“Chapeau Martin Stürtzer pour cet excellent festin de séquenceur”
1 Exosolar Coordinates 44:02
2 Birth of Pulsar 27:49
3 Lunar Projection 13:29
4 Molecular Clouds 30:04
5 Uncharted Systems 10:36
6 Gateway Network 30:06
(DDL 156:10)
(Sequencer-based Berlin School)
Le moins qu'on puisse dire est que Martin Stürtzer n'a pas chômé depuis la pandémie. Le brillant synthésiste Allemand s'est fait une belle réputation avec sa série de prestations en direct de son studio intitulée Stay at Home. DYSON SPHERE ALPHA est la résultante de ses sessions d'improvisation qui ont été offertes à un public de plus en plus large en début octobre. Cet album offert uniquement en téléchargement contient 6 titres pour flirter avec près de 3 heures de MÉ de style Berlin School. Chaque titre est conçu de façon à créer un lien hypnotique avec l'auditeur qui plonge dans un état d'hibernation passager pour en sortir revigorer par cette source de musique parfois sans vie rythmique mais toujours avec une émotion que Stürtzer partage avec son invité.
Et ça débute avec le très long Exosolar Coordinates. Ses oblongs woosshh sillonnent le vide intersidéral que nous imaginons les yeux rivés à nos oreilles. Déjà, le ton chevrote comme si le musicien était incertain devant le choix de ses tonalités. C'est ainsi qu'hybride cette première onde de synthé souffle le sombre comme la luminosité dans des premières minutes où une autre ligne dessine des courbes évanescentes, comme une sourde lamentation berbère. Une portion du vent siffle lorsqu'une chante et que l'autre expire ses sourdes réverbérations qui cherchent constamment à renverser les couleurs de cette longue introduction afin de le lier à un savoureux Berlin School. Il faut savoir attendre et Martin Stürtzer fait les choses correctement en sculptant une autoroute abstraite où chaque corridor possède ses couleurs. Et celles de l'intensité déteint sur les autres. Chaque segment de Exosolar Coordinates vient avec une modification qui stimule l'écoute. Il y a des lames de synthé qui se distancent en donnant des frissons sur la surface de nos bras, alors que d'autres dessinent des remous spatiaux qui roulent sur eux-mêmes. C'est ainsi que la portion la plus intense, celle évoluant avec un lent crescendo d'émotivité, atteint son pinacle lorsque le rythme se forme après la 18ième minute. Les battements qui se chevauchent peinent à franchir cette intensité que la ligne dominatrice de cette ouverture a su tailler dans cette masse sonore tout de même assez musicale. Le rythme est ambiant et stable avec un attirance hypnotique alors que cette oblongue masse d'ondes synthétisées défend ses couleurs et sa passion devant une structure de rythme qui tranquillement impose sa présence. C'est tout un combat qui s'installe entre nos oreilles. La stridence des vents s'intensifie devant l'amplification du séquenceur qui sculpte une ligne de rythme avec des oscillations plus serrées et plus vives. Nous sommes dans le meilleur de Exosolar Coordinates alors que les premières trompettes du synthé appellent au renfort. On vient à peine de franchir la terre du milieu et l'ouverture concède la domination de cette phase 2 du plus long titre de DYSON SPHERE ALPHA. Spasmodique et chambranlante, la structure de rythme déploie les visions et les visées du séquenceur dans un ordre établit, ajoutant quelques délices percussifs ici et là alors que des ions martelés plus incisivement ajoutent couleur et fluidité. Des nappes de voix séraphiques se sont insérées dans cet énorme voile synthétisé où la couleur et la chaleur sont des éléments qui charment toujours autant. Nous arrivons à la 40ième minute où Exosolar Coordinates démontre encore une fois cette fougue des synthétiseurs qui ont soufflé intensité, passion et amour à un long titre qui mérite chacune de ses secondes. Ainsi est fait Exosolar Coordinates, et ainsi seront fait les 5 autres structures de ce monument que vient tout juste d'offrir le musicien à ses fans et aux aficionados de la musique électronique (MÉ) vintage.
