“Un album à découvrir les oreilles bien grandes ouvertes car la texture des rythmes est tout simplement irrésistible”
1 Capacocha 7:07
2 Huaca del volcán Llullu (feat M3NASH) 5:40
3 Mensajeros Adormecidos 3:13
4 Virgen del Sol 6:24
5 Plumas blancas 6:45
6 Niña del Rayo 6:18
7 Oro y Spondylus 3:03
8 El niño de Plata 4:38
(CD-(R) HQ/DDL 43:10)
(E-Rock, Tribal, Latin School)
Par où prendre ce brillant nouvel opus de Lucas Tripaldi? On pourrait débuter en écrivant que la dimension de CAPACOCHA dépasse les cadres de sa légende où 3 enfants, 2 filles et un garçon âgés entre 6 et 15 ans, ayant vécu au XVIe siècle dans les Andes ont été sacrifiés lors d'un rituel religieux Inca. Leurs corps, que le froid avait conservé intact, ont été découvert sur le volcan Llullaillaco par une expédition archéologique en mars 1999. Même si la description stipule que la musique est construite sur un mélange de Krautrock, de Berlin School et d'ambiant, il y a très peu d'éléments reliés au style Berlin School tel que les aficionados peuvent espérer. En revanche, il y a du rythme! Beaucoup de rythme! Des rythmes aux essences tribales d'une autre dimension avec une fusion de la batterie à des effets de percussions manuelles et des basses séquences. Ça donne des rythmes qui bondissent et résonnent avec une texture caoutchouteuse qui en prolonge la cadence. C'est un genre de Hip-hop croisé à du Funk ou du Groove dans ce qu'il y a de plus Krautrock où voguent et virevoltent différentes textures des synthés, certaines ont d'étranges airs spectraux, de même que des oscillations qui nourrissent le grain des modulations rythmiques. Ajoutons à cela des partitions de guitare, des effets de drone, des séquences à la Tangerine Dream, des passages de rythmes statiques et quelques phases plus atmosphériques et vous avez les ingrédients en place pour passer un excellent 43 minutes de découvertes aussi musicales que soniques.
La pièce-titre est un excellent indicateur de la nature des rythmes de CAPACOCHA. Son ouverture est pilonnée par un effet de percussions clanique dont la tonalité basse est imbibée d'une texture caoutchouteuse. La batterie électronique s'invite, des basses séquences, de même que des riffs de guitare, structurant un rythme aussi entrainant que bondissant. Un genre de fusion entre du Groove, notamment à cause de la six-cordes électrique, et du Hip-hop dans une fascinante enveloppe avant-gardiste qui flirte avec le Krautrock. Lucas Tripaldi ajoute des éléments et des riffs percussifs tout en élaborant un étrange dialogue sur le synthé avec une toute aussi étrange mélodie qui caquète en boucles. Le rythme trébuche sur un pont atmosphérique dans son milieu avant de revenir sous un firmament nourri de bourdonnements réverbérant. Composé et performé avec M3NASH, Huaca del volcán Llullu propose cette même texture de rythme bondissant dans une enveloppe musicale caoutchouteuse. Le débit est plus fluide, quasiment cabriolant, ça me rappelle vaguement les rythmes tribaux de Byron Metcalf, avec des effets spectraux dans les harmonies du synthé. Le titre offre plus de passion, de puissance et de vitesse dans sa seconde moitié où le synthé dessine de bons solos aériens. Comme Oro y Spondylus, Mensajeros Adormecidos est un titre ambiant poussé par des drones réverbérants. Virgen del Sol propose aussi une texture atmosphérique avec une bouffée de vents sombres et bourdonnants. Le synthé tisse deux lignes de mélodies, dont une tressée par des oscillations qui épousent un flottement ascendant. Elles roulent en symbiose harmonique avec le chant coulant du synthé. Il y a une texture dramatique dans les arrangements qui donne une profondeur cinématographique à la musique et ses ambiances. Des arpèges cadencés donnent l'impression de paniquer avec des rotations brusques alors que le séquenceur, discret, fait dribbler des ions sauteurs dans ce titre qui se rapproche le plus du modèle Berlin School. Pensez à une musique inspirée de la trame sonore Wavelength de Tangerine Dream. C'est très beau pour un titre méditatif!
Lucas Tripaldi nous ramène à ses rythmes étranges avec Plumas blancas. Mais avant, son ouverture est sombre avec ces roucoulements de synthé qui nous rapprochent des ambiances du titre précédent. Le rythme qui s'en extirpe possède ces caractéristiques tribales et essences électroniques des 2 premiers titres de CAPACOCHA. Il est plus lent, quasiment flottant, avec une vision qui s'apparente à une transe hypnotique. Une guitare acoustique nous convie au passage atmosphérique, de plus ou moins 40 secondes, de ce titre dont les percussions amènent une vision plus rock électronique, toujours très mollo, en dernière partie. La guitare acoustique est aussi présente dans le très bon Niña del Rayo, de loin le titre le plus électronique de CAPACOCHA. Son débit est semi lent et vit dans une texture de rock électronique tribal avec une très belle fusion entre ces percussions, tant claniques qu'électroniques, et un séquenceur en mode Chris Franke. Avec ses bruits de fond d'un vinyle égratigné, l'ouverture de El niño de Plata prépare une structure de rythme qui s'apparente aux autres titres enlevants de ce séduisant album de Lucas Tripaldi. Son débit est plus lent mais bien frappé par cette mixture de percussions élastiques et de basses séquences alors que la guitare étire ses riffs comme Keith Richards sait si bien le faire.
En ce qui me concerne, CAPACOCHA est le plus bel album de Lucas Tripaldi. Il démontre par-dessus-tout la très grande versatilité des artistes nichant sur Cyclical Dreams et notamment de ces musiciens argentins qui ne craignent pas de sortir des sentiers battus afin d'offrir une musique électronique (MÉ) innovatrice remplie de ces merveilleux bouquets d'ambiances de l'Amérique du Sud. Un album à découvrir les oreilles bien grandes ouvertes car la texture des rythmes est tout simplement irrésistible.
Sylvain Lupari (01/06/23) ****½*
Disponible au Cyclical Dreams Bandcamp
(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)
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