fureur est intense et refoulée dans des strates aux larmes d’impuissance qui coulent comme de lents cris de rage magmatiques. Ce long et intense mouvement amorphe s’intensifie en un long crescendo atonal où la colère de Juta Takahashi coule avec toute la rage de l’impuissance d’un homme forcé à l’acceptation. C’est intense, bouleversant et assez déchirant, et pour l’ouïe et pour les émotions. Comme un couché de soleil au rayons dorés sur une terre dévastée et pleine de poussière Fair Wind étend ses strions, dégageant une chaleur prismatique avec des couches qui s’entrelacent en une lascive danse des temps. Célestes et apocalyptiques, les couches tracent d’oblongs mouvements dormitifs aux tonalités aussi froides que lyriques, équilibrant un envoûtant paradoxe qui s’évente autour des cloches rédemptrices. Ce 9ième opus de Juta Takahashi respire la dualité émotive qui tiraille un auteur qui a toujours approché la vie avec toutes les splendeurs offertes dans un festin méditatif. Même si extrêmement tranquille et pensif, ANGEL demeure pas moins un album déchirant où le compositeur japonais hurle ses souffrances à travers des couches de synthé aux teintes de soufres ocrés. C’est intense et par moments très poignant mais ça demeure toujours aussi profondément lyrique, comme une musique tissée dans les cornes du dieu Éole. Sylvain Lupari (October 1st, 2012) ***½**
Disponible au Juta Takahashi Bandcamp
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