“Plus sobre que la majorité des œuvres de Ultimae, [Elsewhere] est finalement l'album qu'il faut pour s'introduire à cet Électronica à saveur psybient”
1 False Dawn 6:28
2 Elephants 5:57
3 Incompressible Flow 5:19
4 Ominous Ride (album edit) 6:09
5 Human Theory 6:28
6 Abismo 2.0 5:14
7 Song of the Burning Mountain 7:02
8 Purity 5:36
9 Elsewhere (The Fade edit) 6:32
10 Magnificient Desolation 8:05
11 Nascency 6:10
12 Time or Place 5:42
(CD/DDL 73:41)
(Morphic and ambient down-tempos)
L'univers du label Lyonnais Ultimae Records est cousu de féeries soniques qui flânent dans des structures de down-tempos et des rythmes ambiants aux écumes psychédéliques. Sauf que des fois, il y a des œuvres qui échappent à la déraison artistique pour nous offrir de quoi s'intéresser à ce qui s'annonçait trouble, troublant et finalement exquis. Après avoir offert deux compositions sur la compilation Ambrosia, Miktek revient hanter nos oreilles avec un premier album chez Ultimae. Et [ELSEWHERE] fait partit de ces portes qui débouchent de l'autre côté de la raison. C'est un album qui palpite de ses rythmes aussi contradictoires qu'ambigus où le down-tempo est roi et maître de ses ambiances éthérées.
False Dawn donne le ton à un album qui exploite à merveille les rythmes mous et les ambiances qui chevauchent paranoïa et acuité cérébrale. Après une intro moulée dans des souffles cosmiques, dont l'élan forge des cerceaux flottants, le rythme étend sa toile ambiante avec de fines pulsations qui battent sobrement dans une ambiance électronique. Des castagnettes résonnent dans du verre alors que des arpèges, fragiles de leurs tintements, errent comme des chants de cigales sous les étoiles du Centaure. Le rythme se fait plus insistant. Alourdissant le pas, il devient un down-tempo semi lourd où la ligne de basse palpite de ses accords vrombissants. Les arpèges sortent de leurs errances, tintant d'une approche lunaire sur une structure qui collige peu à peu ses éléments harmoniques et soniques pour instaurer le squelette de [ELSEWHERE] qui épluchera ses 12 titres sur des structures de rythmes dont les fines variances amadouent plus l'auditeur que le surexcitent. Contrairement à son titre, Elephants est tout délicat. Les cymbales papillonnent au milieu des claquements de main alors qu'une mélodie toute simpliste dans son appareil minimaliste charme l'ouïe comme un beau ver d'oreille. La structure n'est pas vraiment différente de False Dawn. Tout est en subtilité; le rythme qui se détache de sa peau initiale pour accélérer un peu la cadence, le bouillon cosmique qui élabore ses plans vaporeux avec de fines nuances dans les palettes, des chœurs que l'on perd dans des vents abscons et des chuchotements de paranoïaques ornent une structure que l'on retrouve, sans vraiment s'y ennuyer, tout au long des 73 minutes de cet album. Après un lent départ psybient, Incompressible Flow embrasse la douce structure d'un down-tempo morphique où traînent de beaux accords de piano électrique. Les percussions sont lourdes. Elles forgent un rythme lent et assommant qui résonne comme un coup de fusil dans le vide. Ce piano délicat retrouve sa forme harmonique sur Ominous Ride qui tournoie lentement sous ses grésillements, sa pluie cosmique et ces chœurs dont les soupirs façonnent les cerceaux carcéraux de [ELSEWHERE]. À cause de sa structure de rythme indéfinissable, Human Theory est le titre le plus complexe de ce premier opus du sculpteur de sons Grec chez Ultimae. Le rythme vit au travers une pléthore de percussions et pulsations dont les tonalités disparates moulent une étonnante marche d'araignées aux pattes inégales. Les lignes de synthé crachent un venin harmonique alambiqué, un peu comme des souffles de spectres branchés sur un Théramin qui manque de souffle, alors que ce pattern de piano mélancolique refait surface, nuançant ses notes mais pas sa morosité. Après une intro soufflée dans les soupirs et cerceaux soniques de la Voie Lactée, Abismo 2.0 offre un rythme plus lourd martelé de percussions punitives. Et chaque coup rentre dans l'oreille alors que le rythme roule comme des vagues de bruits sous l'égide de chœurs astraux. Un rythme qui, honteux de sa fureur lourde, accueille une douce mélodie qui chante de ses accords inégaux.
