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Writer's pictureSylvain Lupari

KLAUS SCHULZE: Cyborg (1973) (FR)

Updated: Feb 17, 2022

Il faut savoir comment Cyborg a été conçu pour en apprécier toute sa dimension

CD 1 (72:14)

1 Synphära 22:49

2 Conphära 25:52

3 Chromengel 23:49

CD 2 (75:28)

1 Neuronengesang 24:57

2 But Beautiful 50:45 Concert in Brussels, 1977 (Bonus Track)

Kosmische Musik 2/58.005 1973

SPV 305252 DCD 2006

(2CD 147:42)

(Experimental Ambient Music)

Il faut savoir comment CYBORG fut fait pour en apprécier le génie de Klaus Schulze. Sans le sou et sans équipement, mis à part un orgue, un synthé VC3 et une machine Revox, Le jeune Schulze démontre tout son génie en triturant des enregistrements de musique classique, pour réaliser la portion cosmique et atmosphérique de CYBORG. Il y a beaucoup de travail dans ce double-album vinyle qui fut transférer en CD en 86 et remasterisé par Revisited Records en 2006.

Cette étrange aventure musicale débute avec Synphära, l'infinie tendresse. Sur un mouvement linéaire très lent, aux subtiles variations dans les tons, l'orgue progresse dans une mer de bourdonnements, de longs bips en boucles saccadées et d'un lourd vent d'éther. Tout au long, Klaus Schulze maintient cette ambiance claustrophobe où l'orgue avance de manière spectrale dans un environnement déroutant. Ça peut sembler un peu long lorsqu'on l'entend pour la première fois, mais la gradation dans le mouvement est quelque chose à découvrir. C'est dans un tumulte hétéroclite que débute Conphära; bourdonnements intenses qui se transforment en sirène apocalyptique sur un orgue avec une structure pulsatoire. Tranquillement le chaos s'éteint pour laisser libre cours à un orgue spectral et ses envoûtantes ondulations et dont les pulsations résonnent comme des percussions sourdes. De son orgue, Schulze arrache de belles strates sombres et flottantes qui accompagnent Conphära jusqu'à ses dernières pulsations où des souffles de flûtes et des frottements d'archets sur violoncelle apaisent ses derniers tourments. Chromengel ouvrait le 2ième album en 1973. C'est un titre lent où la procession du Farfisa est solennelle. Louvoyant et moulant, le mouvement est submergé d'effets sonores qui ressemblent tant à des nuées de chauve-souris et de frottements d'archets de violon et violoncelle sur les oscillations rythmique du VCS3. L'atmosphère est sombre et austère. Par moment, j'ai l'impression d'être dans les couloirs déments du film Phantasm. Les dernières minutes sont noyées de vents et d'un semblant de pluie. Neuronengesang présente un mouvement linéaire atonique qui est traversé par des pulsations rotatives dont la pointe sonore émet des sonorités de laser. Très sombre, les couches de synthé se juxtaposent et s'empilent, créant une impulsion intensément statique, un peu comme Nebulous Dawn de Tangerine Dream sur Zeit. Moins difficile à apprivoiser qu'Irrlicht, CYBORG n'en reste pas moins un album qui demande quelques écoutes, et même plusieurs j'ajouterais, avant que son charme colle véritablement à nos oreilles. Et je me souviens bien que les scratches sur mon vinyle proposaient plus de rythmes que dans la musique. Je n'ai donc pas acheté la version CD de FNAC. Mais je me suis laissé tenter par cette édition remasterisée de Revisited Records, notamment pour le titre en prime.

Enregistré en Octobre 77 lors d'un concert à la cathédrale de St Michel à Bruxelles, But Beautiful possède l'âme et la noblesse des longs mouvements improvisées de Klaus Schulze. Une intro atmosphérique avec effets sonores à la Body Love, à la Mirage et une petite séquence au roulement alternatif coulent sous un coussin synthétisé flottant. Les subtilités dans les variations sont toujours présentes et imposent un tempo planant rempli de délicates permutations. Les solos de Klaus Schulze agrémentent But Beautiful avant qu'une séquence plus lourde secoue les colonnes du temple avec une lourdeur progressive qui rejoint un tempo débridé. Dépassant les 50 minutes, But Beautiful est à l'image des messes sonores que Klaus performait dans les années d'or de la MÉ où rythmes progressifs et superbes solos de synthé agrémentaient les expériences immersives de centaines de spectateurs adeptes de MÉ. C'est ce titre qui m'a fait découvrir toujours un peu plus CYBORG.

Avec son beau livret et des anecdotes historiques, cette réédition de CYBORG est, à mes oreilles, tout à fait sublime. J'ajoute à mes oreilles puisque l'opinion générale des fans de Schulze va dans un sens contraire en disant que cette remasterisation n'avait pas la même profondeur que l'original. Les souvenirs que j'avais de l'original étaient remplis de bruits de friture. Mais enfin… Moi qui avais une certaine appréhension à réentendre cette fresque pour orgue ayant la sinusite, j'ai été frappé par la beauté structurale de Synphära et Conphära. La complexité de Chromengel et Neuronengesang est étonnante, considérant l'époque et la technologie. Malgré le caractère très sombre et progressif, Schulze réussit à y maintenir un intérêt harmonieux. Quant à But Beautiful, comment ne pas aimer les élans passionnels de Klaus Schulze en 77? C'est pour ces raisons que CYBORG est un chef-d'œuvre de musique ambiante et innovatrice qui a sa place au côté des grands noms contemporains comme Steve Reich, Charlemagne Palestine, Philip Glass et John Adams.

Sylvain Lupari (17/12/06) *****

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