“La musique de MorPheusz est ce qu'il y a de mieux dans cet univers où l'on essaie de rejoindre les pôles d'une musique sans concession”
1 Psychedelic Poetry 11:54
2 Tantalizing Thoughts 13:55
3 Arousing Imaginary Vortex 7:33
4 Oriental Insomnia 18:03
5 Dawn of Dreams 15:43
(CD/DDL 67:08)
(Netherlands School, Prog E-Rock)
J'avais été très impressionné par le solide Days of Delirium & Nocturnal NightMares qui était le premier chapitre de MorPheusz. On attendait le deuxième avec impatience. Même que l'on croyait que ce projet qui unit les Néerlandais Ron Boots et les frères Harold et Eric van der Heijden au guitariste/synthésiste Allemand Frank Dorittke était sur les tablettes. On voyait bien le groupe ici et là à des festivals, mais sans plus. Et finalement, après près de 3 ans d'attente, le groupe revient en force avec un album qui transcende les 2 premiers opus. Embrasée par les influences de Pink Floyd, Van Der Graff Generator, Ozric Tentacles et même Alan Parsons, la musique de TANTALIZING THOUGHTS at the DAWN of DREAMS redéfinie les standards de cette fusion tant souhaitée entre la MÉ et le rock progressif. Notamment à cause des prestances d'Harold van der Heijden aux percussions et de Frank Dorittke, et ce sans vouloir rien enlever aux deux autres, qui porte la musique de MorPheusz vers un autre niveau.
Un délicat mouvement de séquences s'évade de la nuée de bruits psychotroniques qui nourrit l'intro de Psychedelic Poetry. La guitare dessine des airs errants qui flottent dans des nuages de brumes ainsi que sur ce mouvement de séquences dont les doux tam-tam sculptent un rythme ambiant qui est très près des ballades électroniques du répertoire de Ron Boots. Mais on ne peut aussi éviter cette sensation d'égarer nos pensées dans l'ouverture d'Amused to Death de Roger Waters avec The Ballad of Bill Hubbard. La guitare et le doux rythme envahissant y sont tellement similaires. Les émotions grimpent à mesure que le crescendo s'intensifie. Les percussions d'Harold van der Heijden font rouler Psychedelic Poetry dans un genre de blues cosmique alors que le mouvement des séquences étend des lignes de rythmes ambiants parallèles qui serpentent la structure avec la complicité d'une six-cordes et de ses solos de plus en plus incisifs. Et, un peu avant la barre des 6 minutes, Psychedelic Poetry explose dans un gros rock progressif pesant où on dirait que Carlos Santana remplace Peter Hammill dans VDGG. Le rythme est lourd, pesant et étonnement entraînant où les harmonies d'Eric van der Heijden et de Ron Boots se chamaillent avec les solos de Frank Dorittke. Des bruits et tintements électroniques, de même que ces mouvements de séquences devenus stroboscopiques confèrent une superbe richesse sonique qui séduira l'auditeur tout au long de ce troisième opus de MorPheusz. Je fais référence à Pink Floyd? Les voix et les arpèges hésitants qui ouvrent Tantalizing Thoughts m'enlèveraient toute crédibilité si je n'en parlais pas. Nous sommes dans la période Animals (Sheep). Seuls les crissements de Frank Dorittke apposent la signature MorPheusz. De sourdes pulsations soutenues soutiennent un rythme fantôme qui pulse dans des décors ambiants ornés par la guitare du fondateur de Frank D Project. Une superbe guitare qui s'occupe de charmer nos oreilles avec des doux solos qui épousent les courbes harmonieuses des claviers. La batterie et les pulsations deviennent plus lourdes, plus insistantes et des solos de synthé sifflent au-dessus de cette chamaille ambiante qui échappe de très belles harmonies. J'entends du Ashra ici. Mais pour un bref moment. Car Tantalizing Thoughts tombe sous les courroux de la batterie et les morsures des riffs de la six-cordes qui alourdissent et transportent les ambiances vers un gros rock qui restera sous les charmes des fluides solos des synthés. Mais tout change! Alors que synthé et guitare échangent harmonies et solos paisibles, le très efficace Harold van der Heijden matraque le rythme avec de violentes frappes et Tantalizing Thoughts s'enfonce dans les lourdeurs et les parfums psychédéliques de Psychedelic Poetry où Frank Dorittke déchaine sa colère. Un superbe titre dont la conclusion revisite les harmonies abandonnées de son intro.
Vous aimez Ozric Tentacles? Vous allez dévorer le très sauvage Arousing Imaginary Vortex. C'est un titre nerveux qui est noué par un solide maillage de séquences et de percussions mais aussi troué par des solos d'une guitare aux harmonies arabiques. Des brises aussi noires que creusent et des tintements pastoraux se chamaillent son ouverture plutôt ambiante. Les séquences sautillent vivement dans des tonalités de gargouilles affamées et les percussions de Harold van der Heijden martèlent un rythme qui épouse un genre de furieuse chevauchée. C'est un solide titre qui trouve ses charmes dans une légère et subtile inclination de son mouvement, initiant un très bon duel de riffs nerveux entre la six-cordes de Frank Dorittke et les synthés du tandem Ron Boots/ Eric van der Heijden. Ça prend des doigts magiques pour qu'une guitare soit ainsi capable de tenir tête à des synthés déchaînés. Comme le dit le guide de presse; l'album met plus en lumière le jeu de Frank Dorittke. Un brillant guitariste! Et ses parfums arabiques persistent sur le très beau Oriental Insomnia qui est plus ou moins ambiant et très riche de ses parfums de MÉ. Excepté pour la finale qui est aussi explosive que les fougueux rythmes qui dévorent nos oreilles depuis la 6ième minute de Psychedelic Poetry. Dawn of Dreams est aussi marbré d'une approche plus électronique. Après une intro assez ambiosphérique, un maillage de séquences et pulsations, aussi résonnantes que glauques, sculptent un rythme ambiant qui palpite vivement sans pour autant exploser. La structure est teintée de noir sert de base à des riffs de claviers et des brumes de synthé qui semblent étouffer les roulements des percussions, mais pas ces délicats solos de guitare qui étendent des harmonies difficiles à ignorer. Après une brève phase ambiosonique, Dawn of Dreams tombe dans un rythme lourd mais stagnant où la guitare défile des solos aussi lourds que les frappes de la batterie dans un décor sonique qui fusionne à merveille les frontières de la MÉ et du rock progressif.
L'attente a été longue, mais valait la peine. La musique de MorPheusz est ce qui se fait de mieux dans cet univers où l'on tente de joindre les pôles d'une musique sans concession et libre de toutes contraintes commerciales que celles de la MÉ et du rock progressif. Sauf que, comme Pink Floyd ou encore Alan Parsons, la musique de TANTALIZING THOUGHTS at the DAWN of DREAMS rejette les corridors de la dissonance ou de la simple improvisation afin d'offrir une musique qui s'apprivoisera un peu mieux. Et jamais auparavant, la guitare et la batterie n'auront jamais si bien servies ce fascinant mariage sonique.
Sylvain Lupari (20/05/15) ****½*
Disponible chez Groove NL
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