“Comme Bernd Scholl (MellowJet), j’ai entendu beaucoup d’albums dans ma vie et j’en écoute encore beaucoup chaque année et je peux confirmer que cet album d’Otarion est vraiment exceptionnel”
1 Unreality 6:20 2 The Way 7:07 3 Unpredictable 7:20 4 Crucial Now 8:24 5 Wayward 7:19 6 The Summit 7:12 7 Stay Tuned to Understand 14:16 8 Recollection 6:42 9 Welcome to Reality 10:22
(CD-R/DDL 75:01)
(Heavy electronic progressive & symphonic rock)
Attendez-vous à de l'inattendu! Cet adage sied très bien à la musique d'Otarion. Mais jamais comme dans EXTENSIVE où Rainer Klein transcende le genre musical du label Allemand MellowJet Records, qui est plus orientée vers un genre Électronica, sinon même du Techno. Sauf pour Otarion! Et pourtant on sentait venir le coup puisque d'album en album, le musicien-synthésiste natif de Siegen lorgnait de plus en plus vers du gros heavy-rock progressif et symphonique électronique avec une vision cinématographique. C'est exactement de quoi est fait son dernier album. Avec des guitares qui sonnent comme ces comètes rageuses et criantes d'émotions du répertoire de Thorsten Quaeschning, des nappes d'orgue immersives crachées avec un haut niveau d'intensité, des rythmes lourds et lents, EXTENSIVE rassemble tous les ingrédients absolus pour en faire une poignante trame sonore que l'on peut coller à différentes histoires de vie. Hormis ces éléments qui donnent des frissons dans l'âme, les 75 minutes de cet album coulent sans interruptions. Rainer Klein est en plein contrôle de Otarion et tisse un album plus que très intense où les riffs de guitares et de clavier, les séquences et les percussions, sans oublier les nombreux effets percussifs, coulent un rock électronique lourd et sans bulles d'air, ni d'eau dans le solage. Dire que cela débute avec d'innocentes notes de piano cajolant de distantes brises électroniques.
Unreality propose une introduction triste couchée par ces notes de piano qui soulèvent des nappes de voix tout en éveillant une guitare crachant déjà son venin. L'intensité monte comme cet eau qui inonde peu à peu ces routes lorsque le débit est bousculé par le temps. À peine arrivées, les percussions frappent pour un rythme lent mais lourd. Aidé par des couches de synthés aux essences vaporeuses et par cette guitare qui étire ses longs riffs mugissant accordés aux ambiances, l'air bourdonne. Et c'est cette guitare qui conduit Unreality à son implosion d'où reviennent des limbes ces fragiles notes d'un piano oublié l'espace de 5 minutes. Des pas résonnent sur le bitume d'un quartier en éveil, The Way et un pianiste étend sa splendide mélodie qui sera récurrente dans EXTENSIVE. Elle s'accroche à l'up-tempo dirigé par des percussions agitées, comme de l'eau troublée. Le temps s'arrête et la mélodie revient prendre possession de nos sens. Le rythme qui revient est habillé de tendres et enveloppantes couches d'une orgue qui l'enserre dans un down-tempo. Le pianiste revient pour un 3ième couplet et le rythme reprend les commandes en augmentant subtilement ce débit affectif qui coule dans les veines de cet album. Le pianiste abandonne son piano après un dernier essai mélodieux. Ses pas résonnant et s'éloignant dans une zone nébuleuse nous amènes à des cerceaux sonores dont leurs chocs font émerger le chant spectral d'une onde Martenot. C'est de ces éléments et d'un sinistre chant d'une orgue d'église que Unpredictable inscrit sa présence afin de donner le premier élan rythmique à EXTENSIVE. Des percussions et des basses pulsations structurent ces rythmes qui galopent lentement afin d'exploser tôt ou tard. Le synthé et la guitare font duel et s'échangent des solos vibrant d'émotions alors que ce rythme s'emballe pour s'écraser dans une forme de coït interrompu. Mais les ambiances sont de feu et les ondes Martenot multiplient les attaques sur une structure qui déploie ses lignes de pulsations ainsi que ses effets d'échos de ses éléments percussifs invisibles, vivifiant ainsi une structure qui bouillonne sans connaître son explosion. Cette portion ressemble étrangement aux chorégraphies de Tangerine Dream, de la Sonic Poem Series. Nous arrivons à Crucial Now et son intense introduction ambiosphérique. Des nappes de vieil orgue, des notes de piano et des effets de vents électroniques nous amènent vers un down-tempo gothique. Lourd et lent, ainsi que flagellé par des strates de guitare rageuses, Crucial Now s'enveloppe dans des nappes de synthé aux couleurs acariâtres qui ne sont pas assez opaque pour contenir la violence sédentaire qui s'anime sous son envol. Après une à deux secondes de silence, Wayward plonge dans une ouverture remplie de ces cerceaux flottants et de ces notes de piano égarées. Des séquences roulent avec un débit nerveux, mais statique. On sent une prochaine implosion qui se produit avec l'arrivée des percussions, géniales ici, qui chevauchent le rythme sous les charmes de ces nappes d'orgue. Nous plongeons ainsi dans un furieux rock apocalyptique avec un passage finement stroboscopique avec une ligne de basse très mouvementée. La violence de EXTENSIVE éclot dans toute sa splendeur.
