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Writer's pictureSylvain Lupari

KRYFELS: Brahma-Loke (2020) (FR)

J'ai été époustouflé par cet album qui fait d'excellentes transitions entre Heaven and Hell

1 Brahma-Loke 11:13

2 The Climb 7:03

3 The Garden 7:43

4 From Oneself to the Universe 8:15

5 Soul Transfer 4:34

6 Astral Plane 7:37

7 Out the Garden 7:41

8 Mourning of the Past 1:58

9 End of Game 5:00

10 Brahma-Loke (B version-Bonus track) 8:05

(CD 69:02)

(Analog EM)

Les notes qui tombent résonnent comme les pas de Darkness, cette créature du film Legend. Ces résonances installent un linceul de réverbérations qui collera aux ambiances des 60 minutes de cette histoire ésotérique mise habilement en musique par Richard Raffaillac. Des boules ramassent les poussières de son et se métamorphosent en boucles oscillatrices qui roulent et sautillent de pair avec un fascinant langage organique qui vient de s'ajouter à Brahma-Loke. Des grognements chthoniens se greffent à cette lente et accablante procession, tandis qu'une discrète ligne de synthé installe déjà un air sibyllin qui se transforme en chant nasillard dérivant entre les univers de Kryfels et de Synergy, le temps de Cords. Une comparaison qui explique le haut-degré de créativité des instruments analogues qui enchanteront vos oreilles tout au long de BRAHMA-LOKE. La porte des 7 minutes arrêtent cette procession qui se fige sur place, laissant parader et danser des arpèges miroitant. Le mouvement reprend son élan avec un léger amoindrissement de cette ligne de basse vampirique, laissant la même folie paranoïaque s'incruster sur les parois du vide. La MÉ, c'est comme amener nos oreilles voir un film! Tout est possible avec les infinies possibilités des synthés et des séquenceurs. Comme ici dans BRAHMA-LOKE pour un voyage mélodique et sonore sur le thème du Paradis. Et Kryfels a visé juste! Sauf que cette fois-ci, les couloirs du Purgatoire sont tortueux, alors que les portes de l'Enfer communiquent directement avec celle de l'Éden dans un album d'une richesse sonore aussi inouïe que son histoire.

Deux ans après Underlying, et surtout Bulb, Richard Raffaillac nous revient en excellente forme avec l'album le plus complet et le plus audacieux de sa carrière. BRAHMA-LOKE laisse toute la place à son imagination afin de créer une symphonie électronique qui nous bouffe les émotions. Tout tourne au quart de tour dans cet album où les titres dépeignent avec justesse les ambiances que Kryfels conçu pour le plus grand plaisir de nos oreilles. Ainsi, The Climb est un titre méditatif qui n'a pas la puissance émotive, ni l'intensité texturale de la pièce-titre. Et sa procession est plutôt statique avec une tonalité dégraissée qui nous fait reculer de presque 50 ans plus tôt avec ces parfums d'éther de Irrlicht, et du Farfisa. Les brises sont magiques alors que les élans fantômes tirent sur les poils de notre sensibilité. Notamment dans ses dernières minutes. Après ce titre ambiant mais confortablement mélodieux, The Garden attaque notre repli contemplatif avec des boucles oscillatrices, et leurs tonalités limpides, qui tournoient vivement dans un décor assumé par des nappes de synthé aux tonalités de vieil orgue et/ou de clavecin. La chevauchée rythmique est assurée par une superbe ligne de basses séquences qui roule sous un ciel assombrie par des strates et des voiles nasillards, donnant une vision spectrale à ce titre enflammé riche de ses solos de synthé oubliés dans les nappes nasardes. Le rythme droit comme une flèche fonce à vive allure dans un décor qui modifie constamment le poids de ses ornements auditifs. From Oneself to the Universe est un titre de riches ambiances quasiment cathédralesques avec des nappes et des pads de synthé qui s'entortillent et valsent avec paresse dans un univers de bariolages sonores trop intense pour être anesthésiant. C'est comme une pénible ascension spirituelle. Idem pour Soul Transfer qui est par contre plus sombre dans son décor cosmique troublé par ses éléments de psybient.

Astral Plane est l'exemple le plus frappant que les frontières du Paradis et de l'Enfer habitent au même étage. Son rythme est conçu dans une démarche zigzagante dont la portion harmonique tisse un agréable ver-d'oreille. Stable dans son approche minimaliste, il supporte le poids d'une fascinante mélodie sibylline sifflotée par un synthé qui pourrait personnifier un goblin errer en sifflotant un air luciférien. Il y a une subtile gradation dans cette spirale sinueuse serpentant les marches de l'Éden qui rend Astral Plane plus musical et fluide. Et même plus intense avec des carillons qui tintent vers sa finale. Après une très belle introduction ambiante de 90 secondes, Out the Garden ressort aussi vite qu'est entré The Garden. Son rythme est comme une chevauchée plus active et son enveloppe sonore est plus contemporaine avec des nappes stationnaires aux tonalités très Jean-Michel Jarre dans un environnement plus du genre Klaus Schulze. Un titre magique qui expulse aussi ces tonalités nasillardes finement acuités qui proviennent de solos dont les chants linéaires sillonnent une vallée de tintements et d’effets sonores vintage. Mourning of the Past débute avec un grognement sonore qui étend sa nappe de réverbérations coulant comme une lave acide. End of Game termine BRAHMA-LOKE avec un rythme ambient sautillant. Les réverbérations des pas fluides font contactent avec une faune organique alors que les synthés aux tonalités finement acuités se métamorphosent en de géante sirènes d'alarme ululant pour les âmes perdues. Plus courte, la version B de Brahma-Loke fait disparaître une finale qui coupe aussi son niveau d'intensité. Un titre en prime qui n'enlève, ni ajoute quoi que ce soit à ce superbe album de Kryfels.

BRAHMA-LOKE est un des albums des plus intenses que j'ai entendu dernièrement. Et lorsque je parle d'intensité, je fais plutôt allusion à la texture sonore de l'album qui me rappelle constamment l'enveloppe musicale et expérimentale de Cords par Larry Fast et son projet Synergy. L'intensité de BRAHMA-LOKE se transpose et se transporte de phase en phase, comme de titre en titre, avec une vision musicale qui rencontre l'épopée de son titre. Des rythmes, des ambiances et des mélodies pensées, composées et transposées par des synthés et séquenceurs dans un contexte purement analogue; j'ai été ébloui par cet album qui fait d'excellentes transitions entre le Paradis et son Enfer.

Sylvain Lupari (10/07/20) *****

Disponible chez PWM Distrib

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