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Writer's pictureSylvain Lupari

LOREAU & GERCHAMBEAU: Anantayamo (2020) (FR)

Oui, les 15 premières minutes ne sont pas faciles à apprivoiser et une fois passées on entre dans un jardin musical sans failles

1 Nabhadruma 27:26

2 Pallavatara 27:17

(CD/DDL 54:43)

(Avant-gardism Berlin School)

Séparons les deux belligérants. Un fait les séquences et l'autre, les harmonies et les orchestrations. Celui du dessous c'est Frédéric Gerchambeau. Dans Nabhadruma il façonne une première courte ligne de séquences hésitantes qu'il fait tourner en une boucle. Trop harmonieux, trop fluide, il ôte un ion sauteur. Ah, le mouvement boitille! Il lui colle une ombre, créant l'illusion qu'une ligne et demie tourne en un mouvement plus saccadé. Ça donne un Berlin School déséquilibré! Évidemment, pourquoi faire un peu mélodieux lorsqu'on flirte avec le côté abstrait de la MÉ? FG prend un ciseau pour couper une angle et lui donner une apparence de carré qui embarque avec les multiples boucles du séquenceur dans une désharmonie rythmique auquel in ne manque que le synthé Prenons maintenant le dessus. C'est mon ami Bertrand Loreau qui débute en tissant de soyeuses orchestrations enveloppantes. J'entends un violoncelle faire son timide lorsque les séquences se mettaient à boitiller. Ce moment, Bertrand le laisse à la dextérité de Frédéric. En contrepartie, il tisse aussi ces boucles de synthé qui roucoulent dans une phase où le séquenceur domine l'espace-son. Des laves sonores s'épaississent dans le background avec des bulles qui sifflent. Ce magma en mouvement m'amène à me dire; ça fait combien de temps je n'ai pas écouter Invisible Connection de Vangelis? Parce que les influences du musicien Grec abondent ici. Finalement, et après 6 minutes, le duo Français établit un lien de complicité, accentuant ce Berlin School abstrait. Des vestiges de Blade Runner assiègent nos oreilles alors que le séquenceur ne cesse de trébucher. Sa descente au confins du non-rythme surveille ce boitillement de masse qui se fait caresser par de douces orchestrations compatissantes. C'est autour des 15 minutes, et Nabhadruma travaille à modifier son apparence. C'est fait avec un lot de petites spirales imaginées dans une union synthé et séquenceur qui tournoient avec une propension pour devenir un axe de rythme saccadé. Je considère que c'est le meilleur segment de Nabhadruma avec un Bertrand Loreau visionnaire qui torture ses boutons et ses fils afin d'extirper une texture plus musicale qu'abstraite. Les solos viennent avec ce son vintage. Ils marivaudent sur une masse sonore implantée de cette union entre les instruments des deux antagonistes dans une tirade abstraite qui conserve néanmoins son pouvoir de charmer.

Ça y est, Loreau & Gerchambeau ont atteint ce niveau où la MÉ abstraite devient écoutable. Après deux albums très demandant sur notre capacité d'assimilation, ANANTAYAMO vous propose un premier vrai test de patience avec la première moitié de Nabhadruma, alors que les 40 autres minutes sont plus abordables avec des phases influencées par Klaus Schulze, dans la deuxième et souveraine moitié de Pallavatara qui est nettement plus musical. Premièrement, ses 15 premières minutes appartiennent à Bertrand faisant le magicien des sons avec ses divers synthés. Des solos chantent sur une structure de rythme ambiant décorée par une séquence qui pépie, comme les langages électroniques de base, et des orchestrations de synthé roulées en boucles. Son ombre est nettement mieux cernée afin de créer un rythme minimaliste agréable à l'écoute. Bertrand établit ses zones de charmes avec un chant d'arpèges sur un lit d'orchestrations dont les draps flottent avec texture lunaire et morphique. Tout au long de son évolution, Pallavatara offre une cadence qui augmente sensiblement sur les effets sonores des deux musiciens Français. La 15ième minute est une porte secrète sur l'univers de Klaus Schulze où les typiques séquences de Frédéric Gerchambeau servent de lit à un Bertrand Loreau en grande forme dans une phase visiblement inspirée par Body Love.

Le guide de presse de ANANTAYAMO ne lui rend pas justice! J'admets que ses 15 premières minutes ne sont pas faciles à apprivoiser. Une fois passé ça, nos oreilles embarquent dans un genre de plus en plus accessible, toujours alambiqué mais sans plus, où la musicalité s'étend dès le seconde moitié de Nabhadruma. Par la suite nous entrons dans un jardin musical sans failles où la splendeur des séquences, des arpèges et des solos de synthé est plus qu'une vision auditive, un peu comme dans Catvaratempo.

Sylvain Lupari (01/02/21) ****¼*

Disponible chez Groove nl

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