“Les fans ne seront pas déçus avec un album partagé entre du Dark Ambient et du Berlin School”
1 Celestial Sphere 10:10
2 Doppler Shift 10:39
3 Chromospheric Activity 20:06
(Vinyl/DDL 40:55)
(Dark Ambient, Berlin School)
La musique électronique (MÉ) n'échappe pas à cette nouvelle vague qui déferle dans l'industrie de la musique; le retour des albums vinyles. Il y a une recrudescence à ce niveau, notamment avec le label DiN et des artistes indépendants, pensons à l'excellent Flying From Berlin to Paris de Kurtz Mindfields. Et c'est au tour de Martin Stürtzer de proposer un nouvel album en format vinyle. Composé en 2021, EPSILON ERIDANI est proposé autant en vinyle qu'en format téléchargeable dans une masterisation optimale, pour obtenir le meilleur son possible, réalisée par Peter Anderson du label Raison d'Être. Comme les bons vinyles de l'époque, chaque face comprend une 20taine de minutes réparties entre du Berlin School, pour le côté A, et de la musique ambiante ténébreuse pleine de paysages sonores atmosphériques et de modulations analogiques pour l'autre côté du vinyle.
Après une ouverture atmosphérique d'une centaine de secondes, Celestial Sphere propose un rythme ambiant avec un séquenceur qui fait danser une ligne d'arpèges en suspension dont les douces ondulations tempérées font serpenter ce rythme, à prime abord aussi délicat que la marche d'un Bambi sur un étang gelé, en une structure ascendante. D'autres arpèges flottants viennent se greffer à ce mouvement minimaliste qui trouve sa richesse dans l'étendue d'une nappe de basse et de ses élans sourds mais ponctués. La floraison tonale repose sur une nappe bourdonnante et l'éclat des différentes tonalités des arpèges qui viennent y virevolter. Le musicien-synthésiste de Wuppertal ajoute continuellement de ces arpèges afin de modifier légèrement l'ossature rythmique qui secoue ses lents spasmes comme un gros boa bien reput. Le synthé laisse partir des lignes ondoyantes dans un firmament scintillant où les arpèges et les basses séquences deviennent des étoiles inertes qui sont trappées dans une zone d'attraction, entrecroisant leur destinée dans un corridor dont le silence est trompé par la résonnance caoutchouteuse de ses ions sauteurs. Doppler Shift propose une ouverture, qui dure aussi une centaine de secondes, remplie de particules interstellaires qui tournoient dans une spirale de vents sombres. La nappe de basse y pousse déjà ses soupirs, poussant le séquenceur à sculpter une ligne de rythme plus vivide dont la vitesse oscillatoire est hachurée par des ions sauteurs qui tombent sèchement. Ça donne une structure de rythme spasmodique qui sautille sur la résonnance et les mouvements élancés d'une nappe de basse qui fredonne une mélodie fantôme qui fait son lit dans l'oreille. L'effet donne un superbe contraste entre la lenteur rampante, un peu groovy même, de la basse versus le dynamisme du séquenceur.
La Face B est entièrement occupée par Chromospheric Activity. Ce phénomène interstellaire est dépeint avec justesse à travers les 20 minutes de ce long titre atmosphérique où les couches de synthé s'agglutinent et s'empilent dans un lent ballet astral. Le plafond sonore est constitué de nappes bourdonnantes. Elles ronronnent et vibrionnent dans une vision industrielle, amplifiant encore plus l'intensité dans les couleurs des couches de synthé qui vont et viennent comme les lentes éruptions des activités chromosphériques autour d'un astre qui est visualisé de très loin. Chromospheric Activity est divisée en deux phases. Si ses10 premières minutes flirtent avec une texture de musique atmosphérique quasiment onirique, c'est très différent lorsque les gros bourdonnements d'un engin spatial attaque nos oreilles vers la 10ième minute. Dès lors, ce long titre devient du Dark Ambient rempli de drones sonores, de réverbérations corrosives et de voix chtoniennes. Si les faibles couches de synthé luisent d'un bleu acrylique, la masse de son bourdonnante maintien leurs reflets irisés dans une noirceur abyssale qui nous permet à peine d'entendre leurs dernières empreintes respiratoires. C'est du gros Dark Ambient imaginé dans un des trous noirs du Cosmos. Et l'effet est encore plus saisissant sur des haut-parleurs et un bon caisson de grave.
Les amateurs de Martin Stürtzer ne seront pas déçu de EPSILON ERIDANI! On retrouve les styles et la signature usuels du musicien-synthésiste Allemand qui est autant à l'aise dans son style de Berlin School, qu'il mélange assez bien avec du Dub Ambient, que dans ses longues odyssées de musique atmosphérique toujours conçue sur différents niveaux d'intensité. Et même s'il cible deux clientèles différentes, il est fort probable qu'elles soient attirées par les deux genres musicaux proposés dans ce nouvel album offert en vinyle et en téléchargement seulement.
Sylvain Lupari (02/07/22) ***¾**
Disponible au Martin Stürtzer Bandcamp
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