“Voici un album étonnant par un autre artiste qui apporte son vent de fraîcheur dans la MÉ du style Berlin School progressif et cosmique”
1 Event Horizon 11:16
2 Cluster Anomaly 9:50
3 Super Black Hole 4:16
4 Farcaster 14:39
5 Interplanetary 8:16
6 Formation Mechanisms 10:04
7 Roundtrip 10:15
(CD/DDL 68:39)
(Cosmic Berlin School)
C'est dans une enveloppe morphique que les premiers balbutiements oscillatoires animent la vie électronique de Event Horizon. Comme dans une grossière chorégraphie pour ballerines faites de particules soniques, le rythme se détache par bulles oscillatrices pour flotter dans le néant et effectuer des roulades pour revenir à la même place. Le mouvement est lent avec des amples bonds, comme des enjambées de géants au ralenti, et Martin Stürtzer arrime à cette structure des effets d'écho pour 3 bips sonores et des masses de brumes solides où le synthé lance des nappes qui s'étirent en solos planants et plaintifs. Des ions réverbérants étendent leurs radiations dans cet univers où les solos de synthés possèdent ces arômes très Tangerine Dream des années Logos et où d'autres ions rythmiques sautillent avec fluidité, ajoutant une précieuse profondeur à une structure minimaliste dont la survie en dépend. Event Horizon frappe une bulle ambiante et d'ambiances au milieu de son parcours. Une bulle où le séquenceur réoriente son imagination en libérant une série d’ions sauteurs qui enrichissent cette nouvelle identité en créant une carrefour rythmique qui vient à peine de sortir de son embouteillage. Riche en créativité, cette bulle perce pour laisser passer un Event Horizon revampé, tant au niveau rythme que les éléments qui l'entoure.
J'ai bien aimé découvrir l'univers de Martin Stürtzer sur le label américain Synphaera Records avec son album Far Beyond the Stars. Parallèlement le musicien Allemand travaillait sur la musique de FARCASTER, technologie dans le fictif univers de Hyperion permettant le transport entre les mondes connectés sans écart de temps, qui est un album fait à partir de sessions d'improvisation enregistrées en Mars dernier et masterisé en 24 Bits. On y trouve ici ces mêmes éléments de rythmes statiques et d'oscillations dansantes que sur Far Beyond the Stars et le titre introductif nous a conduit dans ces mêmes territoires défrichées par des chemins minimalistes où, l'imagination aidant toujours un peu, nous pouvons voir autant qu'entendre ces armadas de boules oscillatrices et de séquences abandonnées danser et résonner tout autour de nous. Cluster Anomaly s'invite avec un rythme ambiant lent structuré sur une ligne de basse dont le large rayon supporte des battements primitifs et leurs échos. Les oscillations émergent dont ne sait où, mais elles palpitent en laissant sur leur passage un doux effet d'écho propice à éveiller d'autres séquences et oscillations gambadant et sautillant innocemment sur une route devenue embrumée. Issu de la même soirée d'improvisation, Super Black Hole termine cette première soirée du 24 Mars sur une note ambiante et enveloppante qui aurait besoin d'un meilleur fade-out.
La pièce-titre est issue d'une session d'enregistrement, avec overdub et tout le reste, en Janvier 20. Elle se démarque en premier lieu pour sa sonorité, qui est nettement supérieure, et par son enveloppe, qui en fait un impressionnant Berlin School du genre Redshift ou Ron Boots qui est parti comme un train fou. Des cliquetis, comme des touches de télégraphes, dansent sur une nappe de synthé jamais complétée qui va et vient jusqu'à ce que le séquenceur oublie une ligne qui déboule avec ferveur. Le rythme est lourd, noir et puissant. Infatigables, les 4 ions sauteurs reviennent à la queue leu leu dans un furieux rythme qui se laisse caresser par des nappes qui jamais ne tentent de le ralentir. Le clavier fait équipe en libérant des notes dont la fonction mélodie agrémente la course du séquenceur et de ses subtiles inclinaisons qui altèrent seulement qu'un peu sa rigidité robotique. Ce puissant Berlin School fonctionne à plein régime avant de se laisser happer par les sortilèges des brumes anesthésiantes autour des 9 minutes. Là où le Mellotron fait chanter ses nappes anesthésiantes dans un bon moment de sérénité, avant que Farcaster ne reprenne ses énergies peu à peu dans un dernier tour tout aussi endiablé. C'est un énorme Berlin School que Martin Stürtzer nous offre avant la deuxième et dernière soirée d'improvisation qui s'est tenu le 31 Mars.
Autre soirée et autres tonalités, qui font vraiment vintage et qui m'ont réellement surpris dans l'introduction de Interplanetary. Nous avons droit ici à un autre excellent Berlin School qui sonne comme du très bon Under the Dome. Sur un rythme statique, les billes et les boucles oscillatrices dansent en entrecroisant leurs courts trajectoires dans un long tube verticale nourri des résonances de leurs tonalités. Formation Mechanisms suit un peu cette tangente Berlin School avec des séries de boules séquencées qui virevoltent dans un énorme boulier. On sent les sourdes implosions poussées les élans du séquenceur dans une toile de brume métallisée par une essence sibylline. Mettons que 10 minutes, c'est assez long pour un titre où même Martin Stürtzer semble s'être endormi. Roundtrip termine cet excellent album du musicien natif de Wuppertal avec un autre rythme statique où les boucles oscillatrices étirent une résonance qui fuit en délicats filaments stroboscopiques. Le clavier accompagne cette éternelle procession qui roule en boucles ascensionnelles en éparpillant des arpèges aux tonalités de bruit-blancs ou parasitaires, détournant ainsi un focus auditif qui finit par faire l'union entre les deux entités dont la survie dépend autant de l'un, comme de l'autre. Élément qui manquait dans Formation Mechanisms mais qui fait la richesse d'un étonnant album par un artiste qui apporte son vent de fraîcheur dans la MÉ de style Berlin School progressif et contemporain. Martin Stürtzer! Un nom à retenir et ça commence par FARCASTER, sans oublier Far Beyond the Stars…
Sylvain Lupari (04/07/20) ****½*
Disponible au Martin Stürtzer Bandcamp
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