“Cet album doit être le plus inattendu et le meilleur jusqu'ici cette année. Pour les fans de rock psy-cosmique vintage avec un zeste de rythmes modernes”
1 The Intergalactic Corridor B3-B4 14:31 2 Nitro's Neurosoup Concoction 9:24 3 Fratman Glancy & The Explorer Society 7:25 4 Mr. Natural Amusement Park at 6 a.m. 11:02 5 The Disputable Beauty of Miss V.Z. 13:27 6 The Sweet Turned Sour 19:44 Deserted Island Music | DIM-004 (CD 75:33) (Psybient, Berlin School)
Une sourde explosion qui se transforme en un long bourdonnement gutturale, une voix derrière un rideau de bois qui marmonne des paroles dont les échos forment des traits de paroles saccadés et des riffs d'une six-cordes électrique qui roulent en boucles serrées. C'est ce décor sonique qui introduit la ballade psychédélique hypnotique de The Intergalactic Corridor B3-B4. De délicats effets électroniques accompagnent ces riffs qui coulent maintenant dans une approche harmonique que l'on peut aisément comparer au jeu de guitare de Manuel Gottsching. En fait, d'autres accords de guitare se joignent pour approfondir le jeu mélodieux de Petter Janse alors qu'une ligne de basse crache ses pulsations qui résonnent de plus en plus. Et toujours ce synthé qui lance des filtres aux couleurs toxiques et qui enserrent le ballet sphéroïdale de The Intergalactic Corridor B3-B4 qui peu à peu se sauve vers Nitro's Neurosoup Concoction. Vous aimez ces titres? Vous y comprenez quelque chose? Ils sont aussi insolites que la musique de Mäläskä, le dernier projet de Remy qui a vu le jour au printemps 2016 autour de sessions improvisées avec le guitariste Petter Janse. Dans un univers qui nous plonge dans l'acide psychédélique des années Ohr, UNCLE JIM'S CIDNEY FACTORY est d'une audace à couper le souffle. Audace parce que Remy et Petter Janse revisitent un style que plusieurs jugeaient aussi étiolé que non nécessaire avec une approche où les genres de Ashra et Amon Düül transpirent dans un climat de modernité. Si par moments nous avons carrément l'impression de plonger dans cet univers psychédélique sans contrastes des années 70, ce conte musical inspiré par des drop outs d'un highschool du Michigan embrasse aussi les parfums d'un Klaus Schulze contemporain ou d'un Brian Eno plus sombre et ténébreux que jamais. Construit autour d'une douzaine d'heures de sessions improvisées, comme à la belle époque, l'essence de UNCLE JIM'S CIDNEY FACTORY est quasiment pure parce que le duo l'a laissé tel quel lors du mixage final. D'où son charme insoutenable et totalement inexplicable.
Des tintements et des effets de basse, on dirait les lents mouvements d'un sous-marin coincé dans une tempête sous-marine, sortent Nitro's Neurosoup Concoction des griffes somnambuliques de The Intergalactic Corridor B3-B4. Le mouvement est plus agité avec de bonnes percussions électroniques qui soudoient l'univers électronique sculpté sur des cerceaux moirés et des voix éteintes que seule l'imagination peut décoder. Le rythme est entraînant, comme ces belles ritournelles technoïdes de Manuel Gottsching. Un parallèle que l'on peut ignorer parce que l'essence du fondateur d'Ashra est réellement omniprésente dans le jeu de Petter Janse. Des voix de spectres se chamaillent au-dessus des boucles de rythmes alors qu'un séquenceur découd une ligne rapide et saccadée. Le rythme est divisé en 3 parties où la techno et la danse emportent la mise sur une structure électronique qui au final amènera Nitro's Neurosoup Concoction vers le tranquille et ambiant noir Fratman Glancy & The Explorer Society. Ici, les souffles sont caverneux et les nappes d'orgue d'église très dérangeante si l'on a peur des ambiances noires. On flotte entre du Schulze et du Eno ici de par l'atone des ambiances qui éparpillera quelques accords perdus qui structureront la base du rythme aussi sournois qu'une danse d'un grand pélican sur l'acide de Mr. Natural Amusement Park at 6 a.m. J'adore ce morceau et la première impression qui me vient à l'esprit est cette musique de Matthias Thurow dans son indélogeable Cornucopia. Mais je ne suis pas à bout de mes surprises! The Disputable Beauty of Miss V.Z. va vous jeter par terre avec son rock très agressif où rôdent des ambiances d'un Klaus Schulze, notamment au niveau du synthé, très contemporain. Genre les années XYZ. C'est sans doute l'un des rocks électronique des plus intelligents que j'ai entendu. La balance entre le rythme très énergique, suspendu par un très beau mariage entre les percussions et les pulsations oscillatrices des basses séquences, et les effets de synthé, dont les solos élastiques sont comme des lassos électroniques qui veulent happer le temps, est un véritable délice pour les amateurs de musique et de sons. The Sweet Turned Sour nous présente une introduction lourde d'ambiances nébuleuses avec de lointaines brises caverneuses qui font éclore un délicat chapelet de séquences miroitantes. Les ions gambadent dans une approche minimaliste envoûtante et finissent par tisser une délicate mélodie tisseuse de ver-d'oreille. On se croirait dans les territoires du chef-d'œuvre de Remy, Exhibition of Dreams mais avec des effets encore plus dérangeant. Si des cognements bizarres, on dirait des riffs qui éternuent, maculent les charmes de The Sweet Turned Sour, la guitare de Petter Janse réoriente sa beauté avec des fines lignes éthérées et des larmes soupirantes alors que le titre escalade de plus en plus les cimes de l'intensité. Et peu à peu, la discorde naît de cette amplitude qui clôture cette fascinante et obsédante ascension de The Sweet Turned Sour.
UNCLE JIM'S CIDNEY FACTORY fait partie de ces albums que personne n'attendait et qui laisse définitivement sa marque. L'équilibre entre le rythme cosmique, l'approche de danse technoïde et les ambiances flottantes est parfaitement réussi et fait que l'album éclot entre nos oreilles comme une suite de cadeaux tous aussi beaux l'un des autres. Mäläskä; un nom à retenir et UNCLE JIM'S CIDNEY FACTORY est un album qu'il faut posséder et écouter, si possible mais non essentiel, avec une bonne paire d'écouteurs afin de faciliter ce superbe voyage entre les époques d'une musique qui ne semble jamais être à bout de ressources...Tant qu'il y a des artistes comme Remy, et il y en a, la MÉ est entre bonnes mains. Faut juste aiguiser nos oreilles!
Sylvain Lupari (08/09/16) ****¾*
Disponible au Remy Stroomer Bandcamp
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