“Ce premier album de Kubusschnitt fait ressortir tout le talent de ce quatuor qui a certainement eu son impact dans l'échiquier de la MÉ”
1 The Case 16:28
2 The Soul of the Polymoog 13:39
3 Techno Cafe 6:41
4 The Case II 15:48
5 Sober Morning 21:04
Neu Harmony | NHR 001 (1999)
Kubusschnitt Music (2019)
(DDL 73:35)
(Berlin School, England School)
Kubusschnitt! Ça vous dit quelque chose? Pourtant, de sa courte histoire naîtra 2 gros noms de la MÉ Néerlandaise; Emmens-Heij et Free System Projekt dont le lien est Ruud Heij. C'est vers la fin des années 90 que ce quatuor constitué d'Andy Bloyce (UK), Jens Peschke (Allemagne), Ruud Heij (Pays-Bas) et Tom Coppens (Belgique), a connu une courte carrière de 2 ans, générant 4 albums officiels, dont 1 en concert au Jodrell Bank, et peut-être 3 fois plus de bootlegs. Ce groupe qui a fait les délices de soirées de MÉ improvisées ne réinvente pas le roue! Comme une demi-douzaine de groupes de cette époque, il est influencé par les années Baumann et Schmoelling de Tangerine Dream avec une signature personnalisée qui est mise en scène par des pluri-textures de rythmes contiguës comme entrecroisées, ainsi que des multicouches d'ambiances et d'effets d'où jaillissent des solos aussi évasifs que mélodieux. THE CASE est un premier album qui fait ressortir tout le talent de ce quatuor qui a certainement eu son impact dans l'échiquier de la MÉ.
La pièce-titre nous introduit à l'univers Kubusschnitt avec un effet de compte-gouttes sonores dont les éclats s'évaporent en nuages, vapeurs et brumes stagnantes, créant l'illusion d'une ambiances chthonienne. La limpidité de certains tons versus son équivalent lugubre dresse un panorama musical qui séduit dès les premiers accords et effets de The Case lancés. Des accords de piano électrique et de clavier font tinter des demi-mélodies qui chantent dans des vents sifflants, alors que les effets de l'ouverture persistent dans cette phase qui imbibe nos oreilles avec ses influences de Klaus Schulze et de son univers tamisé de poussières d'éther. Un séquenceur libère une ligne qui ondule avec une vision de rythme ambiant qui coule comme un serpent s'enroulant autour d'un treillis. Le mouvement est fluide et s'apparente aux douces oscillations structurées et bondissantes de Chris Franke. Surtout lorsqu'une seconde ligne l'épaule avec plus de vélocité dans un couloir oscillant où nichent des nappes et des riffs de clavier aux saveurs de Tangerine Dream. Cette première phase de The Case poursuit une courte route minimaliste avant de se dissoudre autour des 8 minutes. Les ambiances et les riffs de clavier dominent alors cette structure dont les fluides ruades me rappelaient ces courses imaginaires des gros serpents des sables. Amputé d'une ligne de séquenceur, le rythme effectue ses semi-ruades alors que les synthé déploient leurs effets et leurs premiers solos dont les harmonies, aidées par la brume du mellotron, finissent par dompter le rythme très Berlin School de The Case. The Soul of the Polymoog est un excellent titre qui s'appuie sur un jeu de séquenceur aussi implacable que celui de Michael Hoening dans Departure from the Northern Wasteland ou, pour plus près de nous, des structures endiablées d'Emmens/Heij. Le rythme s'accroche aux années 76-77 avec une guitare incisive, jouée par Andy Bloyce, qui fait très Manuel Gootsching. Les ambiances et le panorama sonore sont conformes à un groupe de 4 musiciens avec des textures qui évoluent en emmagasinant une pléthore de lignes et d'effets, et parfois des solos, dans un décor où le Cosmos flirte avec les vestige d'une apocalypse.
Techno Cafe est un titre intéressant avec sa structure de rythme entêtée qui bat une mesure motorique qui n'a rien à voir avec le techno, mais qui est tout de même entrainante pour les neurones. Le pas du séquenceur est retentissant avec ses gerbes de résonances et des effets de disco des années 70 qui gonflent les ambiances tout en accrochant un souvenir à nos oreilles. Le dialogue des machines avec les solos parfumés de brume ajoutent une vision assez Redshift de ce titre qui capte notre intérêt dès sa première écoute, tant pour son rythme lourd et pesant que les nombreux solos de synthé qui roucoulent tout autour. The Case II aurait pu effectivement se greffer à la finale de la pièce-titre avec sa structure de rythme qui recommence constamment ses boucles ascensionnelles. Ici, les solos sont roi! Ils se promènent et enveloppent de leurs ailes harmoniques une structure qui se déshydrate tout en s'accrochant à son éternel envie de recommencer ses boucles qui deviennent aussi fluides qu'un jeu de saute-mouton performé par 6 à 7 acrobates un peu nerveux au début, mais qui prennent de l'assurance par la suite. Du bon Berlin School auréolé de très bons solos de synthé et dont le débit du rythme se désintègre en filant à toute allure vers une finale légèrement brouillonne qui est remplie de brume et d'ombres anesthésiantes. Sober Morning ne perd pas de temps à nous activer les sens avec un rallye de séquences qui montent et redescendent des dunes asymétriques. Une ligne de basse facilite cette course avec un mouvement ascendant plus fluide alors que les séquenceurs s'activent en symbiose afin de lancer des lignes de rythmes ornées d'effets percussifs organiques. Le rythme est débridé, quasiment sauvage, avec d'autres séquences alternatives qui virevoltent, scintillent et pétillent comme une floppée de gamins indisciplinés sur une trampoline. Un léger parfum des années Stratosfear infiltre les ambiances dans cet enchevêtrement de lignes de rythmes dont la ligne de basse reste la plus captivante. D'ailleurs, cette ligne de basse est le catalyseur du plus long titre de THE CASE. Fredonnant comme un fantôme, ses baisses de régime coïncident avec l'éparpillement des séquences et l'amenuisement des structures de rythme après la barre des 10 minutes. Bien que le rythme soit devenu épisodique après ce point, Sober Morning ne plonge en aucun moment dans des phases ambiosphériques. Les éléments en place nous proposent des panoramas remplis de vapeurs ocrées et d'ambiances chthoniennes épurées par des séquences isolées qui papillonnent constamment avant de s'arrimer à une structure plus vive mais passagère. C'est de cette façon que se joue cette seconde partie de Sober Morning qui cherche une finale royale sans pour autant l'atteindre.
J'ai bien aimé ce premier rendez-vous avec la musique de Kubusschnitt qui remet son catalogue en ligne, sur le site Bandcamp, avec une sonorité plus actuelle. S'il y a des pourparlers pour un éventuel retour de la formation, ça se fait en toute discrétion. Même Andy Bloyce reste très évasif sur ce sujet. En attendant, la formation originaire de l'Europe propose 17 titres sur son site, et s'ils sont à la hauteur de ce THE CASE, nous allons avoir de la grosse MÉ à nous mettre entre les oreilles.
Sylvain Lupari (30/08/19) ***¾**
Disponible au Kubusschnitt Bandcamp
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