“Berlin Nights est plus de la période exploratoire du Dream, soit les années 74-75”
1 Phi 22:24
2 Epsilon 15:45
3 Sigma 10:32
(DDL 48:41)
(Berlin School)
Imaginé une nuée de chauve-souris fuyant ses caves illuminées par un chant flûté! Vous avez l'introduction de Phi. On y entend un sourd vrombissement industriel, un peu comme si la lumière se dégagerait d'une fissure afin de mieux entendre le chant du mellotron. Le chant se désagrège et ses restes flottant sont transporter par ce noyau de réverbérations qui compacte l'ouverture en une phase ambiante qui justifie sa passivité par l'apparition du séquenceur après la 6ième minute. Son mouvement pulsatoire trace des cercles dans une tempête de réverbérations d'où s'exprime à nouveau le mellotron dont le chant perce un velum de brume dansant comme une flamme sous les vents. La course et le chant frappent un mur vers le néant quelque 20 secondes avant la 11ième minute. Nous plongeons ainsi dans les mystères de Phi qui sont imaginés dans des vagues qui roulent sur elles-mêmes depuis son ouverture. Des effets de drones aux puissants chants distordus, des effets de voix fantômes qui fondent suite aux radiations de bruits électroniques connus composent les 4 prochaines minutes. Et c'est dans une puissance stagnante que le rythme explose vers la 15ième minute. Il a cette apparence d'une ligne d'oscillations expérimentales qui s'ajustent tranquillement afin de créer un rythme sautillant avec entrain. Le synthé (mellotron?) tisse un beau chant ambiant qui serpente la chorégraphie des riffs de clavier tombant avec fracas jusqu'au point d'accélération des oscillations. C'est donc sur un rythme plus puissant et plus rapide que le synthé dépêche son chant jusqu'’à une finale happée par des drones qui s'évanouiront 20 secondes plus loin.
BERLIN NIGHTS est un album concept de Lensflare. Mais attention, le concept de ce nouvel album est dans la façon de le faire. L'idée trotte dans la tête de Andrea Debbi depuis un voyage d'affaires qu'il a fait en Allemagne. Il avait profité de cette occasion pour visiter les endroits où les idoles de sa jeunesse, Tangerine Dream, s'étaient produit en concert. Et c'est dans l'hiver de la pandémie qu'il s'est installé dans son studio de nuit pour travailler avec un séquenceur pour expérimenter et réaliser des séquences analogues fluides et évolutives. Il a liquéfié ces structures dans les charmes du mellotron, les drones du Moog et autres tonalités électroniques. Pour Lensflare, cela signifie composer à la manière de Tangerine Dream qui est aussi la façon de faire du Berlin School. Et il n'est pas loin de la vérité! Puisque Phi sonne littéralement comme du TD expérimental des années Phaedra. L'époque où le mellotron fleurissait à vue d'oreilles.
L'ouverture de Epsilon est centrée sur un beau chant du Mellotron qui flotte entre les gazouillis de moineaux électroniques et des vents soufflant avec force. Une ligne de basse infiltre le mouvement ambiant, tentant de l'éveiller de ces faux élans qui rebondissent pour repartir dans une enveloppe sonore de aussi puissante que diversifiée. C'est rendu à la pointe de ces deux extrêmes, autour de la 5ième minute, que le séquenceur active ses lignes de rythmes qui sautillent l'une sur l'autre avant d'entreprendre une poussée rythmique qui fait osciller ses ions dans un mouvement statique et sous les chants mieux définis du mellotron. On assiste d'ailleurs à un combat d'harmonie lorsque deux nappes de mellotron s'échangent les politesses. Le rythme palpite pour un gros 5 minutes avant de rentrer dans son tube un peu après la 10ième minute, laissant Epsilon dans sa dernière partie d'ambiances remplies par de titanesques nappes d'orgues et de synthé aux couleurs de rouge-orangé. Là où les spectres jouent avec des os tintant et qu'une ligne de basse gourmande redevienne affamée, comme dans les premiers moments du titre. Sigma est encore plus exploratoire avec des grelots roulants sur les épaisses couches d'effets sonores et de cette ligne de basse à la langue alanguie. Le mouvement est austère avec des échappées du mellotron dont les harmonies restent ensevelies dans cette dense membrane sonore qui heurte un nid d'oscillations étirées en lignes de drone réverbérant autour de la 4ième minute. Le séquenceur crache aussitôt une vision rythmique explosive qui monte et descends vivement sous les caresses morphiques de nappes de synthé et mellotron. Le synthé articule des mouvements de chorégraphie avec des souffles de trompettes apocalyptiques et des solos torsadés aux pointes fendues d'effets réverbérants. Nous sommes vraiment dans du Berlin School, juste avant qu'il ne devienne celui plus commercial de l'album Stratosfear.
Fortement inspiré par les sessions d’improvisations de Free System Projekt, BERLIN NIGHTS est un album plus de la période exploratoire de Tangerine Dream, soit les années 74-75 et les mémorables concerts joués autour de Rubycon et Phaedra. Si vous aimez les séquenceurs et mellotrons, ce nouvel album de Lensflare devrait vous plaire sans efforts 😊
Sylvain Lupari (01/06/21) ***½**
Disponible au Lensflare Bandcamp
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