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Writer's pictureSylvain Lupari

LOREAU/GERCHAMBEAU: Catvaratempo (2018) (FR)

“Difficile à apprivoiser, Catvaratempo reste néanmoins ce genre d'album qui inspire le temps et qui continuera à établir sa marque quelques décennies plus tard”

1 Eka 15:32 2 Dvi 15:01 3 Tri 15:38 4 Chatur 16:12 Spheric Music|SMCD6306

(CD 62:23) (Much Progressive Berlin School)

Près d'un an plus tard, le duo éclectique français revient sur la mappe avec un tout premier album sur l'étiquette Spheric Music, un label reconnu pour produire d'intéressants albums liés au style Berlin School. Rétro comme Néo ou encore comme très progressif! Comme ce CATVARATEMPO, pour une collection de 4 tempos, qui propose 4 titres d'une 15zaines de minutes où la complexité dans les mouvements de rythme de Frédéric Gerchambeau accueille l'éternel romantisme de Bertrand Loreau. Le résultat commande une ouverture d'esprit moins demandant que dans Vimanafesto mais qui reste tout autant difficile à cerner.

Le duel entre les deux musiciens français débute en subtilité. L'ouverture de Eka est sculptée dans la soie avec cette flûte qui expire une mélodie moyenâgeuse. Un vent gronde et soulève des particules percussives qui éclatent comme de gros bourgeon sonore. La flûte se change en nappes d'orgue qui déploient ses grandes ailes dans une vision harmonique assez céleste, alors que la naissance des effets percussifs se fait dans un tintamarre dont l'impact est diminué par la montée d'une ligne de séquences qui ondule comme un gros serpent fuyant les feux. Il y a permutation des rôles ici! Alors que le séquenceur multiplie ses boucles harmoniques, une flûte imberbe tente d'instaurer une présence discordante. Ainsi naît un vacarme musical où éclate toujours un module harmonieux. Lorsque ce n'est pas le Mellotron et ses habits de flûtiste, c'est le séquenceur qui hache menu-menu son approche rythmique. Et ce rythme virevolte, les mélodies aussi, comme un mannequin de chiffons dans une tornade. C'est ainsi que se déroule Eka! Si parfois nous avons l'impression d'atteindre, tant en rythme qu'en mélodies séraphiques, les pointes des cimes que nos yeux auscultent sur la pochette, la descente est aussi brutale que jouissive pour les oreilles. Dvi fait plus dans la musicalité orchestrale avec ses séquences qui grimpent des escaliers en verre tout entouré de nappes de violon aussi tendre que les premières caresses d'une mère. Le mouvement du séquenceur, qui est l'ossature entière du rythme ambiant de Dvi me fait penser énormément à du Remy au sommet de son art méditatif. Bertrand Loreau est impeccable ici avec des solos de synthé qui sont teintés de son empreinte nostalgique. Du grand art électronique qui flirte avec les mouvements hypnotiques d'Exhibition of Dreams paru en 2009. Ou mieux, avec les rythmes errants de Klaus Schulze. Les 11 premières minutes de Dvi sont splendides! Par la suite, la musique et ses ambiances s'évadent dans un passage qui flirte légèrement avec une dissonance qui reste toujours imbibée de cette touche très romantique qui anime les essences de Dvi.

L'introduction de Tri débute avec une nappe de dissonances où des sons tordus et des ondes de réverbérations épuisent leurs lourdeurs dans un corridor engorgé de brises qui chuchotent ses bruits blancs. Des bips électroniques se faufilent dans ces nuages de tons disparates, sculptant une mélodie fantôme qui scintille avec de gracieux mouvements pleins de résonances. Le séquenceur sculpte son rythme rampant avec des tonalités plus chaleureuses alors que Tri livre ses charmes entre nos oreilles avec des nappes qui dérivent entre les banquises de bruits électroniques savamment préservés par le mouvement très Berliner et aussi plus musicale, de Frédéric Gerchambeau. Lorsque je vous disais que les deux artistes échangent leurs rôles! Un peu comme dans Dvi, ce sont des nappes de voix chthoniennes qui annoncent le changement de décor de Tri, adoptant ainsi une vision plus anarchique des droits territoriaux tonals de chacun des deux artistes. Malgré cette discordance, le duo Français réussit assez bien à joindre certaines courtes phases d'errance plutôt mélodieuses. C'est par une autre phase de flûte harmonieuse que s'éveille Chatur. Il n'y a pas 30 secondes au compteur que le synthé embarque dans ce bel canto électronique qui est marqué par l'horloge du séquenceur. Ce mouvement de tictac sur le boost ensorcèle autant l'ouïe que les multiples charmes du synthé et de ses chants envahissants. Cette courte de phase, plus ou moins 4 minutes, se perd dans les brumes électroniques d'où émerge un séquenceur qui fait dandiner des ions rebelles. Ces accords cliquent sans musicalité, amplifiant une discordante qui court après la queue du dernier accord dans un paysage sonore bourré de brume évanescente. Ce mouvement rebelle trouve une cohésion dans une violente danse d'oscillations dont les effets radioactifs pénètrent les intentions d'une chorale sans âmes. Sous les solos de synthé, comme sous la brume et les effets électroniques, ce mouvement sautant comme une nuée de billes métalliques sur un convoyeur qui continue sa traversée jusqu'à une finale imbibée de ses intentions séraphiques.

Complices dans leurs visions respectives où le Berlin School se présente sous différents angles, Frédéric Gerchambeau & Bertrand Loreau réussissent à créer des contrastes qui s'attirent dans une étonnante symbiose venue quelques fois du champ gauche. Difficile à apprivoiser, CATVARATEMPO reste néanmoins ce genre d'album qui inspire le temps et qui continuera à établir sa marque quelques décennies plus tard. À l'exemple des classiques d'hier qui étaient pourtant des œuvres avant-gardistes il y a quelques décennies. Certes, l'approche est plus contemporaine mais le résultat est le même. On commence par Dvi et le reste va suivre… comme par enchantement.

Sylvain Lupari (12/12/18) *****

Disponible au Spheric Music

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