“C'est de la très bonne MÉ avec des quelquefois longs passages qui devrait plaire aux fans de Klaus Schulze des années 70”
CD 1
1 Knust Part Two (28:56)
2 Knust Part Three (26:52)
3 Satzvey Castle Part One (20:17)
CD 2
1 Stammheim Part Two (73:09)
2 Satzvey Castle Part Two (6:38)
SynGate CD-R 2082
(2CD/DDL 155:52)
(Berlin School)
Keller & Schönwälder, c'est la fusion des mouvements mélodieux aux spirales hypnotiques. En solo, ils sont très bons et ensemble, ils sont encore mieux. Parus en 1998, soit deux après les débuts du duo, CONCERTS démontre que la chimie entre les deux amis était déjà à son paroxysme. Initialement paru sur Manikin Music, CONCERTS est réédité sur SynGate Music. En prime, nous avons droit à près de 30 minutes supplémentaires de musique enregistrée en concert en 2006. Une façon très originale de nous faire entendre l'évolution de ce duo, malheureusement trop méconnu, qui aime étayer ses structures minimalistes afin de mieux servir cette complicité qui s'entend par la connexion de leurs approches basées sur l'improvisation.
Un petit vent doucereux souffle les premiers mouvements de Knust Part Two. Un premier long titre qui se moule sur des notes nerveuses. Tranquillement, ces notes imposent un rythme qui progresse sur des synthés enveloppant et qui valsent avec grâce dans un univers cosmique. Detlef Keller et Mario Schönwälder s'échangent les solos avec complicité sur un tempo qui devient lourd et hypnotique. Toujours minimalisme, le mouvement se développe sur des percussions qui roulent telles des billes sur une peau extrêmement tendue. Un peu comme Peter Baumann l'avait élaboré sur ses premières œuvres solos, et Chris Franke sur Poland. Des percussions qui deviennent plus humaines lorsqu'elles martèlent un beat plus frénétique, dont les lignes ressemblent un peu à Fade to Grey de Visage. Du grand Keller & Schönwälder qui élabore des longues structures propices à des solos de synthé autant harmonieux que romantiques. Le duo Allemand nous en met plein les oreilles en ouverture de Knust Part Three avec des notes indisciplinées qui tourbillonnent et s'entrecroisent avec des effets d'écho pour créer un rythme lourd et langoureux sur un fond atmosphérique. Cet étrange maelström cosmique s'enroule autour d'une ligne hypnotique pulsatoire qui est encerclée de sulfureux solos de synthés à la sonorité si personnelle au duo Allemand. Des chœurs et des percussions bien dosées viennent approfondir cette structure sonore déjà bien remplie qui se termine dans la quiétude d'un souffle somptueusement vaporeux où les premières notes viennent chercher ressource dans une ambiance métallique. Satzvey Castle Part One fait partie le la réédition de SynGate. Son introduction nous enveloppe d'une ambiance où nous avons une impression d'entrer dans un sarcophage intemporel avec des pulsations qui défilent et dansent nerveusement. Un gros gyrophare sonore étend un rythme circulaire hypnotique aux influences très techno, surtout quand les cymbales embarquent avec leurs tsiit-tsiit et cliquetis incessants. Des accords aux influences dance contrôlent le rythme primaire alors que des synthés et leurs nappes alourdissent une ambiance endiablée. Soutenu, le rythme progresse avec des percussions aux souffles tonals métallisés jusqu'à ce qu'un synthé aux effluves spectraux prenne les commandes afin de nous faire visiter les couloirs, et leurs ambiances, du Château de Satzvey. Avec un titre semblable, Keller & Schönwälder démontre un esprit vif qui s'adapte à toutes situations dans ce voyage musical fantomatique où les ondes synthétisées deviennent des ombres et se déguisent en belle mélodies qui accrochent autant l'ouïe que les pieds.
Stammheim Part Two est la pièce de résistance sur CONCERTS. Ce très long titre de 73 minutes évolue par phases de rythmes versus ambiances et par couches d'intensité avec des synthés dessinateurs de décors ambiosphériques et stylistes de superbes harmonies. Hypnotique, le tempo est suave et brillamment assaisonné par des belles percussions et de doux, voire nostalgiques, solos de synthé. Tout au long, nous sommes saisis par cette immense mer minimalisme où le duo vogue aux grés des souffles et des harmonies qu'il crée. Des chœurs s'y promènent et chantent des psaumes cosmiques aux chaleurs intemporels. On croirait entendre Klaus Schulze, tant c'est brillant. Le tempo s'essouffle à la porte des 30 minutes avec des accords désordonnés qui se perdent dans les profondeurs d'une flûte spectrale et de sa mélodie évasive, hésitante. Tranquillement nous dérivons dans une phase atmosphérique où percussions électroniques et séquences épuisent leurs visions rythmiques dans une approche abyssale. Cette période de Stammheim Part Two passe assez bien et tel un phénix le mouvement rythmique se reforme pour atteindre un rythme infernal. Les synthés atteignent un nirvana musical naissant par des souffles lugubres et sinueux où les mélodies s'extirpent d'une chorale enfouie dans l'abysse, de même que des solos intenses dont les chorégraphies ne sont pas sans rappeler les élans spirituels de Klaus Schulze dans Body Love. Un peu long, mais où couper dans cet excellent moment musical. Plein de sensualité, Satzvey Castle Part Two, défile avec harmonie sur des chœurs soufflés à la Schulze et un superbe passage de piano. Très différente de la 1ière partie, elle confirme l'évolution du duo vers des sphères plus exponentielles aux limites des courants musicaux actuels.
Si vous avez manqué la première édition de CONCERTS sur Manikin Records, voici un moyen de vous rattrapez avec cette version de SynGate, quoique le site Bandcamp l'offre aussi maintenant en version téléchargeable sans la portion Satzvey Castle. Bref, avec ces nouvelles technologies, on peut reprendre les présents du passé par le bout des doigts. C'est de la grosse MÉ avec des longs, parfois un peu trop, parcours évolutifs où l'art de la musique improvisée et la maitrise des instruments convergent en de très bons moments musicaux. Le duo à l'art de monter des structures musicales imprévisibles, qui hypnotisent et envoûtent avec un superbe jeu de percussions et des solos aussi déchirants que délirants. Et si vous êtes un amateur de Klaus Schulze des années 70, CONCERTS, de même que la majorité des œuvres de Keller & Schönwälder, devient alors un incontournable.
Sylvain Lupari (17/08/06) ***½**
Disponible au SynGate Bandcamp
Comments