“Pour les fans d'Eno/Fripp avec de longues lamentations de guitare abstraites qui nous plongent dans les territoires sombres de la musique ambiante”
1 Kandi 6:41
2 Patricia 4:58
3 Francesca 4:38
4 Lorena 5:45
5 Olga 5:05
6 Veronica 6:35
7 Valentina 4:12
8 Julia 6:05
9 Brigitte 4:44
10 Josefine 6:57
11 Roberta 5:29
12 Michaela 6:32
13 Gabrielle 9:54
(DDL 78:06) (V.F.)
(Ambient & experimental Touch Guitar)
On connait le nom de Markus Reuter pour ses collaborations avec Ian Boddy et plus dernièrement avec Stephen Parsick. Figure dominante dans les cercles de musique ambiante progressive, il nous présente son dernier album solo depuis Trepanation, paru en 2009. Son 7ième depuis Taster en 1997. Que ce soit avec Centrozoon, avec Bernhard Wöstheinrich et autres duo, le guitariste allemand apporte une sulfureuse dimension à des ambiances soniques qui s'enrichissent de son vocabulaire abstrait. Faut entendre Colour Division avec Ian Boddy et Ceasing To Exist avec Stephen Parsick, afin de saisir toute la dimension de cet habile sculpteur d'ambiances énigmatiques qui verse ses larmes et ses ardentes strates de guitares dont les lentes boucles et les longues agonies fusionnent en de nébuleuses ondes vampiriques et donnent une texture sonique intrigante à une musique méditative qui se teint de noir. En solitaire, l'effet est plutôt différent. SULTRY KISSING LOUNGE est un recueil sonique de 13 titres où Markus Reuter triture et exorcise sa Touch Guitar afin de lui donner des airs de Robert Fripp qui cherche les ambiances linéales de Brian Eno dans des capsules soniques dépourvues de rythmes. À juste titre, cette référence au duo est tout indiqué pour décrire l'album. Tant que nos oreilles en sont parfois toutes mélangées.
C'est dans le cadre de la tournée The Crimson ProjeKCt, qui a eu lieu en Europe au printemps 2014, que les bases de cet album ont été composé, joué et enregistré. Ce projet, qui inclut la participation d'artistes aussi renommés qu'Adrian Belew, Tony Levin, Pat Mastelotto, Markus Reuter, Tobias Ralph, et Julie Stick est un hommage aux œuvres de King Crimson. Et c'est Markus Reuter qui ouvrait les spectacles avec de courts intermèdes auxquelles il a donné des noms de femme. Kandi se présente à nos oreilles de façon timide. De fines ondes cartésiennes flottent comme des spectres dans le noir. On y entend de délicates pulsations qui sont étouffées par de lents mouvements arythmiques dont les remous créent d'immenses vagues soniques somme toutes très affectueuses. Intelligent dans sa présentation, Markus Reuter instaure un genre de crescendo sonique qui monte graduellement au fil des titres. Des titres pour la plupart improvisées où les ondes Frippertroniques flottent comme des souvenirs égarés dans nos tiroirs d'incompréhensibilité. Parce qu'ici, la survie de SULTRY KISSING LOUNGE est liée à notre degré de tolérance. Derrière ces murs de tritures, fritures et bruits organiques d'une faune métallique se cachent des nappes de guitare en forme de solos flottants comme dans Patricia, Veronica, et Roberta qui respirent les airs de nomades ambiants d'Erik Wollo. Des airs que l'on retrouve aussi sur le très beau et pénétrant Michaela. Il y a des titres plus ou moins tranquilles mais avec beaucoup d'émotions comme justement Kandi, Francesca, la douce et noire Olga ainsi que les très ambiants Valentina et Julia. Sans oublier Gabrielle qui nous enveloppe de ses ailes noires. Il y a des odes dramatiques. Des trames soniques noires et intenses comme dans Lorena, Brigitte et Josefine qui baignent dans des lourdes nappes réverbérantes et des lamentations de guitare Frippiennes. Des nappes qui planent ici et là à la longueur de ce recueil d'improvisations de Markus Reuter mais qui flottent sur ces titres avec plus d'insistance. Et avec la façon dont Gabrielle conclut l'album, on comprend que Markus Reuter avait encore du jus dans les doigts.
SULTRY KISSING LOUNGE est un album qui n'est pas à la portée de toutes les oreilles. D'ailleurs, il y a beaucoup d'oreilles qui croiraient entendre les mêmes airs tellement ces structures d'ambiances Frippertroniques sont moulées dans les mêmes parfums hallucinogènes. C'est un album aux ambiances très ectoplasmiques où la Touch Guitar de Markus Reuter hurle des lamentations aux fluidités métalliques comme chante des sombres airs enjôleurs qui éraflent une ouïe des plus curieuse. Les amateurs de Robert Fripp et Brian Eno, de même que Centrozoon et Markus Reuter vont tout simplement s'en délecter.
Sylvain Lupari (4 Juillet 2014) ***½**
Disponible au Markus Reuter Bandcamp
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