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Writer's pictureSylvain Lupari

KURTZ MINDFIELDS: Flying From Berlin to Paris (2022) (FR)

Un album splendide qui transcende tout ce que les imitateurs du genre nous ont offert depuis le milieu des années 80

Face A

1 Pasiphae 5:29

2 The Mysterious Hill Road 3:59

3 Santa Klaus Return 10:08

Face B

4 Flying from Berlin to Paris, Pt. 1 11:31

5 Chaov Ice Land 3:09

6 Flying from Berlin to Paris, Pt. 2 4:13

(Vinyl 38:25)

(Classic Berlin School)

Que se passe-t-il lorsque des musiciens chevronnés et des ingénieurs-concepteurs en synthétiseurs, tous inspirés des grands noms de la musique électronique (MÉ) des années 70 et 80, se rencontrent pour faire des sessions de jam? Eh bien ça donne un album d'une splendeur inégalée dont les parfums de cette époque nous font courir une multitude de frissons sur les bras. Dans une exactitude sonore qui fait fi du temps, Jean-Luc Briançon et ses amis nous ont préparé un splendide album qui transcende tout ce que les imitateurs du genre nous ont proposé depuis que Tangerine Dream, Klaus Schulze et Jean-Michel Jarre ont convergé vers une tendance plus commerciale à la fin des années 80. Du Berlin School comme on entendait à l'époque! Voilà le résultat de FLYING FROM BERLIN TO PARIS qui nous replonge vraiment dans les années du vinyle avec 2 plages qui proposent entre 20 minutes, pour la Face A, et 18 minutes, pour la Face B d'une MÉ dont la précision et la chaleur de l'analogue nous situe au cœur de cette période.

Et Pasiphae ne passe pas par 4 chemins pour expliquer aux oreilles de quoi sera fait ce nouvel album de Kurtz Mindfields. Le rythme pulsatoire s'excite derrière un canevas d'effets sonores aquatique pour voler sur les ailes d'un puisant Berlin School dont les vives oscillations rythmiques suivent une courbe ascendante. Des arpèges dansent follement dans le sillon du rythme, alors que divers claquements stimulent encore plus notre écoute. Et oui, nous sommes dans les territoires de Phaedra avec ce rythme fougueux qui roule à fond de train sous les brises orchestrales de synthés qui font fuser de splendides solos aux harmonies spectrales. Ça part très bien! Les ambiances de The Mysterious Hill Road respectent l'essence du titre avec des accords dont la résonnance organique nous fait penser à Silver Scale. On y entend des élans de synthétiseur qui rappellent l'univers de Jean-Michel Jarre alors que le côté Berlin School se retrouve dans des nappes pleines de mystères et de voix absentes ainsi qu'un mellotron qui multiplie des airs flûtés. Moins tempétueux, le rythme est du genre bondissant avec un séquenceur riche de ses ions sauteurs dans une masse sonore statique. J'entends plus un Dream qui rappelle plus le milieu des années 80. Genre Le Parc! Les premiers reflets argentés du collier d'arpèges mouvant de Santa Klaus Return scintillent après un gros 2 minutes d'une intense ouverture atmosphérique. Ce qui frappe l'oreille est cette diversité sonore qui tente de refaire du vintage avec la technologie d'aujourd’hui dans la version digitale. Les sons sont aussi clairs et détaillés que possible avec une onde électromagnétique qui rappelle bien notre bon vieux Klaus Schulze. Le mouvement des arpèges séquencés fait son ascension avec une vivacité sonore qui insuffle un rythme ambiant et stationnaire. C'est comme entendre Crystal Lake dans une autre dimension. Une dimension plus vive. Les percussions tambourinent une invitation à une danse de zombies dans un univers peint de graffitis sonores et de brume aux orchestrations métallisées. La batterie fait résonner ses peaux dans un tourbillon de torsades réverbérantes, un peu comme Harald Grosskopf cherchant ses repères dans un Body Love qui n'en est plus un. Sauf qu'ici c'est Fabrice Laurent, un batteur et percussionniste canadien, qui sculpte un rythme qui est à l'opposé du séquenceur dans une structure ambivalente où les parfums d'un Schulze céleste remplit nos oreilles d'un nectar musical réinventé. C'est comme entendre du vieux Klaus dans une tonalité contemporaine qui cherche à s'abreuver des vestiges du temps. Ça demande quelques écoutes, mais nos oreilles s'ajustent assez bien à ce très beau Santa Klaus Return.

