“J'ai été cloué à l'histoire d'un album qui étonne et fascine, d'une écoute à l'autre”
1 Landing on Ganymede 7:50
2 Subsurface Exploration 8:08
3 Strangely Familiar Lifeforms 5:57
4 Improbable Discovery 5:17
5 Orbital Resonances 3:26
6 Tidal Dissipation 7:20
7 Doppler Tracking 7:22
8 Leaving for Callisto 6:50
(DDL 52:12)
(Cosmic Berlin School Orchestral)
J'aime l'idée de la pochette en noir et blanc! Même si nous sommes dans le futur à explorer la planète Ganymede, le son, l'enveloppe sonore de ce 3ième album du musicien montréalais aborde fièrement le son rétro des années analogues. Voilà bien 3 ans que nous étions sans nouvelle de Mutagénèse que son dernier album offert en téléchargement seulement atterrit dans les bacs de l'Internet à la mi-septembre. GANYMEDE est un album-concept qui nous invite à explorer l'univers de cette planète. L'histoire musicale est une invitation à surfer sur ses surfaces glacées, comme nous plonger au cœur de ses sombres abysses. La musique devient des mots que nos oreilles transposent en une œuvre cinématographique liée à sa perception. Je n'ai rencontré aucune difficulté à imaginer les grottes ni ses étranges habitants, comme les surfaces striées par des archets labourant des symphonies à nous porter plus haut que les étoiles. Et comme avec Errance Planétaire et Exploration Spatiale, GANYMEDE unie à merveille le son des années 70 avec la technologie d'aujourd'hui.
La musique derrière Landing on Ganymede est très représentative de son titre avec une première excursion visuelle créée dans l'appréhension. Les woosshh se font sentir de l'intérieur de la navette alors que les100 premières secondes meublent un panorama auditif avec des effets sonores flous, simulant une créature que nos yeux ont cru déceler à la toute dernière seconde. Le séquenceur sort de son mutisme avec une solide ligne de basse-séquences zigzagant parmi des effets de tonnerres sculptés dans le bois. Et lorsque les percussions arrivent 50 secondes plus loin, Landing on Ganymede devient un rock électronique entraînant avec des pads de synthé prismatiques, des effets sonores cosmiques et, plus loin, des effets orchestraux avec des riffs de violon pincés sèchement. Gardant la même cadence, mais affichant une fluctuation plus émotive, le titre se rend jusqu'au bout sans perdre une seconde de son attrait. Subsurface Exploration est ce que j'appelle une musique atmosphérique riche en couleurs et en images. Un titre avec des élans caoutchouteux de nappes de synthé se déplaçant comme des méduses géantes, certaines ont même des grelots hurleurs après leurs pattes longilignes. Leurs mouvements sont parfois brusques, déplaçant des nuages de boues et expulsant une eau oxygénée de tonalités amplifiées. Comme un langage codé! Emporté par un courant orchestral, Subsurface Exploration perd un peu de sa personnalité gluante pour devenir plus menaçante. Ces orchestrations guident les destinées de Strangely Familiar Lifeforms qui devient une belle symphonie organique riche de ces tonalités suspectes pouvant décrire l'aspect horrifique comme abject de ces petites créatures qui ont infestés les charmes des instruments à cordes.
Instruments à cordes que l'on retrouve en ouverture de Improbable Discovery. Est-ce que la découverte serait ce somptueux Berlin School symphonique qui se love à nos tympans? Toujours est-il que ce titre est plus que mirifique avec son air de fantôme sifflé par le synthé et puis craché par ces orchestrations cernées par des tcheeketchee qui s'agglutinent comme une grappe d'insectes aux ailes sifflantes prisonniers dans un tube trop étroit. Un titre sublime! Orbital Resonances emprunte le caractère caoutchouteux des accords graves qui dansent sournoisement en son ouverture. Un titre statique un peu à l'image d'un marcheur errant avec des enjambées de type slalom qui reste prisonnier de son champs électromagnétique. Tout cela nous amène aux nappes saccadées de Tidal Dissipation. Elles créent un rythme aussi improbable que ce DJ faisant avancer et reculer un vinyle dans des saccades spasmodiques. Parallèlement, un murmure chtonien infiltre les ambiances, comme cette eau déversée de nulle part qui fait fuir une nuée de claquettes. Tidal Dissipation avance tant bien que mal dans un pattern similaire jusqu'à ce qu'un piano, venu de nulle part, éparpille des notes rêvant d'harmonie. Eh bien, ça ne sera avec Doppler Tracking! Pourtant, il y a du rythme et même une vision mélodique tissée dans l'approche saccadée et spasmodique d'un séquenceur libérant 3 lignes dans un univers d'effets sonores rugissant avec un écho de sarcasme dans le ton. Il faut attendre à Leaving for Callisto pour saisir la prochaine approche mélodieuse de GANYMEDE. Les orchestrations sont dans le ton de ces musiques créées lors des scènes d'adieu. Mais nous sommes dans une musique de science-fiction où les habitants de Ganymede, et il y en a des étranges, nous disent au revoir avec leur langage borborygme. Après un passage atmosphérique, Leaving for Callisto décolle dans ce Berlin School symphonique avec ce séquenceur aux impulsions qui font très Vangelis (End Titles de Blade Runner).
J'ai été collé à l'histoire de Mutagénèse dès les premières mesures de Landing on Ganymede. Faut dire que les effets sonores ne sont pas étrangers à cette facilité de se connecter à l'exploration de GANYMEDE et de ses courants musicaux surfant entre les vagues rythmiques d'hier et les visions philarmoniques plus contemporaines. Du bon Berlin School, de bonnes orchestrations et un fascinant dialecte des machines remplissent les 52 minutes d'un album qui étonne et fascine, d'une écoute à l'autre.
Sylvain Lupari (11/10/21) *****
Disponible au Mantagenese Bandcamp
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