C'est une onde de réverbération qui libère Birth of Pulsar du silence. Cette onde flotte comme une ombre dans l'étain, effectuant ses arabesques dans une noirceur cosmique où seul le son a une forme visible derrière nos paupières mi-closes. Martin Stürtzer a cette facilité d'introduire une tonalité plus lumineuse dont le contraste est comme une piqure excitant les neurones. Ainsi, nous dérivons dans ce cosmos comme si on valsait avec notre ombre dans les secrets de notre dimension. Et lorsque la tension baisse, les balbutiements du séquenceur font dériver la musique comme si elle se dissipait devant l'incertitude de ses premiers pas. Il est plus ferme et décidé ici que dans Exosolar Coordinates. Répliquant aux morsures des drones, il puise dans ses réserves afin de créer un rythme lent et ferme auquel il ajoute des ions nappés de distorsions, de bruits blancs. Tout en haut, tout autour les drones attaquent en écrivant de longs cercles comme un piège se rétrécissant. Ce combat est un délice pour l'imagination vitaminée par tant d'agressivité. C'est alors, après la 18ième minute, que le séquenceur initie un rythme qui fait dans le très Tangerine Dream, alors que Chris Franke était au sommet de son art, et qui nous amène jusqu'à la finale de Birth of Pulsar. C'est dans une tempête cosmique et magnétique que débute Lunar Projection. Ce premier titre sans rythme repose sur la férocité des synthétiseurs à produire un plafond sonore qui est bas et qui expire la tourmente avec une lourdeur atmosphérique cisaillée par des stries multicolores et multisonores. Pas besoin de rythme ici car les impulsions des ondes de synthés assurent une lourde structure ambiante rempli d'effets comme de tonalités qui alimentent les extrêmes. Cette masse lourde développe des éléments percussifs ainsi que des remous statiques ayant une forme de voix déformée, un peu comme si une créature aquatique cherchait à communiquer derrière cette armada d'ondes synthétisées. Intense et ambiant, Lunar Projection se termine en laissant une empreinte psybient qui se répercute dans l'écho des différents effets percussifs tenus au silence derrière sa lourde masse arythmique.
Dans ses premières minutes, Molecular Clouds est le titre le plus méditatif de DYSON SPHERE ALPHA. Sa première partie est illuminée par des nappes de synthé morphique aux saveurs de Martin Stürtzer. J'aime aussi entendre ces chants aussi pointus qu'un trompettiste sur le bord du désespoir. Tout ça nous amène vers une structure de rythme, entre la 13ième et la 14ième minute, aussi méditative que le lit des ses ambiances. Une ligne de basse infiltre le rythme quelques 3 minutes plus loin, amenant un son grave et un rythme plus lourd avec des ions agiles habillés de marron. J'aime aussi ces effets de ressorts réverbérants qui éclatent en disant bizzzz…Bref un titre évoluant avec une palette de charmes aussi séduisants, rythme inclut, que la structure de Birth of Pulsar. Avec un rythme vif et jouant avec les bonds de son écho, Uncharted Systems occupe une place à part dans cet album. Martin Stürtzer déploie son aise avec le séquenceur en multipliant des lignes de rythmes qui se longent et se rencontrent dans un carrefour rythmique assez unique. Son ciel est orné de filaments résonnant dont les réverbérations n'ont aucun impact sur une direction rythmique soutenue par une stupéfiante coordination, nous sommes en direct ici, qui laisse toujours sa place à un quelconque ajout. Entrainant et vivant, même lorsque le rythme rencontre une cellule plus nourrie des synthétiseurs qui sont tout de même assez sobre devant ce défilé à grande vitesse. Un amateur de séquenceur comme moi est juste au paradis avec cet album qui ne cesse de surprendre. Et ce n'est pas avec le rythme lourd de Gateway Network, naissant 30 secondes après la 9ième minute que ça va se calmer. Bien au contraire! Profitant d'un contexte aussi idéal que celui dans Birth of Pulsar, ce titre clôturant cette imposante collection de MÉ animée par séquenceur y va pour un rythme lourd et dont la structure ascendante accueille différentes éclosions de séquences plus vives, plus affamée de vitesse.
Entre la musique ambiante et les rythmes électronique il n'y a que quelques minutes d'écart dans cet étonnant album dédié pour tous les friands de rythmes lourds, stationnaires, enlevants et/ou mélodieux. DYSON SPHERE ALPHA est un excellent album qui d'emblée peut faire peur avec les durées des titres présentés. Mais tout est bien balancé et aucune seconde n'est perdue dans cette impressionnante collection de titres improvisés joués en direct les dimanches soir d'octobre 2021. Chapeau Martin Stürtzer!
Sylvain Lupari (15/11/21) *****
Disponible au Martin Stürtzer Bandcamp
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