“C'est un fabuleux voyage au cœur des territoires secrets de Michael Brückner, là où le spectre de Steve Roach explique les origines de ses influences”
CD 1 77:41
1 Servant of the Secret Fire 18:43
2 White Bell of Anor 18:35
3 Mythopoéia 10:52
4 Yavanna 17:13
5 Black Bell of Udûn 16:16
CD 2 76:11
1 The Dreaming of the Valar 18:18
2 Ancient Darkness 12:47
3 Ainulindalé 17:00
4 In the Beginning 14:32
5 Aiwé 13:30
(CD/DDL 153:52)
(Drone, Ambient, Berlin School)
Vous êtes fan de Michael Brückner? En plus, vous êtres fan de ces longues rivières sonores sans courants, mais avec de bonnes perturbations atmosphériques? SERVANT OF THE SECRET FIRE (Drones, Atmospheres & Dreamscapes Vol. 1) a beaucoup d'arguments pour vous plaire! Étalé sur 2 CD remplis à ras bord, ce premier volet sur les drones, les atmosphères et les paysages de rêve répond avec justesse aux ambitions de son créateur. Il y a de forts moments sur ce double CD qui évoquent avec justesse tout le talent de Michael Brückner. Disons d'entrée de jeu que c'est un album qui joue sur les frontières du Dark Ambient, dépassant par endroits les limites, et de l'ambiant psychédélique avec quelques phases, bien isolées, de bon Berlin School. Bien que l'on y trouve des repaires de sérénité propice à de la relaxation, ou à un prélude pour le sommeil, les 154 minutes de cet album sont fortement divisées par des moments de lourdes perturbations atmosphériques qui nous déconnecte de ce mince fil vers la méditation.
C'est en douceur, j'entends même des pépiements mécaniques, que la longue pièce-titre nous amènent dans les zones souterraines de l'univers Michael Brückner. Pour faire de la bonne musique ambiante, il faut de l'émotion. Et je sens très bien les mains de mon ami caresser son clavier ici afin de nous faire vivre autant la douceur que le côté sombre et pénétrant du Dark Ambiant. Et cet épique combat de Servant of the Secret Fire me fait lever le poils des bras lorsque les crissements angéliques s'agrippent à ces voiles de noirceur qui tentent de nous envelopper. Je les entends, comme les voit, s'enlacer et se chamailler jusqu'à l'arrivée du séquenceur qui crache son rythme statique qui va et vient, monte et descends comme dans ces bons Berlin School hypnotique. Des arpèges lumineux dansent autour de ce rythme stationnaire qui disparaît peu à peu dans les avancées des nappes ambiantes dont les parfums de Steve Roach se font sentir surtout vers la finale. La finale et l'introduction de White Bell of Anor qui avance par impulsion de deux lents battements. Très ambiant, dans le genre éthéré, le titre plonge vers un tintamarre avec une pulsion électromécanique de ces deux battements, imitant des feuilles de métal se frottant avec hargne et qui nous font sortir de notre lit méditatif. La troisième partie redevient quiétude avec une vision plus séraphique que l'ouverture. Mythopoéia est un beau titre ambiant, sans aucune déviation sonore, qui coule avec sérénité. Un très beau prélude au titre-phare de l'album, Yavanna. Ici, tout est beau et lumineux! La musique nous aborde avec cette sensation de sérénité qui atteint un niveau d'intensité fort acceptable pour une musique de nuit avec des réverbérations qui roulent en boucles au-dessus de fines percussions et une ligne de rythme ascensionnel magnifiquement sculpté. Black Bell of Udûn nous sort de cette zone de confort avec une vision plus psychédélique, genre Pink Floyd période Ummagumma, créé par les tintements de grosses cloches qui irradient une grosse masse de réverbérations. Émiettant ses minutes en un long parcours où la turbulence de ses phases atmosphériques et les douceurs de son mouvement de séquenceur en mode Berlin School, Black Bell of Udûn respire la dualité de la pièce-titre. Bouclant ainsi la boucle d'un premier CD qui répond aux attentes.
Creusé dans les impulsions magnétiques de longs drones, The Dreaming of the Valar est un titre dont le lent développement rapporte ses dividendes. Un voile de synthé nasillard adopte quelque peu les frondes circulaires de ces murmures sans mots dans une longue introduction qui prend un peu plus de vie avec une agréable ligne de basse qui surmonte ce courant apathique. Ces premiers battements s'écrasent avec une noblesse musicale autour des 6 minutes. Une minute plus tard, des effets percussifs shamaniques et des percussions tribales amènent une peau de tribal ambiant à ce titre dont la mélodie détachée du voile de synthé, et la ligne de basse sont synonymes d'envoûtement. Les premiers moments de Ancient Darkness sont lourds et sombres avec ces bourdons qui font vibrer le pavillons de nos oreilles. Le mouvement est toujours lent avec ces réverbérations circulaires qui prennent une teinte translucide avant de revenir à sa forme d'origine. C'est un peu comme si nous errions dans des grottes avec d'inexplicables passages phosphorescent. Moins sombre, Ainulindalé est un long mouvement sinueux où la noirceur flirte avec une vision moins ténébreuse. Nous sommes dans l'antre de l'atonie. Là où notre cerveau se déconnecte de plus en plus avec les émotions flottantes d'une musique profondément ambiante. Michael Brückner insère des moments plus harmonieux qui nous tiennent en éveil avec juste ce qu'il faut pour éviter l'ennui. Un peu comme dans The Dreaming of the Valar, In the Beginning vit avec ces lentes implosions d'une bonne ligne de basse dont les réverbérations rampent dans une phase sombre et intrigante qui se recouvre des nitescences de lentes nappes brumeuses. Nous sentons que Michael Brückner veut sortir nos oreilles de cette hibernation musicale avec des phases plus lumineuses dans le dernier tiers du CD 2 qui arrive à sa conclusion avec Aiwé. Ce titre plus musical joint le merveilleux Yvanna dans ma section musique de nuit.
Offert en CD manufacturé et avec une production sans failles, SERVANT OF THE SECRET FIRE est un fabuleux voyage au cœur des territoires secrets de Michael Brückner, là où le spectre de Steve Roach explique les origines de ses influences. Comme la majorité de ses œuvres, ce double-album commande quelques écoutes afin de bien assimiler les visions musicales, parfois complexes, de son auteur. Et comme je l’ai écrit plus haut, ça rapporte toujours des dividendes lorsqu’on apprivoise lentement la musique d’artiste aussi créatifs et visionnaires que Michael Brückner.
Sylvain Lupari (07/06/20) ****¼*
Disponible au Michael Brückner Bandcamp
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