Sautillant sur les élytres métalliques d'un rythme qui erre entre sa vélocité et son manque de vivacité, Song of the Burning Mountain s'adonne à un autre bon down-tempo orné d'un collage de tonalités et d'harmonies vampiriques qui sont très récurrentes sur l'album. Sauf qu'ici, les cymbales déchirent littéralement l'ouïe. Purity est un autre titre intéressant qui survit à une autre intro ambiante et cosmique. Le rythme papillonne sur ses frappes de dactylo au débit névrotique. Le tout me fait penser un peu à Prodigy, mais la comparaison s'arrête là. Si le rythme est plus incisif, il demeure sous le seuil d'un bon mid-tempo qui bat au travers ses phases ambiosphériques. Les lignes de synthé forgent ces douces bribes d'harmonies qui vont et vient, sous diverses formes vampiriques, tout au long des enveloppes de mélodies cosmiques qui rodent tout autour de cet opus. Un peu comme dans la pièce-titre où ils ululent comme des âmes perdues sur un rythme qui fragmente ses frappes, qui subdivise leurs échos pour lui donner une courbe sans pareil. Une ligne de rythme où les séquences se bousculent et rencontrent des frappes de percussions, brodant un rythme aussi lourd qu'incisif. C'est de loin le meilleur titre sur [ELSEWHERE]. Magnificient Desolation n'est pas vilain, et il porte magnifiquement son titre. C'est une belle ballade lunaire au rythme aussi absent que ses frappes de percussions et ses pulsations molles. Un superbe voile de noirceur, moulé dans un maillage de chœurs et d'ondes de synthé astrales, recouvrent ce rythme ambiant qui peu à peu respire de sa solitude sur un beau down-tempo lunaire et très éthéré. Et plus on avance et plus on s'enfonce dans la noirceur de ses down-tempos morphiques. Nascency en est tout un. Il respire de ses pulsations symétriques, de ses cerceaux murmurés et rayonnent de ses lignes de synthé qui flottent au-dessus d'un univers de rythmes interdits. C'est lourd, sensuel et un brin Motown, notamment avec ces brumes orchestrales qui nourrissent un appétit concupiscent. Isolé dans sa solitude, Time or Place est un titre morose où le piano fond la glace de nos entrailles pour y laisser couler les larmes. Une belle façon pour Miktek de dire au revoir, mais surtout une autre habile manière d'orner un down-tempo qui n'en n'est pas vraiment un.
Plus sobre que la très grande majorité des œuvres que j'ai entendues jusqu'ici sur le label Ultimae Records, [ELSEWHERE] n'en demeure pas moins très beau, très musical. Mihalis Aikaterinis développe sa nouvelle vision du down-tempo en saupoudrant ses rythmes minimalistes de fines nuances qui à chaque fois éclate d'une saveur insoupçonnée. Onirique, poétique, sensuel et sybarite Miktek fait preuve autant de sensibilité que d'audace sur 12 structures qui dansent, flottent et flânent avec le cosmos où même ses ambiances glauques sont tapissées de soupirs et de bruines d'anges. Pour moi, c'est l'album idéal pour se laisser envoûter par le doux appel des armoiries psychédélique des rythmes ambiants. Quand l'ésotérisme se danse, ça donne [ELSEWHERE] de Miktek.
Disponible au Ultimae Records Bandcamp
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