“Un album plein de lents rebondissements que vous n'entendrez pas ailleurs!”
1 Submersion 11:36
2 Ambient Pressure 8:00
3 Abyss 11:29
4 Hydrostatic Equilibrium 10:04
5 The Edge 11:29
(CD/DDL 52:38)
(Art for Ears, Modular, Prog EM)
Quel plaisir que de découvrir la faune sonique de Lyonel Bauchet! Ce maître dans l'art d'utiliser le complexe Buchla 200e system avait convertit mes oreilles à son immense canevas musical en 2011 avec l'imposant The Secret Society. Depuis, c'est le silence média mis à part quelques morceaux de musique apparaissant sur diverses compilations. Pourtant, Bauchet travaille sans relâche afin d'augmenter sa bibliothèque sonore (la Library Music) tout en diffusant ses tomes Buchla Tunes, il est rendu au Volume 8, et autres extravagances sonores sur sa page Bandcamp. De plus, il créé des vidéos en temps réel qui accompagnent une bonne partie de ses titres. Un artiste complet dont je vous invite à visiter son site Bandcamp pour des heures de découvertes divertissantes. THE DIVER est un album dont le concept tourne autour du monde sous-marin que nos yeux ne verront jamais, laissant ainsi toute la liberté à son concepteur et son plongeur de créer une illusion sonore qui défie l'imagination, l'apanage de la MÉ. À l'époque, The Secret Society était proposé en format téléchargement sur le site DiN-DLL. Cette fois-ci, THE DIVER est offert en CD manufacturé limité à 500 exemplaires, ainsi qu'en format téléchargement à partir du 17 septembre prochain. Embarquons tout de go dans la dernière histoire en sons et en musique de Lyonel Bauchet.
Couché sur le dos, les oreilles vissées au suspens de Submersion, les vibrations des ondes sous-marines et le chant étoilé du synthé combattent à qui mieux-mieux pour nous entraîner dans des profondeurs océaniques. La descente est lente mais riche de ses sons écarlates qui déchirent nos sens encore plus lorsqu'une lourde note de basse secoue le marteau de mes tympans. Submersion déploie ses nappes oxygénées dont le bouillon s'illumine d'une riche et diversifiante faune tonale. Le synthé pleure comme seul Vangelis, et maintenant Lyonel Bauchet, savent le faire. Ce qui était luminescent se transforme en un psybient noir et ténébreux, témoin que la faune sous-marine et ses éléments, tant physiques qu'organiques, peuvent être létaux comme immensément beaux. D'ailleurs, un joueur de cornemuse nous le fait savoir alors que la descente continue de surfer avec une vision de plus en plus lourde et ténébreuse. Jusqu'à ce que le vide devienne le fond, après le passage de la 8ième minute. Un tourbillon de joie embrase le moment avec des orchestrations et des staccatos dansant avec mon imagination entendant déjà le sable blanc des bas-fonds tourbillonner avec les entrelacements des éléments orchestraux. S'attachant au premier tintement de cloche marine, le rythme de Ambient Pressure éclot comme une très belle surprise. La forme est Électronica et chaque coup est enrobé d'une tinte de carillon et de cliquetis d'une horloge. L'enchantement n'en est qu'à ses premiers pas alors qu'une décharge sonore accompagne cette structure où le rythme et ses effets percussifs, dont un agressif marteau-pilon, reste picoré de tous bords par des filaments sonores acuités. Les arrangements électroniques sont dans le ton avec une vision disco robotique. Je dirais que c'est une des plus intéressantes structures de rythme que j'ai entendu dernièrement. Arrive ensuite Abyss et sa musique, ses ambiances décrivant très bien l'axe du titre. Des notes de piano errent dans un bouillon sonore constitué de filaments acuités et d'une faune tonale mieux exposée par la présence de bouillons et de remous sous-marins. Les ambiances sont taciturnes avec des pointes dramatiques démontrant l'intensité qui se dégage de cette flore sonore. On y entend des élans fantômes et leurs rebonds élastiques, des arrangements dantesques et des ossatures de rythmes vite absorbés par la puissance de ces remous silencieux, alors que la multitude d'effets sonores démontre l'amplitude artistique des modulaires et notamment du système Buchla 200e. Fascinant, intense et puissant, on ne s'est pas ennuyé tout au long des 11 minutes.
C'est d'ailleurs avec ces froissements de rythme fantôme que l'on passe à Hydrostatic Equilibrium. Tout de suite, on remarque l'intensité qui se dégage des clapotis d'eau et d'un bourdonnement sourd avec la montée d'une ligne de synthé prismatique dont l'ombre soumet sa part de mélodie et ses rires moqueurs. Peu à peu, une mélodie rythmique nait derrière ces ombres de trompettes apocalyptique. Tissant une phase circulaire saccadée, cette mélodie rythmique chevauche ces ambiguïtés stridentes dans une délicieuse phase conçue pour ces oreilles gourmandes de sons et de surprises sonores. Et THE DIVER en est plein! Le rythme choisi son évasion au point de la 4ième minute, laissant ce délicat piano tisser sa mélodie mélancolique plus complète ici que dans Abyss. Ses 5 notes à la file indienne réorientent la musique vers ce rythme passé à la déchiqueteuse qui tournoie paresseusement jusqu'à affronter une tempête de wiisshh stridents. Le ver-d'oreille forgé, Hydrostatic Equilibrium amène sa structure dans une phase atmosphérique où diverses sources de tintements et drones résonnants nous traîne au dernier chapitre de ce second album de Lyonel Bauchet, The Edge. Ce véritable happening musical débute avec l'ombre de son prédécesseur avec une structure frêle dont les carillons peinent à se faire entendre. Ces effets réverbérants traînent avec une palettes d'effets sonores, autant disparates qu'organiques, sur une structure mue par une nappe de basses pulsations. Peu à peu, une ossature rythmique se greffe à ce fascinant crescendo qui ne cesse d'ajouter un poids mélodramatique à The Edge qui navigue par-dessus tout en pleine tempête de wiisshh et de woosshh qui se calme en même temps que ces pulsations caoutchouteuses à l'orée de la 9ième minute. Laissant ainsi le soin à Lyonel Bauchet de fermer l'imaginaire de son Buchla 200e.
Que de chemin parcouru par le synthésiste français depuis The Secret Society! THE DIVER nous plonge dans un mystérieux univers sonore conçu de façon à nous étonner en même temps que charmer. Effectivement, il y a des moments pas si facile à apprivoiser, alors que d'autres nous happe illico. Signe que Lyonel Bauchet a soufflé le chaud et le froid afin de nous attirer dans ses nébuleuses toiles d'une musique avant-gardiste. Un album plein de lents rebondissements que vous n'entendrez pas ailleurs!
Sylvain Lupari (11/09/21) ****½*
Disponible chez DiN Music
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