The Summit offre une introduction tout aussi nébuleuse que celle de Crucial Now. Sauf que les ambiances piquent du nez autour de la 3ième minute. Tout d'abord, c'est une série de riffs en mode staccato qui agite nos pieds. Puis de vrais riffs de guitare électrique vifs et saccadés font exploser les ambiances en premier lieu chthoniennes de The Summit qui devient un vrai heavy-rock électronique. Du gros rock symphonique lourd et cinématographique! Les hésitantes notes de piano reviennent agacer l'ouverture de Stay Tuned to Understand. Des striures de guitare ardentes étirent leurs gémissements au-dessus d'un mini concert de stridulations. Des tonnerres, ou des explosions, feutrées ajoutent au poids des ambiances crépusculaires où le cliquetis du temps semblent encore défier les éléments en place. Des éléments percussifs sondent ces ambiances, on dirait des sabots clopinant, d'où s'élèvent des strates encore plus écarlates d'une fusion guitare/synthé dans cet univers de paradoxes. Tout semble figer dans le temps, alors qu'en réalité tout est en en mouvement, mais en attente. Des orchestrations ajoutent au poids de cet enrobage sinistre, de même que des effets électroniques qui vacillent entre les parfums harmoniques qui sont toujours à reconstruire dans le lit du piano. Et plus on avance et plus cet étau dramatique Shakespearien se resserre autour des ambiances de Stay Tuned to Understand qu'une ligne de basse ascensionnelle parcoure dorénavant. Les solos de guitare éclatent parmi ces sabots clopinant sur de la terre dure. Intense, cette ouverture évapore ses tourments dans une délicate berceuse d'un piano et de lentes orchestrations qui surveillent la pluie et les possibles intempéries atmosphériques. Ces émouvantes pensées du piano glissent jusque dans l'ouverture de Recollection où des arpèges percussifs tintent et dansent autour de cette mélodie qui n’arrive pas à faire taire ces mugissements de bêtes sorties des enfers. Des orchestrations tissent un lit de violons qui jettent un peu de cette brume à faire pleurer. Les percussions font encore plus chavirer nos émotions avec des frappes lentes comme lourdes de sens, alors que Recollection continue de tourner avec un autre visage et surtout des émotions différentes pour embrasser une finale lourde et tiraillée par des solos de synthé aussi vifs que des strates de violons. C'est dans des carillons de cloches d'églises que Welcome to Realitys e présente à nos oreilles. La fin approche et des arpèges tintent parmi des soupirs assez iconoclastes du clavier. La table est mise, cette finale ne se fera pas dans les limbes célestes. Le décor méphistophélique d'EXTENSIVE tisse ses toiles séductrices avec des chants de sirènes de l'apocalypse dans cette tension musicale digne des confins des ténèbres. Cinématographique du genre horreur, la musique change de ton après les derniers grincements de gonds et tintements de cloches. Et si une douce mélodie tissée dans les tuyaux d'une orgue s'élève, ça ne veut pas dire que nous entrons dans une phase éthérée. Que non! EXTENSIVE meurt comme il a vécu et vaincu. Un excellent opus d'Otarion. Et ce à tous les niveaux…
Sylvain Lupari 25/04/19 *****
Disponible au Otarion's Bandcamp
Comments