"Peut-être le berceau de la England School tel qu'on peut l'imaginer, Legion est un superbe album construit sur un séquenceur sauvage et des mélodies très captivantes"
1 Legion 5:28 2 Storm Column 5:08 3 Flagg 8:24 4 Sybex Factor 5:18 5 Domain 7 6:29 6 Icon 3:56 7 The Stand 5:34Bonus Tracks 8 Legion (Space Mix) 5:50 9 Hammer & Cross 3:51 Centaur Discs Ltd CENCD 006
(CD 50:05) (England School)
Amateur de films et de livres d'épouvante? Inconditionnels de Stephen King? Que diriez-vous d'entendre en musique le livre Le Fléau (The Stand)? C'est visiblement inspiré par ce livre que Mark Shreeve a construit les 7 titres, les 40 minutes de son 8ième album solo. LEGION se démarque un peu du genre plus exploratoire des premiers albums solos de Mark Shreeve avec des compositions plus courtes et plus explosives. Une MÉ entraînante conçue autour de gros patterns de séquenceur, de synthé au style plus synth-pop et d'échantillonnages visiblement soutirés aux librairies soniques des films d'horreur des années 80. C'est sans l'ombre d'un doute l'album le plus rock de la England School à l'époque où Tangerine Dream enchantait encore des milliers de fans et des dizaines musiciens avec sa tournée Underwater Sunlight en 1986. C'est aussi possiblement l'album phare de la réponse des artistes Anglais au Berlin School. Mouvement qui expédiait la MÉ dans des bases plus rock et qui se pointait les oreilles avec l'émergence d'Ian Boddy, Andy Pickford, David Wright et Wavestar, pour ne nommer que ceux-là. En ce qui me concerne c'est l'album le plus pop, le plus lourd et le plus entraînant que j'ai entendu dans le merveilleux monde de la Musique Électronique. Un opus lourd avec des rythmes saccadés et débridés qui sont soutenus par un séquenceur et des percussions électroniques roulant à perdre haleine afin de soutenir des mélodies tout simplement simples, efficaces et foutrement accrocheuses. Un album qui vieillit tout de même assez bien!
Utilisant au maximum les échantillonnages, LEGION est truffé de clins d'œil sataniques. C'est donc avec une étrange incantation, aux allures de Messe Noire, qu'une grosse et pesante ligne de basses séquences, comme une basse, ouvre la procession de Legion. Dès lors le rythme devient rapide. Il tousse en saccade sur de bonnes percussions, des notes métalliques et un séquenceur ultra pesant et puissant qui sculpte un rythme hard et heavy avec le concert d'une nuée de notes percutantes qui déboulent telles des percussions endiablées. Par la suite le rythme devient tribal. De grosses percussions genre trance music (qui ont sans doute inspirées Juno Reactor) repoussent les limites sur des nappes de synthé un brin philharmonique, mais qui sonnent comme des riffs de guitare. C'est un titre à la fois lourd et rapide et totalement démoniaque que vous avez sans doute entendu. Car il faisait partie de la trame sonore du film; Le diamant du Nil en plus de tourner régulièrement sur les planchers de danse, comme en font foi les mix et les 7'' à avoir été réalisé à cette époque. Ce coup de canon n'est pas isolé. Il y a plusieurs autres titres très rythmés qui sont animés par un séquenceur aussi lourd que fluide. Comme Sybex Factor avec ses percussions martelantes et ses longs solos de synthé combinés à ceux de la guitare de Chrissie Bonnacci. Il y a Icon avec son rythme débridé et le séquenceur ultra nerveux, et aussi rapide que celui de Chris Franke par exemple, ainsi que ces ailes métalliques et ces cris de chauve-souris. Finalement, il y a Hammer & Cross qui est arrivé sur le tard. C'est un titre en prime qui est apparu sur la 1ière édition CD de Centaur Discs.
Les mélodies y sont toujours bien ancrées. Et il y en a qui sont tout simplement accrocheuses. Comme sur Storm Column qui roule sur une structure de rythme aussi sauvage, aussi saccadée que la pièce-titre. C'est un titre pesant et nerveux avec des chœurs légers et mélodieux qui sont en harmonies avec un synthé très aiguisé. D'ailleurs ce mélange d'échantillonnages de voix sur un rythme si saccadé est tout à fait génial. Flagg est un autre coup de génie! La plus longue pièce de LEGION ouvre avec une intro très lugubre, comme dans un film d'horreur de série B. Un petit clavier tourne une mélodie en une comptine menaçante sur un une ligne de séquences diaboliques qui accélère la cadence dans les longues lignes sinueuses d'un synthé magnétisant. Le rythme martèle une marche lente, par moments ça ressemble à une marche de zombies vitaminés, et encore là l'échantillonnage est superbement réussi. Avec Domain 7 on se croirait être dans un marais surréaliste avec des oiseaux et des loups qui cohabitent sur des envolées de violons et un clavier style harmonium qui plane avec de superbes envolées soyeuses dont les lignes épousent les longues courbes sensuelles d'une guitare électrique sombre et suggestive de Pat McManus. L'effet est démoniaque! Et encore plus avec les cordes de violon qui résonnent sur des nappes un peu plus symphoniques. La guitare est sublime. On la sent se faire gratter les cordes tant l'effet est réaliste. Étant plus sentimental que rocker, c'est mon titre préféré. Mais après The Stand où on entend un synthé qui pleure et qui souffre dans une enveloppe de mélancolie que l'on palpe avec les fils de notre âme. Derrière une structure de rythme plus lente et des effets de brume, une ligne de synthé mue ses harmonies en ceux d'une trompette. Ça vient faire lever le dernier des poils qui a résisté à l'envie de lever tout au long de cette aventure qu'est LEGION. Pas par sa rudesse mais par sa sensibilité et la mainmise du mal qui semble triompher. On dirait du Ennio Morriconne qui aurait fait un pacte avec le Diable dans une finale plus mexicaine que Méphistophélique. Mais les pleurs d'un bébé nous ramènent à la réalité derrière les préceptes de LEGION. Même si plus près d'un synth-pop, assez progressif et très travaillé en revanche, que les autres albums de Mark Shreeve, LEGION reste une œuvre incontournable. Juste à voir le prix demandé sur Ebay on comprend son importance dans l'échiquier de la MÉ contemporaine. C'est le genre d'environnement qui peut plaire tant aux amateurs de musique Gothique, même si par moments les mélodies sont à fleur de peau, de synth pop et de MÉ lourde qui rock. Tout est bien structurée. C'est une musique bourrée d'échantillonnages surprenants et de séquences débridées qui conserve malgré ces deux éléments toute sa dimension mélodique. Très bon...Reste juste qu'un jour Mark Shreeve se décide à le rééditer, parce que le prix demandé sur eBay est plus près du vol que de plaire aux fans de Mark Shreeve.
Sylvain Lupari (08/09/06) *****
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