Est-ce que FLYING FROM BERLIN TO PARIS veut établir un lien entre le style Berlin School qui migre vers la French School? C'est un peu l'impression qui se dégage en écoutant Flying from Berlin to Paris, Pt. 1. Son ouverture est remplie de lignes de synthé flottantes et grondantes qui se déroulent et défont avec lenteur. Un peu comme déstructurer un colimaçon à l'envers. C'est une introduction très atmosphérique qui flirte même avec le style ambiant ténébreux lorsque des brises sombres et des voix absentes soufflent une présence chtonienne. Des arpèges tintent dans ce décor apocalyptique. Peu à peu, ils forment une structure de rythme stationnaire qui prend son envol pour un bon rock cosmique avec une bonne ligne de basse à la Jarre juste avant la 7ième minute. Des éléments cosmiques s'invitent à cette lente cavalerie rythmique dont la mélodie tinte légèrement plus vite que le rythme. Des effets percussifs ajoutent plus de plaisir à notre addiction alors que les harmonies du synthé ont ce parfum Jarresque. Un second élan rythmique survient un peu avant la 9ième minute. Fluide et bondissante pour devenir très entraînante, cette 3ième mutation de Flying from Berlin to Paris, Pt. 1 accueille une série de solos de synthé qui démontre que Kurtz Mindfields fait aussi du Jazz avec le groupe Abigoba. En plus de Jarre, Schulze et TD, Jean-Luc Briançon et ses invités dédient aussi l'album à Zanov dont on peut apprécier la participation avec Chaov Ice Land. Ce court titre démontre le complexe univers de Pierre Salkazanov qui fini toujours par nous faire bouger avec une courte et entraînante structure de rythme. L'essence de JM-Jarre domine autant que celle du Dream dans FLYING FROM BERLIN TO PARIS et Flying from Berlin to Paris, Pt. 2 exploite à merveille cette structure de rock électronique cosmique du célèbre musicien-synthésiste Français. Un titre qui a du Oxygene 4, du Equinoxe 4 et du Rendezvous 4 dans le rythme et les ambiances. Non mais quelle façon de clôturer un album qui rend hommage aux pionniers du temps!

Comme c'est souvent la cas, le malheur des uns fait le bonheur des autres, puisque FLYING FROM BERLIN TO PARIS est disponible uniquement en vinyle. Comme dans le temps! Un bon vieux 33 tours. Une version digitale accompagne l'achat du vinyle et il n'y a pas de date fixe quand à une possible réalisation en CD et/ou en format digitale qui a été mixé et masterisé moderne alors que le vinyle possède une tonalité vintage. En dépit de ce trait de génie, il s'agit d'une aberration selon moi puisque nombreux sont les amateurs de Berlin School qui ne possèdent plus de table tournante. Mais peu importe! Cet album de Kurtz Mindfields ne fait que confirmer l'immense talent de Jean-Luc Briançon quand vient le temps de s'immerger dans le style Berlin School. Sauf qu'ici il y a une grosse nuance : le Berlin School voyage et mute vers la French School dans un merveilleux album qui fait une étonnante fusion entre les deux styles. Un petit chef-d'œuvre d'audace qui s'écoute comme si on écoutait Phaedra sur un fond de Oxygene. Un incontournable!

Sylvain Lupari (21/07/22) *****

Disponible chez Kurtz Mindfields Bandcamp

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